Black Phone 2 prend ses distances avec le premier film !


Le téléphone noir sonne à nouveau, quatre ans après la fuite de Finney Blake. Scott Derrickson signe une suite plus spirituelle et introspective, où Madeleine McGraw prend le premier plan dans un récit d’émancipation et de résilience. Entre horreur, deuil et symbolisme, The Black Phone 2 mêle frisson, mémoire et transformation.

Quatre ans après l’évasion de Finney Blake, le téléphone noir se remet à sonner, non plus depuis une cave mais depuis l’au-delà, et l’Attrapeur réclame sa vengeance. Scott Derrickson replace l’horreur dans une adolescence cabossée, il filme le retour des traumas, il pousse la fraternité Finney Gwen jusqu’à la rupture possible, puis il déplace le récit vers un camp d’hiver isolé qui transforme la neige en piège moral. Ethan Hawke revient en spectre de rage, Mason Thames joue un survivant mutique, Madeleine McGraw embrasse ses visions, et la peur se mêle à la mémoire, dans une suite pensée comme une mue, pas comme un simple surplace.

Black Phone 2 © Universal Pictures

Des personnages hantés par le passé

Finney a dix sept ans, il fuit ses visions, il fume pour étouffer ce qui remonte, il rejette le téléphone et tout ce qui parle depuis l’autre côté. Gwen a quinze ans, elle rêve d’Alpine Lake, elle voit trois garçons traqués dans un camp de montagne, elle refuse de subir et force son frère à monter affronter ce qui se cache dans la glace, dans la nuit, dans leur histoire familiale. L’Attrapeur revient en fantôme, il n’est plus un homme, il est une rage intacte qui veut faire souffrir Finney en visant Gwen. Ernesto, frère de Robin, entre en scène, discret, loyal, il devient un miroir de deuil pour Finney. Terrence Blake tente la rédemption, il lutte contre sa lâcheté passée. Mando dirige le camp, il protège comme un ancien fautif qui a choisi la seconde chance. Mustang devient l’alliée pragmatique de Gwen. Ethan Hawke, Mason Thames, Madeleine McGraw, Demián Bichir et Jeremy Davies composent un ensemble où chaque choix ouvre une cicatrice, puis une voie.

Une suite très éloignée du premier film

Le réalisateur refuse la photocopie. Le premier chapitre enfermait le spectateur dans une cave, ce deuxième ouvre l’espace, il le rend hostile, il le rend météorologique, il le rend moral. La géographie est un personnage, la neige enterre les pistes, le lac gelé devient une scène rituelle, la cabine au bord de l’eau un autel profane. Le récit quitte l’âge enfant pour l’âge lycéen, il travaille l’après coup, il observe un survivant qui se défait de lui même, puis une sœur qui choisit l’acceptation de son don.

La menace se déplace également, l’Attrapeur n’est plus une chair, il est une persistance, une logique de rage qui survit à la mort, une mémoire qui exige un prix. Le film cultive la dualité, réalisme sale pour le présent, matière analogique pour le surnaturel, avec Super 8 et Super 16 mêlés, afin que l’image paraisse hantée par sa texture elle-même. La mise en scène alterne fixité, fluidité, précipitations à l’épaule, pour épouser les états internes. Loin d’empiler les clins d’œil, l’écriture avance par thèmes, héritage des fautes des pères, reproduction ou rupture des cycles, fraternité comme boussole. Finney refuse d’écouter, Gwen apprend à dialoguer, elle questionne ses rêves, elle tient tête aux spectres, elle renverse le pacte du premier film.

L’élargissement dramaturgique s’accompagne d’une montée d’échelle physique, cascades, plongées sous la glace, blizzards qui ne sont pas qu’un décor, puisqu’ils furent saisis dans des conditions réelles. Même logique côté costumes et décors, sobriété d’époque, rigueur fonctionnelle, silhouettes pensées pour la vérité du froid afin que le vintage ne devienne jamais pastiche. L’ensemble compose une vraie variation, nouvelle arène, nouvelle temporalité intime, nouvelle métaphysique de la peur.

Une suite répondant à l’appétence du public pour les années 80 et du rétro au cinéma et séries

Le premier film avait trouvé un public adolescent, porté par les partages et les remontages en ligne, il avait réactivé un désir d’initiation horrifique qui passe par des figures simples et des textures anciennes. Ce nouveau chapitre assume cet appétit sans s’y diluer. Scott Derrickson et C. Robert Cargill convoquent l’imaginaire de l’horreur campagnarde de l’époque, ils citent l’esprit de la décennie par le lieu, par la matière, par la grammaire visuelle, non par la collection d’objets ou la carte postale. Le Super 8 apporte une sensation de souvenir fiévreux, le Super 16 consolide la cohérence, le procédé hybride rapproche la sensation de visionner une bande retrouvée au grenier, avec tout ce que cela charrie de trouble. Patti Podesta choisit une scénographie qui fuit la déco tape à l’œil, elle privilégie l’authenticité granuleuse, polaroïds en mémoire, cabanes restaurées, cabine téléphonique dressée comme un totem.

Amy Andrews Harrell habille les corps pour le froid réel, pas pour le défilé, parkas, velours côtelé, jean de ranch, duffle coat, tout ramène aux années de transition sans clinquant. La musique et la photographie densifient le sentiment d’époque en évitant la saturation nostalgique, elles laissent la place à l’émotion brute. Le film répond ainsi à la vague rétro en rappelant pourquoi elle fonctionne, parce qu’elle met en jeu le souvenir comme expérience sensorielle et morale, pas comme simple produit d’appel. Enfin, le choix d’un camp d’hiver réactive une lignée qui va des slashers en montagne aux récits initiatiques spirituels des jeunes camps, mais il la plie à la trajectoire de Gwen et Finney, ce qui replace la mode au service d’une histoire de deuil et de liens. Résultat, la promesse nostalgique attire, la dramaturgie tient, et l’icône de l’Attrapeur se redessine en figure froide, masque givré vissé au visage, qui s’inscrit naturellement dans l’iconographie eighties, tout en parlant à un public d’aujourd’hui.

Black Phone 2 © Universal Pictures

Une suite qui mise sur les femmes fortes !

Un nouveau volet plus sombre et moins ancré dans le réel, mais dans une forme de monde onirique sombre à mi-chemin en Stranger Things et Freddy Krueger. Si le premier volet donnait en révélation Mason Thames. Ici, Madeleine McGraw lui vole la vedette et offre une prestation solide ! 

La jeune actrice incarne avec intensité une Gwen habitée par ses visions, entre foi, instinct et désespoir. Son jeu oscille entre la fragilité d’une enfant encore marquée par les traumatismes du passé et la détermination d’une adolescente prête à affronter ses démons. Scott Derrickson accentue cette tension en transformant la réalité en rêve éveillé, où chaque sonnerie du téléphone semble convoquer les fantômes d’une mémoire collective. L’univers s’étend, il devient presque mythologique, baigné d’une lumière spectrale, où la neige recouvre les traces de l’innocence perdue. Mason Thames, plus en retrait, compose un Finney renfermé, hanté par ce qu’il a vécu, tandis que Madeleine McGraw prend le rôle de guide spirituelle. Ensemble, ils forment un duo inversé, où la sœur mène la quête intérieure, où la foi et la peur s’entremêlent dans un ballet de visions et de symboles. Le film puise dans les cauchemars des années quatre-vingt pour créer une poésie macabre, rappelant que l’horreur, ici, n’est pas seulement celle des monstres, mais celle du souvenir et de ce qu’il faut affronter pour en sortir vivant.

Dans cette suite, on déplace le centre de gravité du récit vers les figures féminines et leur puissance d’action. Gwen n’est plus seulement le lien affectif de Finney, elle devient le moteur de l’histoire, une jeune femme confrontée à la peur, mais qui choisit de la transformer en force. Madeleine McGraw ne joue pas la survivante, elle joue la combattante lucide, ancrée dans une quête de sens. Le film met en avant une féminité active, spirituelle et déterminée, loin des archétypes du genre. À ses côtés, Mustang impose une présence solide, guide bienveillante, mais réaliste, tandis que les personnages masculins apparaissent plus fragiles, en reconstruction. Cette inversion des dynamiques renforce la tension dramatique et inscrit le film dans une lecture plus moderne de l’horreur. Ici, on filme la peur comme un terrain d’apprentissage, où chaque choix devient un acte d’émancipation. Les visions ne sont plus une malédiction, mais un outil de clairvoyance, une manière de reprendre possession de soi. Ce regard renouvelé confère à l’ensemble une intensité émotionnelle singulière et transforme le cauchemar en voyage initiatique vers la résilience.

Black Phone 2 © Universal Pictures

Un travail de style et les symboles

La photographie signée Brett Jutkiewicz joue un rôle central dans l’âme du film. Scott Derrickson voulait que The Black Phone 2 conserve la texture du premier tout en amplifiant sa charge émotionnelle. Le recours au Super 8 et au Super 16 ne relève pas d’une simple nostalgie : c’est une écriture visuelle de la mémoire. Les séquences du réel adoptent des tons froids et métalliques, tandis que les visions oniriques se parent d’ombres mouvantes et de reflets laiteux, créant une frontière poreuse entre ce qui est vécu et ce qui est revécu. La lumière devient un vecteur psychique : elle matérialise le trauma et la résilience, elle transforme la neige en miroir du souvenir. Le design sonore de Mark Korven, déjà présent sur le premier opus, agit comme une voix intérieure. Ses nappes dissonantes, ses souffles et ses fréquences graves s’apparentent à une respiration spectrale, un dialogue muet entre Finney et les esprits qui l’entourent. La bande sonore, plus sensorielle que musicale, accompagne la confusion des perceptions et donne à chaque silence une densité presque mystique.

Le réalisateur assume ici une ambition plus métaphysique. Il dit vouloir filmer « la guérison après la peur », non la peur elle-même. L’horreur devient passage, non condamnation. The Black Phone 2 explore la rédemption, le pardon et la seconde chance accordée aux vivants comme aux morts. Gwen et Finney incarnent deux faces d’une même quête : elle tend vers la foi et l’invisible, lui vers la matière et la reconstruction. Leur cheminement fait du téléphone noir une métaphore du lien entre les mondes, un instrument de dialogue intérieur. La glace, omniprésente, symbolise la mémoire figée, la douleur que l’on doit briser pour avancer. La neige, elle, recouvre les traces sans jamais les effacer, rappelant que la guérison n’efface pas la peur, elle la transforme. À travers cette approche symbolique, Scott Derrickson signe un film de passage, où le surnaturel devient le langage de l’âme.

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Note : 3 sur 5.

15 octobre 2025 en salle | 1h 54min | Epouvante-horreur, Thriller
De Scott Derrickson | 
Par Scott Derrickson, C. Robert Cargill
Avec Ethan Hawke, Mason Thames, Madeleine McGraw


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