Présentée comme la première actrice entièrement générée par intelligence artificielle au Festival du film de Zürich, Tilly Norwood provoque un séisme dans l’industrie. Créée par le studio Xicoia, elle bouscule les codes et interroge la frontière entre art, image et identité, tandis que des professionnels dénoncent un futur où le virtuel remplacerait l’humain.
Tilly Norwood, dévoilée par Eline Van der Velden comme “la prochaine Scarlett Johansson”, incarne la bascule d’un secteur vers le numérique intégral. Cette “actrice” n’existe pas dans le monde réel : son visage, sa voix et ses performances sont entièrement créés par ordinateur, mais des agences de talents envisagent déjà de la signer comme si elle était une véritable artiste. Cette démarche soulève des inquiétudes majeures chez comédiens et techniciens qui y voient une menace directe pour leurs emplois et leur valeur. Dans un contexte où les “virtual influencers” tels que Cinnamon Dreams cumulent des centaines de milliers d’abonnés sur Instagram, le débat ne relève plus de la science-fiction mais d’une réalité économique et culturelle. Les syndicats, agents et acteurs interpellent les festivals et les plateformes de streaming sur les risques d’une banalisation de ces entités virtuelles.

Une montée en puissance
La montée en puissance de figures comme Cinnamon Dreams illustre ce basculement. Avec 162 000 abonnés sur Instagram, cette muse digitale se présente comme une “digital enigma” mêlant fantaisie et authenticité, brouillant volontairement les frontières entre rêve et réalité. Sur son site officiel, elle est décrite comme “une muse avec un cœur humain et une âme numérique” capable d’apporter “une étincelle douce et épicée” à chaque interaction. Cette rhétorique humanisante, qui parle d’énergie, de passion et de complicité, vise à construire un lien émotionnel fort avec le public. Derrière ces créations, on retrouve des équipes de designers, de codeurs et de storytellers qui investissent des sommes importantes pour faire naître des personnages destinés à inspirer, séduire et monétiser l’attention. À Zurich, la présence de Tilly Norwood sur tapis rouge a amplifié cette stratégie : mise en scène, discours calibrés et storytelling millimétré. Elle symbolise la convergence entre le marketing d’influence et le star-system, créant un précédent pour l’“acteur virtuel” comme produit complet, sans contraintes d’âge, d’emploi du temps ou de rémunération classique.
Phénomène ou crise ?
Certains y voient une évolution naturelle, comparable à l’arrivée des effets spéciaux numériques ou des avatars dans les jeux vidéo, d’autres dénoncent une crise du métier d’acteur et de l’éthique artistique. Les agences qui courtisent Tilly Norwood prennent le risque d’une fracture avec les syndicats, car signer une entité qui n’a ni droits ni corps revient à remplacer des personnes par des lignes de code. Le parallèle avec Cinnamon Dreams montre que l’influence virtuelle fonctionne déjà à grande échelle, mais le cinéma n’est pas un simple flux social : il suppose une présence, un vécu, une interaction humaine sur un plateau. La question n’est donc plus “si” mais “jusqu’où” ces IA iront. Les festivals comme Zurich deviennent des laboratoires où se joue le futur du 7ᵉ art. Entre fascination technologique et rejet viscéral, le public se retrouve arbitre d’un duel inédit : innovation contre authenticité. Cette tension oblige l’industrie à réfléchir sur la protection des droits d’image, la traçabilité des créations et la reconnaissance des talents humains derrière ces avatars.
Que retenir ?
Tilly Norwood et Cinnamon Dreams incarnent l’essor d’une nouvelle ère où l’acteur virtuel devient produit culturel et influenceur. Plus qu’un gadget, ce mouvement questionne notre rapport à l’art, à l’identité et au travail. Derrière l’écran, des humains conçoivent ces IA, mais la star visible est un avatar sans limites physiques ni juridiques. Zurich aura servi de déclencheur pour un débat mondial sur l’avenir du cinéma et de l’influence.
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