Kaamelott – Deuxième Volet • Partie 1 – Un film sérieux avec un Roi absent et l’ombre de Perceval qui plane sans fin


Alexandre Astier signe avec la première partie de Kaamelott – Deuxième Volet un film plus grave, dense et introspectif. Entre quête morale et aventure fragmentée, le cinéaste poursuit la déconstruction du mythe arthurien. L’absence de Perceval, le silence d’Arthur et la gravité du ton marquent une transition vers un cinéma plus contemplatif, sans renier la force de l’écriture ni la richesse de son univers.

Ici, Alexandre Astier poursuit son épopée arthurienne dans un registre plus ample et plus grave. Le réalisateur explore les suites du chaos laissé par la destruction de Kaamelott et le refus d’Arthur d’abattre Lancelot. Ce chapitre marque un tournant, où le mythe se confronte au poids du temps, à la solitude du pouvoir et à la disparition de l’idéal collectif. La mise en scène, plus posée, privilégie la densité des dialogues et le souffle tragique, laissant de côté l’humour spontané des débuts pour s’ancrer dans une introspection de chef las, conscient que même les légendes doivent vieillir, se déliter, puis renaître autrement.

Notre avis : Un film d’ambiance, lourd, où le côté dramatique est mis en avant. Nous sommes dans le prolongement du Kaamelott déjà initié dans les derniers livre avant le premier film cinéma. Cependant, on regrette l’absence de Perceval, qui apportait un peu de légèreté. 

Les dieux sont en colère, Arthur fuit son destin

Les Dieux sont en colère contre Arthur, et le royaume de Logres s’effondre. Refusant de céder à la violence, le roi réunit ses chevaliers pour une dernière mission : prouver leur valeur et reformer la Table Ronde. Alexandre Astier orchestre une galerie de figures contrastées, mêlant anciens et nouveaux visages. Bohort, Karadoc, Léodagan, Merlin ou encore Guenièvre gravitent autour d’un Arthur plus mélancolique que souverain. Lancelot, hanté par ses fautes, incarne la fracture morale d’un monde sans repères. Cette mosaïque d’âmes égarées traverse des territoires inédits, des marais d’Orcanie aux terres du Dragon Opalescent. L’écriture resserre les enjeux autour de la foi, du devoir et de la transmission. Le film s’affirme ainsi comme un récit choral, où chacun cherche à reconquérir sa place dans un royaume sans roi.

La table ronde n’est plus là… récit d’un roi absent

La force du film tient dans son audace narrative : faire d’Arthur Pendragon une figure presque absente. Alexandre Astier filme un souverain effacé, un homme en marge de sa propre légende, comme s’il refusait encore d’assumer la lumière. Le vide laissé par cette absence devient la matière même du récit. Chaque chevalier, livré à lui-même, tente de recréer un sens à travers des quêtes dérisoires ou mystiques. Ce morcellement offre au film un rythme plus contemplatif, proche du roman d’aventures métaphysique. Le mythe de Kaamelott s’y dilue, se reconstruit autour du silence, des paysages, et d’une musique orchestrale qui souligne la dimension spirituelle du propos. La photographie de Jean-Marie Dreujou apporte une texture presque picturale, entre brume et crépuscule. L’univers perd son cadre comique pour s’enfoncer dans une tonalité crépusculaire, où le rire devient rare, mais plus significatif lorsqu’il surgit. En laissant la Table Ronde éclater, Astier signe une œuvre sur le passage du collectif à l’intime. L’époque des exploits partagés cède la place à une quête intérieure, celle d’un homme qui n’est plus tout à fait roi, ni tout à fait héros.

Ici, le récit avance par fragments assumés, avec des parenthèses qui installent la durée et la fatigue des corps. Arthur traverse les cadres comme une ombre utile, moteur discret de décisions prises ailleurs, par d’autres, au bord de la foi et du doute. Cette stratégie donne du relief aux seconds rôles, et installe une topographie dramatique lisible, marquée par des allers et retours entre intime et horizon. La musique, ample sans emphase, accompagne le retrait, puis l’élan. On ressent une volonté de dépouillement, presque un état des lieux moral, qui prépare un retour possible, mais jamais garanti. Le film regarde son mythe en face, et accepte le silence comme une réponse. Dans ce cadre, la mise en scène privilégie la stature, les pauses, les plans où l’espace pèse sur les décisions. Les cadres larges ménagent des respirations, et rappellent que l’épopée se juge à l’échelle d’une saison, pas d’une réplique. Ce parti pris peut surprendre, mais il affirme une ligne. Le choix de l’absence oblige chacun à nommer ses limites, puis agir. Acte de foi qui donne au chapitre une cohérence calme parfois austère, mais tenue.

Crédit : Achille de San Nicolas / Regular
Crédit : Achille de San Nicolas / Regular

L’absence de Perceval plombe le film jugé trop sérieux

Si le souffle épique domine, il manque à ce second film un contrepoids : la légèreté et la sincérité naïve qu’incarnait Perceval. Son absence pèse sur la tonalité générale du film, privant le spectateur de ce lien affectif qui faisait le charme de la série. Sans lui, la gravité des dialogues s’alourdit parfois, et la mécanique humoristique, pourtant chère à Astier, se fait rare. Le résultat, s’il gagne en cohérence dramatique, perd en humanité immédiate. Certains passages peinent à trouver leur rythme, trop enclins à étirer la parole là où le geste aurait suffi. Reste la direction d’acteurs, toujours d’une grande justesse, notamment chez Alexandre Astier, Anne Girouard et Clovis Cornillac, dont la présence charismatique relance l’énergie du récit. Guillaume Gallienne et Virginie Ledoyen apportent une densité supplémentaire, mais la tonalité reste figée, presque ascétique. En cherchant la noblesse du tragique, le film délaisse le souffle populaire qui avait conquis le public. Cette mue, cohérente avec la vision d’auteur d’Astier, divisera sans doute : les uns salueront la maturité et la rigueur, les autres regretteront le plaisir immédiat. Kaamelott – Deuxième Volet confirme une ambition rare dans le cinéma français, celle d’un univers pensé sur des décennies, mais dont le cœur comique, ici, semble en retrait, comme en deuil de sa propre innocence.

Le film rappelle, sans l’énoncer, que l’humour n’était pas un vernis, mais une dynamique d’appropriation. Perceval donnait au spectateur un point d’entrée, une manière de prendre la mesure des enjeux sans majuscule. Privé de ce relais, le récit préfère l’ascèse, et demande une attention soutenue. Ce choix peut séduire par sa cohérence, il peut aussi creuser une distance. On perçoit un travail sur les ruptures de tempo, sur les pauses, sur la façon de cadrer des groupes qui ne trouvent plus leur centre. Les scènes les plus justes sont souvent les plus calmes, quand les regards prennent le pas sur la ligne de dialogue. La photographie installe une mélancolie, et la musique souligne les fondus sans surligner l’émotion. Reste une impression d’ensemble tenue, parfois sévère, qui attend son contrechamp. On en ressort avec l’idée d’un chapitre de transition, pensé pour préparer le retour d’une énergie plus populaire, sans renier l’exigence qui gouverne la mise en scène. Ce bilan nuancé ne retire rien à la portée de l’entreprise, il rappelle simplement que la légende s’écrit aussi dans l’écart entre sérieux et jeu.

Un film sérieux avec un Roi absent et l’ombre de Perceval qui plane sans fin. Kaamelott – Deuxième Volet assume son virage mélancolique et son exigence d’auteur. Alexandre Astier signe une œuvre dense, dépouillée, où la grandeur ne se mesure plus en batailles mais en silences. Le rire s’efface au profit du doute, la foi se heurte à la fatigue, et la légende devient humaine. Ce chapitre, parfois austère mais sincère, interroge la place du héros vieillissant et celle de son peuple perdu sans repère. Plus qu’une suite, c’est une pause, un souffle suspendu avant la reconquête du mythe.

Crédit : Achille de San Nicolas / Regular
Crédit : Achille de San Nicolas / Regular

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Note : 2.5 sur 5.

22 octobre 2025 en salle | 2h 19min | Aventure, Comédie, Historique
De Alexandre Astier | 
Par Alexandre Astier
Avec Alexandre Astier, Anne Girouard, Jean-Christophe Hembert


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