Dans L’inconnu de la Grande Arche, Stéphane Demoustier révèle la destinée d’un architecte danois inconnu, Johan Otto von Spreckelsen, choisi par François Mitterrand pour bâtir un monument à l’humanité. Un film sur la création, la solitude et la foi dans l’idéal.
Entre rigueur scandinave et souffle mitterrandien, L’inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier ressuscite la mémoire d’un architecte oublié, Johan Otto von Spreckelsen, propulsé malgré lui au cœur du plus grand chantier symbolique des années 80. Inspiré du roman de Laurence Cossé, le film retrace la rencontre entre un idéaliste nordique et une République française fascinée par le culte du Grand Homme. Claes Bang incarne avec sobriété et intensité cet homme de foi et de géométrie, que le pouvoir politique finira par broyer. Le film s’impose comme une réflexion sur la création, la solitude et les compromis nécessaires entre vision et réalité.
Une Arche et un idéaliste passionné
1982 – François Mitterrand lance un concours d’architecture anonyme pour ériger un monument qui fermerait l’axe historique du Louvre. À la surprise générale, c’est un inconnu venu du Danemark, Johan Otto von Spreckelsen, qui l’emporte. Du jour au lendemain, cet homme discret devient le maître d’œuvre de la Grande Arche, projet pharaonique qui cristallise l’espoir d’une époque et la foi en une modernité humaniste. Face à lui, une cour politique incarnée avec ironie par Michel Fau dans le rôle de Mitterrand, et des interlocuteurs ambivalents : Xavier Dolan en technocrate ambitieux, Swann Arlaud en architecte pragmatique, et Sidse Babett Knudsen dans le rôle de Liv, épouse lumineuse dont la disparition symbolise la chute du créateur. Entre satire du pouvoir et drame intime, Stéphane Demoustier signe un film d’époque, mais d’une modernité saisissante, où l’idéal artistique se heurte à la logique des institutions.

Un film sur un inconnu qui a su marquer l’histoire de l’architecture malgré lui !
Dans L’inconnu de la Grande Arche, Stéphane Demoustier s’empare d’un pan méconnu de l’histoire contemporaine pour le transformer en fresque sur la fragilité du génie. Johan Otto von Spreckelsen, pasteur et architecte danois, n’était pas destiné à la gloire. Son triomphe au concours de 1982 l’arrache à son univers paisible pour le précipiter dans le tourbillon d’un pouvoir parisien obsédé par la grandeur républicaine. Le film explore cette collision entre l’idéalisme nordique et le théâtre français du pouvoir, entre un homme habité par la perfection géométrique et une administration guidée par la compromission.
Le réalisateur, fidèle à son cinéma analytique et humaniste, filme la construction de la Grande Arche comme un miroir de la création artistique. L’architecte, interprété par Claes Bang, y apparaît à la fois visionnaire et vulnérable, tel un Icare des temps modernes. L’œuvre interroge : jusqu’où peut-on rester fidèle à une idée sans se perdre soi-même ? En choisissant le format carré 1.37, le réalisateur traduit visuellement cette obsession du cube parfait, symbole du rêve inachevé de Spreckelsen. Ce choix d’image devient métaphore d’un regard singulier sur le monde, celui d’un homme étranger à la cour et aux jeux d’influence.
Michel Fau campe un François Mitterrand fascinant, à la fois bienveillant et monarchique, révélant la double nature du pouvoir : inspiratrice et dévorante. Face à lui, Xavier Dolan incarne l’arrogance et la modernité d’une génération qui voit dans la rigueur du maître une faiblesse à exploiter. Swann Arlaud apporte sa sobriété à l’ingénieur Paul Andreu, figure du compromis industriel. Et c’est Sidse Babett Knudsen, bouleversante, qui ancre le film dans une dimension intime : Liv, l’épouse effacée, devient le repère émotionnel d’un homme en train de se dissoudre dans son œuvre.
La mise en scène, précise et élégante, alterne séquences lumineuses au Danemark et froideur institutionnelle des bureaux français. Les effets visuels discrets rendent hommage à la monumentalité de l’Arche, sans jamais céder au spectaculaire. Le film parvient ainsi à concilier la reconstitution historique et la réflexion contemporaine : sur la place de l’artiste dans la société, sur la tension entre création et technologie, sur le basculement du romantisme politique vers le pragmatisme économique.

À travers cet inconnu qui aura marqué la skyline de Paris sans jamais goûter à la reconnaissance, L’inconnu de la Grande Arche devient un hommage à tous les créateurs broyés par leurs idéaux. Le cinéaste y signe une œuvre à la fois poétique et politique, empreinte d’ironie et de tendresse, qui interroge notre rapport à la beauté, au pouvoir et à la mémoire collective. Le film rappelle l’essentiel : Un artiste travaille pour l’humanité et un dessein, il n’a pas être politisé, il n’a pas à entrer dans le débat droite-gauche. Le film montre comment une idée prend vie et comment on passe d’une vision à la réalité. Ce n’est pas simple, il y a sans cesse des facteurs politiques et des réglementations venant rendre périlleux chacun des choix. On est dans un film sur la création et comment un homme est hanté par un idéal.
Notre avis
Un film sur une obsession : quand l’œuvre dépasse son créateur et finit par le dévorer. On est percuté par l’interprétation Claes Bang : grand et habité par un désir de faire éclore sa vision de la perfection, mais cette dernière est bien trop grande et le pousse à toujours se couper du commun des mortels. France Gall chantait dans Cézanne peint que les artistes éclairaient le monde pour nos yeux qui ne voient rien, Otto von Spreckelsen est hanté par cette vision d’un cube, d’une forme divine et presque pure.
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5 novembre 2025 en salle | 1h 46min | Drame
De Stéphane Demoustier |
Par Stéphane Demoustier
Avec Claes Bang, Sidse Babett Knudsen, Xavier Dolan
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Une réflexion sur “L’inconnu de la Grande Arche, découvrez l’homme derrière cette œuvre architecturale hors du temps”