Chien 51 : Cédric Jimenez signe une dystopie française entre polar, amour et intelligence artificielle


Dans Chien 51, Cédric Jimenez transpose un Paris futuriste en trois zones sociales, dominé par l’intelligence artificielle ALMA. Entre polar et anticipation, Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos forment un duo magnétique, pris dans une enquête où la liberté devient le dernier combat.


Avec Chien 51, Cédric Jimenez quitte le réalisme cru de BAC Nord et Novembre pour plonger dans un futur proche où Paris est fracturé en zones sociales, sous le contrôle d’une intelligence artificielle nommée ALMA. Le cinéaste signe ici une œuvre d’anticipation tendue, visuellement puissante mais traversée par des interrogations morales bien réelles. À travers le duo Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos, il explore la perte de liberté, la peur et la capacité de l’humain à résister dans un monde hyper-surveillé. Entre polar futuriste et drame social, le film assume ses références tout en revendiquant une identité française, ancrée dans la chair et la conscience.

Chien 51 © Cédric Bertrand – 2025 – Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal – France 2 Cinéma – Jim Films

Un Paris divisé et dominé par l’IA

Dans un Paris divisé en trois zones étanches, ALMA, une intelligence artificielle surpuissante, aide la police à anticiper les crimes. Lorsque son créateur est retrouvé mort, deux agents que tout oppose sont contraints de collaborer : Zem, policier désabusé des bas-fonds (Gilles Lellouche), et Salia, enquêtrice méthodique issue d’une zone plus aisée (Adèle Exarchopoulos). Leur enquête les mène dans les failles d’un système qu’ils ont servi sans le comprendre, entre manipulations, fractures sociales et perte de repères. Le réalisateur choisit Paris comme décor symbolique d’un monde cloisonné, où les ponts deviennent des frontières et la Seine une ligne de séparation sociale. Autour d’eux gravitent Louis Garrel en figure hacker idéologique, Romain Duris en technocrate froid et Valeria Bruni Tedeschi en autorité ambiguë. Le film mêle polar, romance contrariée et réflexion politique.


Une dystopie à l’américaine qui prend rapidement l’eau

Cédric Jimenez voulait son film d’anticipation français, viscéral et humain. Sur le papier, Chien 51 s’annonçait comme une audace rare : la rencontre entre la noirceur d’un polar urbain et la tension spéculative d’un monde dominé par l’IA. Le réalisateur s’empare du roman de Laurent Gaudé pour le transposer dans une capitale futurisée, où la technologie amplifie les inégalités et où les libertés s’effritent sous prétexte de sécurité. On retrouve ses obsessions : la surveillance, la justice dévoyée, l’individu face à la machine.

Le décor est soigné, les effets crédibles, et l’atmosphère pesante crée une immersion réussie. Pourtant, le film peine à trouver son souffle au-delà de son concept. L’univers, trop proche du réel pour être fascinant, manque de souffle visionnaire. Là où un Minority Report ou un Blade Runner poussaient la dystopie jusqu’à la mythologie, le cinéaste reste dans le présent augmenté. Son Paris futuriste ressemble trop à celui d’aujourd’hui, simplement quadrillé de drones et de checkpoints. Le propos social est limpide, mais la mise en scène manque parfois de vertige.

Le scénario, ambitieux, s’épuise à force de survoler ses pistes : critique du pouvoir technologique, romance contrariée, réflexion sur la peur et le libre arbitre. Tout y est, mais rien ne se déploie pleinement. On sent le cinéaste fasciné par son monde mais prisonnier de son réalisme. Le film brille par moments, notamment dans ses scènes d’action maîtrisées et ses séquences nocturnes d’une grande beauté, mais s’essouffle narrativement dès que l’enquête prend le dessus. Une dystopie à la française qui cherche à concilier intensité sensorielle et message politique, sans jamais parvenir à fusionner totalement les deux.

Chien 51 © Cédric Bertrand – 2025 – Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal – France 2 Cinéma – Jim Films

Un bon casting qui sauve les faiblesses du développement

Ce qui retient le spectateur, c’est avant tout le duo Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos. Le premier, massif, fatigué, incarne à merveille un policier en rupture de sens, un homme brisé cherchant encore une forme de vérité. La seconde, glaciale en surface, révèle une force émotionnelle qui éclaire le film. Ensemble, ils forment un couple à la fois antagoniste et complémentaire, deux faces d’une même médaille : lui l’instinct, elle la rigueur, réunis par la nécessité et l’empathie. Leur relation, fragile et pudique, devient le cœur battant de Chien 51.
Louis Garrel, en figure de hacker charismatique, apporte une dimension idéologique bienvenue. Romain Duris, plus en retrait, compose un technocrate habité par la peur du chaos. Même Valeria Bruni Tedeschi, dans un rôle mineur, imprime son empreinte par son autorité distante.

Mais c’est dans la mise en scène de Cédric Jimenez que le film reprend des couleurs. Sa caméra nerveuse, son sens du cadre et du rythme redonnent de la tension à un récit parfois figé. La musique de Guillaume Roussel, sobre, mais envoûtante, prolonge cette atmosphère oppressante.

On sort de Chien 51 partagé : séduit par son ambition, frustré par son inachèvement. L’intention est noble, la fabrication solide, mais la promesse de vertige n’est jamais tenue. Le film fascine par ses acteurs, déçoit par son écriture, et finit par convaincre davantage comme un polar existentiel que comme une véritable œuvre d’anticipation. Un film tiède comme les Pop Corn d’un cinéma de seconde zone, alors pourquoi en parler ? Tout simplement pour défendre la diversité cinématographique français : fantastique, horreur et SF manquent cruellement à notre pays, et quand un réalisateur ose, on doit saluer son courage !

Chien 51 © Cédric Bertrand – 2025 – Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal – France 2 Cinéma – Jim Films

Si on devait conclure en quelques mots : Une dystopie qui fonctionne et des scènes d’action de grande qualité. Le duo Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos est la bonne surprise : ils sont les deux faces d’une même pièce et parviennent à se rejoindre malgré leurs différences. Cependant, le scénario s’épuise au fil des séquences et les bonnes idées ne mènent à aucune explosion finale. Beaucoup de déjà-vu, mais un vrai souffle de cinéma.

Anecdote – Le choix des acteurs, moteur de l’écriture

Cédric Jimenez a toujours conçu ses films autour des corps et des regards avant même les dialogues. Pour Chien 51, il a inversé la démarche classique : les personnages de Zem et Salia ont été écrits pour Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos, avant que le scénario ne soit finalisé. Le cinéaste connaissait déjà la puissance émotionnelle de Gilles, sa manière d’occuper l’espace, son regard fatigué, mais digne. Il explique en interview qu’il écrit littéralement en pensant à ses mouvements, à sa façon d’habiter une scène, et à ce qu’ils avaient encore envie d’explorer ensemble après BAC Nord. Avec Adèle, l’envie était différente : sur BAC Nord, elle n’avait tourné que quatre jours, mais ce court passage avait suffi à marquer le réalisateur. Il rêvait d’en faire une héroïne centrale, une femme d’action traversée par la pudeur, à la fois glaciale et profondément sensible. Cette écriture pensée à deux voix, l’une rugueuse, l’autre instinctive, a façonné l’équilibre du film.

Il confie qu’il adapte sa mise en scène à la nature de ses comédiens. Il écrit en fonction de ce qu’ils sont, mais sans les enfermer dans leur image publique. Pour Gilles Lellouche, il a taillé un rôle de policier désabusé, porté par un mélange d’autorité et de fragilité. Pour Adèle Exarchopoulos, il a imaginé un personnage en apparence rigide, que l’on découvre peu à peu vulnérable. Leur relation, pensée dès l’écriture, est le cœur battant du récit : deux âmes opposées, réunies par la solitude et la nécessité. Le réalisateur explique qu’il donne dans ce travail une “expérience de confiance absolue”, où l’écriture s’est nourrie du jeu et inversement. Chien 51 est né d’un dialogue entre le réalisateur et ses interprètes, plus qu’une adaptation classique. C’est un film de cinéma au sens organique : un scénario écrit à la mesure de ses acteurs, pour qu’ils vivent, plus qu’ils ne jouent, la dystopie imaginée.

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Note : 2.5 sur 5.

15 octobre 2025 en salle | 1h 46min | Policier, Science Fiction, Thriller
De Cédric Jimenez | 
Par Cédric Jimenez, Olivier Demangel
Avec Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Louis Garrel


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