On Vous Croit – Quand la justice oublie d’écouter les limites des enfants


Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys signent avec On Vous Croit un drame social puissant sur la justice et la maternité. Myriem Akheddiou bouleverse en mère protectrice dans une salle d’audience où chaque mot devient un combat pour la vérité et la survie de ses enfants.

Avec On Vous Croit, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys signent un drame social d’une intensité rare sur la justice, la maternité et la parole des enfants. Myriem Akheddiou incarne Alice, une mère confrontée à la pire des épreuves : défendre la garde de ses enfants face à un père accusé de violences. Le film plonge le spectateur dans la salle d’audience où chaque mot peut tout faire basculer. Inspiré par l’expérience d’infirmière de Charlotte Devillers, le récit interroge la manière dont la société écoute, ou n’écoute pas, ceux qu’elle prétend protéger. Sobre, bouleversant et d’une justesse clinique, On Vous Croit nous met face à une réalité trop souvent tue : celle d’une justice qui hésite à croire les victimes, même les plus fragiles.


Immersion dans le parcours du combattant d’une mère

Alice, interprétée par Myriem Akheddiou, se retrouve devant un juge, sommée de prouver qu’elle peut protéger ses enfants de leur père. Ce huis clos judiciaire est construit autour d’une audience filmée en temps réel, où chaque parole pèse le poids d’une vérité impossible à dire. En face d’elle, le père, joué par Laurent Capelluto, incarne la complexité d’un homme qui nie tout, oscillant entre défense rationnelle et déni profond. Natali Broods prête sa justesse à la juge, figure d’équilibre et d’écoute, inspirée de magistrats réels. Autour d’eux gravitent les avocats, professionnels du droit jouant leur propre rôle, ajoutant une authenticité saisissante à ce dispositif minimaliste. Les enfants, Lila et Ulysse, forment le cœur émotionnel du récit. Leurs regards silencieux traduisent la détresse de ceux qui ne peuvent plus faire confiance au monde des adultes. Entre tension et humanité, chaque personnage devient le miroir d’une société où la vérité se heurte au doute institutionnel.

Notre avis en quelques mots

Un film fort et intense. On finit par confondre la fiction du documentaire. Pourtant, c’est bien une fiction. Le jeu, la direction d’acteur, le cadrage et les bruitages sont pour nous imprégnant comme un thriller rythmé sur les pulsations d’un cœur. 3 partis, 3 avocats — Celui des enfants à un rôle de défendre l’intérêt des enfants et non celui des parents —. Parfois, il ne comprend pas la situation, dans le film, il est piégé par des théories de psychologie du développement et nie la réalité du danger du père.


Une société figée sur un modèle parental et développement de l’enfant avec deux parents

On Vous Croit met à nu une société encore prisonnière d’un modèle parental hérité du passé, celui où la figure du père et celle de la mère doivent coexister coûte que coûte, même lorsque la violence s’est installée. Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys exposent avec une justesse glaçante les limites d’un système judiciaire qui préfère préserver la symétrie du couple parental plutôt que la sécurité de l’enfant. Le film montre comment la loi, sous couvert d’équité, perpétue des schémas où l’on exige des mères qu’elles demeurent rationnelles, disponibles, irréprochables, même face à la terreur.

À travers le parcours d’Alice, le spectateur comprend que le véritable combat n’est pas seulement contre un homme violent, mais contre une structure sociale qui refuse d’admettre qu’un seul parent puisse suffire à élever et aimer. Le film dépasse ainsi la simple étude de cas pour questionner un modèle de société où l’autorité paternelle reste symboliquement dominante, même lorsqu’elle est destructrice. Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys rappellent que le devoir de protection doit primer sur la tradition. Leur caméra observe sans détours le déséquilibre de ce système qui prétend protéger tout en mettant en péril ceux qu’il juge.
L’audience devient le théâtre d’une tension morale : faut-il protéger l’image du père ou la chair des enfants ?

En plongeant dans le vécu d’une mère protectrice, le film révèle la fracture entre l’instinct et la norme, entre l’amour viscéral et la froideur administrative. En filigrane, la question du développement de l’enfant traverse tout le récit : comment grandir lorsque la parole d’un petit doit affronter l’autorité des adultes ?
Les réalisateurs placent le regard de l’enfant au centre du débat, rappelant que chaque délai judiciaire, chaque remise en question de sa parole, crée une blessure durable. Ce choix confère au film une portée universelle, une réflexion sur la responsabilité collective face à la vulnérabilité.

L’œuvre interroge cette obsession sociale du « deux parents pour l’équilibre », montrant qu’elle peut devenir un piège. À travers les mots des juges, des avocats, et surtout le silence des enfants, On Vous Croit dresse le constat d’une société qui préfère les apparences à la protection. Ce n’est pas la famille qu’il faut sauver, mais l’enfance elle-même. Le film agit comme un miroir moral, une remise en cause du dogme parental au profit d’une vérité essentielle : un enfant ne se construit pas dans la symétrie, mais dans la sécurité.


Un film choc filmé de manière frontale et viscérale

La mise en scène de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys est une déflagration maîtrisée. Tournée presque entièrement en temps réel, la séquence centrale de cinquante-cinq minutes fait du spectateur un témoin impuissant, enfermé dans la salle d’audience avec les protagonistes. Trois caméras captent chaque souffle, chaque micro-réaction. La frontalité du dispositif interdit tout échappatoire : il faut regarder, écouter, supporter. Myriem Akheddiou livre une performance d’une rare intensité, oscillant entre la mère louve et la femme épuisée. Son regard, souvent en gros plan, concentre toute la violence contenue d’un combat intérieur.

La force du film réside dans cette approche quasi documentaire qui immerge le public dans une réalité sans fard. Le choix du plan continu, sans coupe visible, rend chaque instant insoutenable et vrai. La tension naît du silence, du temps qui passe, de la peur palpable.
Le film renonce à la musique dramatique pour laisser place au son brut des voix, aux silences et aux respirations. Rien n’est esthétisé : la caméra ne cherche jamais à séduire, elle enregistre la douleur comme un fait. Cette radicalité visuelle rappelle le cinéma de procès de Raymond Depardon, mais avec une charge émotionnelle plus explosive.
Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys orchestrent un ballet d’angoisse et de vérité, où l’humain prime sur la mise en scène. Chaque plan devient une respiration, chaque échange une épreuve morale. Le spectateur, prisonnier du champ, ressent physiquement l’impossibilité de détourner le regard. La production sonore participe, elle aussi, à un sentiment d’enfermement. Nous sommes là, dans un huis clos, sans aucune échappatoire possible !

Les réalisateurs ont choisi de mêler acteurs professionnels et véritables avocats, renforçant la crédibilité des échanges. La tension atteint un paroxysme lorsque la parole d’Alice se déploie sur plus de vingt minutes, moment de vérité absolue où le spectateur cesse de juger pour simplement ressentir. On Vous Croit bouleverse par sa capacité à créer une expérience sensorielle, physique, presque insoutenable. Le spectateur sort vidé, conscient que cette douleur n’est pas du cinéma, mais un reflet direct du réel. Ce film est un choc moral et esthétique, une claque silencieuse contre l’indifférence.
Rarement une œuvre aura capté avec autant de pudeur la collision entre justice et émotion. La salle devient un champ de bataille intime, où chaque mot prononcé pèse comme un verdict.


Les risques de passage à l’acte

En filigrane, On Vous Croit explore une question glaçante : comment la douleur, l’humiliation et l’injustice peuvent pousser un parent au bord de la rupture ? Le film montre qu’avant tout passage à l’acte, il y a une accumulation de micro-violences, d’audiences répétées, de non-lieux, de doutes jetés sur la parole. Alice, enfermée dans un système qui ne la croit pas, vacille. Ce n’est pas la folie qui la guette, mais la fatigue de devoir prouver sans cesse son innocence morale.

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys ne condamnent ni ne disculpent, ils observent ce moment fragile où la peur, l’impuissance et l’épuisement deviennent des forces destructrices. La mise en scène traduit cette tension par une lente montée de la colère contenue.

Le film rappelle que l’on ne devient pas violent par essence, mais par désespoir. Chez elle, la colère n’est jamais tournée contre ses enfants, mais contre l’institution qui la condamne à revivre son trauma. En cela, On Vous Croit interroge les limites de la résistance psychique et met en lumière le besoin urgent d’un accompagnement adapté.
Le scénario souligne que le déni social précède souvent la tragédie : ne pas croire, c’est déjà laisser faire. Chaque mot non entendu devient une arme invisible qui pousse à l’abîme.
La mise en scène, sobre et tendue, transforme le risque de passage à l’acte en cri silencieux : celui d’une société qui pousse ses victimes à bout tout en prétendant les protéger. Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys ne cherchent pas le spectaculaire, ils montrent l’étouffement progressif d’une femme qui se bat jusqu’à l’épuisement pour que la vérité soit enfin entendue.
Ce chapitre du film agit comme un avertissement moral : la justice qui ne protège pas finit par produire ce qu’elle voulait éviter.

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Note : 4 sur 5.

12 novembre 2025 en salle | 1h 18min | Drame
De Charlotte Devillers, Arnaud Dufeys | 
Par Charlotte Devillers, Arnaud Dufeys
Avec Myriem Akheddiou, Laurent Capelluto, Natali Broods


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