La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé consacre son nouvel accrochage à Roger Corbeau, figure majeure du cinéma français. Du 23 octobre 2025 au 31 janvier 2026, cette exposition plonge dans un demi-siècle d’histoire du septième art à travers l’objectif d’un photographe dont la lumière, la sensibilité et le regard humaniste ont façonné l’imaginaire collectif.
Né en 1908, Roger Corbeau débute auprès de Marcel Pagnol et impose rapidement un style où la photographie dialogue avec le cinéma. L’exposition de la Fondation Pathé réunit près de cinquante années de créations : portraits d’acteurs, clichés de plateau et expérimentations lumineuses. On y retrouve les visages d’Arletty, Jean Gabin, Brigitte Bardot, Louis Jouvet, Isabelle Huppert ou encore Michel Simon. Corbeau capte la vérité d’un instant sans artifice, dans une composition où la lumière devient personnage à part entière. Cette sélection provient du fonds Roger Corbeau conservé par la Fondation Pathé et retrace un parcours artistique jalonné par près de 150 films, des collaborations mythiques et un goût aigu du cadrage. Chaque photographie est pensée comme un fragment d’histoire du cinéma.
De Jean Renoir à Claude Chabrol, un témoin de l’Histoire du cinéma
De Jean Renoir à Claude Chabrol, Roger Corbeau a façonné le regard porté sur les acteurs et les cinéastes de son temps. Son travail, profondément cinématographique, n’est pas une simple documentation des tournages. Il révèle l’âme d’un film, son atmosphère et parfois même son sous-texte émotionnel. Son noir et blanc charbonneux, sa maîtrise des contrastes, l’utilisation des ombres et des reflets construisent une esthétique singulière où chaque image semble respirer. Il fut de toutes les époques : celle des studios de Marcel Pagnol, du réalisme poétique de Jean Grémillon, du classicisme rigoureux de Robert Bresson, des audaces de Julien Duvivier ou de Max Ophüls. Le spectateur d’aujourd’hui découvre à travers son œuvre un pan entier du cinéma français, des visages oubliés ou mythifiés. Ce dialogue entre la photographie et le film se prolonge dans sa capacité à traduire l’émotion d’un instant suspendu. Ses clichés d’Arletty ou de Brigitte Bardot incarnent cette grâce capturée entre deux prises, là où le cinéma rejoint la vie.
L’exposition L’œil de Roger Corbeau propose un parcours thématique structuré autour du regard et de la lumière. Les visiteurs traverseront un siècle d’images : des premières collaborations avec Jean Renoir pour Toni aux œuvres plus tardives comme Violette Nozière de Claude Chabrol. On y perçoit son évolution vers la couleur, abordée avec pudeur mais une sensibilité intacte. Maître du portrait, Corbeau a su magnifier les acteurs sans les dénaturer, révélant leurs failles, leurs doutes et leur puissance d’incarnation. Son travail sur Les Sorcières de Salem de Raymond Rouleau ou Le Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson illustre cette justesse entre mystère et intensité. Plus qu’une exposition, c’est une immersion dans une mémoire vivante : celle d’un homme qui, toute sa vie, a cherché à comprendre ce que le visage disait du rôle, et ce que la lumière révélait de l’âme. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé accompagne ce voyage par un catalogue de 150 pages, des visites guidées, une journée d’étude en janvier 2026 et une programmation de films muets et parlants en décembre. L’ensemble compose une célébration élégante et sensible de l’un des plus grands témoins du cinéma français.

© 1958 – PATHE FILMS – STUDIOCANAL © Photo Roger Corbeau
L’art du cadrage et de la sublimation
Ce qui frappe dans cette rétrospective, c’est l’évolution du regard de Roger Corbeau face à la lumière et à la matière. Le passage du noir et blanc à la couleur ne relève pas d’un simple changement technique, mais d’une quête sensorielle. Ses premières œuvres plongent dans une densité presque tactile, où les ombres semblent respirer. Puis vient la couleur, plus subtile, légèrement délavée, comme si le photographe cherchait à dévoiler la fragilité des visages plutôt qu’à les figer. Chaque cliché devient un espace d’émotion suspendu, où le grain du film dialogue avec la peau et la lumière. Le photographe joue sur la contre-plongée, l’inclinaison des corps, l’intimité du regard. Loin d’un réalisme documentaire, il compose une narration poétique qui révèle l’âme des acteurs autant que celle du cinéma. Ce parti pris fait de lui un véritable conteur d’images. Le photographe saisit l’insondable pour raconter une histoire.
Plus qu’un hommage, L’œil de Roger Corbeau interroge notre rapport à l’image, à la mémoire et au cinéma. Cette exposition redonne vie à une œuvre où le noir et blanc n’est pas nostalgique, mais poétique. Chaque cliché rappelle que le cinéma repose sur l’émotion, la patience et la lumière. Corbeau, par sa pudeur et sa précision, a su transformer un métier technique en art majeur. La Fondation Pathé signe ici une exposition essentielle pour comprendre la beauté intemporelle du regard photographique sur le septième art.

L’œil de Roger Corbeau – Photographies de cinéma
Du 23 octobre 2025 au 31 janvier 2026
Billets en achat sur place uniquement (sans réservation).
Roger Corbeau : une rétrospective en plus d’une exposition
Du 17 décembre 2025 au 3 février 2026, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé propose une rétrospective en écho à l’exposition L’œil de Roger Corbeau, dédiée aux films qui ont façonné l’esthétique du photographe. Roger Corbeau, fasciné très tôt par la mise en scène globale du cinéma muet, acteurs, lumières, décors, costumes et maquillages, a construit son œil dans les salles de Haguenau puis de Strasbourg. Ce cycle, accompagné au piano par la classe d’improvisation de Jean-François Zygel, revisite les images fondatrices d’un imaginaire nourri de visages bouleversants et de paysages inoubliables, des fulgurances qui ont guidé toute sa carrière. La sélection embrasse les grands noms et courants du muet, de La Passion de Jeanne d’Arc à Vampyr, de Les Nibelungen à Finis Terrae, en passant par les œuvres de Borzage, Griffith, Epstein et Dreyer.
Raretés, idoles et mise en abyme du cinéma
Le programme met à l’honneur des raretés avec Conrad Veidt, dont Les Maudits et Le Violoniste de Florence, ainsi que les idoles de Roger Corbeau, Pearl White dans Les Mystères de New-York et Henny Porten dans Escalier de service. Il explore aussi la richesse des comédies américaines de mise en abyme comme Show People, Ella Cinders et The Matinee Idol, sans oublier Lubitsch avec Je ne voudrais pas être un homme et Stroheim avec La Veuve joyeuse. Le panorama s’étend aux grandes figures européennes, de Pina Meniccheli à Francesca Bertini, de Musidora à Catherine Hessling, jusqu’au mythe cristallisé par La Rue sans joie réunissant Greta Garbo et Asta Nielsen. En creux, se dessine la relation intime de Corbeau au mythe, au temps qui passe et à l’impossible confrontation au réel, laissant au cinéma la charge de fixer l’éternité.
Toute la programmation est disponible sur le site de la fondation
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