Smallville : l’odyssée imparfaite, mais passionnée d’un Clark Kent en devenir


Smallville retrace la jeunesse de Clark Kent, entre quête identitaire, kryptonite omniprésente et amitiés brisées. Une série audacieuse et imparfaite, où l’ombre de Superman plane sans jamais apparaître vraiment, mais qui reste une ode sincère au mythe.

À son lancement en 2001, Smallville proposait une idée simple mais ambitieuse : explorer la jeunesse de Clark Kent avant qu’il ne devienne Superman. Là où les films de Richard Donner et d’autres adaptations s’étaient concentrés sur l’homme accompli, la série prenait le temps de raconter l’adolescence d’un garçon pas comme les autres. Entre fardeau des pouvoirs, amitiés complexes et romances contrariées, le show a étiré son voyage initiatique sur dix saisons. Audacieuse, mais inégale, l’œuvre a marqué une génération de spectateurs par son esthétique fidèle à l’univers cinématographique, ses invités prestigieux comme Christopher Reeve ou Margot Kidder, et des choix scénaristiques qui oscillent entre coups de génie et frustrations. Aujourd’hui encore, Smallville reste une série culte, imparfaite, mais passionnée, célébrée autant pour son respect du mythe que pour ses excès.

Une ambition rare pour explorer la jeunesse de Superman

Même si la genèse de Superman avait déjà été abordée en 1988 avec la série Superboy, aucun programme n’avait encore exploré aussi en profondeur le voyage initiatique de Clark Kent. Smallville repose sur une ambition forte, portée par des passionnés de l’Homme d’Acier. Certes, certains aficionados ont rejeté l’idée, jugeant les innovations trop éloignées de la tradition. Pourtant, la série s’impose comme l’une des approches les plus pertinentes autour du mythe, malgré ses défauts.
Les premières saisons, construites comme un « un épisode – un ennemi », rappellent la structure de Buffy contre les vampires. Chaque antagoniste, souvent issu de l’exposition à la kryptonite (appelée “météorite” dans les premières saisons), confronte Clark à une épreuve métaphorique de l’adolescence : quête d’identité, sentiment de différence (HPI, dyslexie, etc.). Chacune des épreuves est en soit un moyen de montrer que Clark même différent, il vit des épreuves similaires à tout adolescent !

Anecdote : Longtemps l’idée était de faire une série sur la jeunesse de Bruce Wayne, mais pour des raisons de droits cela fut refusé. Cependant, Gotham offrit cela quelques décennies plus tard !


La kryptonite : métaphore brillante… mais surutilisée.

La kryptonite verte devient l’élément central : mutagène pour les humains, faiblesse pour Clark. Narrativement, c’est une arme efficace pour créer des conflits. Symboliquement, elle rappelle que ses plus grandes épreuves naissent de ses propres vulnérabilités.
Cependant, son omniprésence pose un problème : dans les comics, ce minéral est rare. Ici, n’importe quel habitant de Smallville pourrait neutraliser Superman, ce qui affaiblit le caractère exceptionnel du héros — même si cela ne desservait pas le récit.
Les showrunners l’ont utilisée à outrance car, sans elle, les épreuves de Clark auraient été bien trop faciles et il aurait réglé ses conflits sans véritable difficulté.
La série a toutefois eu un coup de génie : le collier en kryptonite porté par Lana Lang. Rendre Clark « malade » face à la fille qu’il aime, comme un adolescent intimidé, ancre son futur masque de Clark Kent maladroit.


Le voyage initiatique et la prophétie

Grottes indiennes et héritage préparé

L’arrivée de Clark sur Terre n’est pas due au hasard : les grottes indiennes, ornées de prophéties sur Naaman, mènent à la Forteresse de Solitude. Ces lieux lui révèlent le langage kryptonien de manière surnaturelle et jalonnent sa quête à travers artefacts et épreuves.

Et honnêtement, on se dit parfois qu’il aurait pu trouver une simple vidéo explicative plutôt que de devoir courir après des artefacts.
Si certaines quêtes (comme les trois pierres philosophiques de la saison 4) semblent forcées, la saison 9 leur apporte une explication plus cohérente. L’idée que Jor-El ait orchestré l’arrivée de son fils dans la famille Kent est une audace narrative unique à Smallville, même si ces explications arrivent bien trop tard !


Dix saisons pour retarder Superman

Le format a piégé la série : 10 saisons, c’est long pour une histoire d’origines. Clark avait quasiment déjà rencontré tous les super-vilains qu’il devait affronter en tant que Superman, ce qui pose problème !
Et parfois, on avait presque l’impression d’un dialogue imaginaire : “Tu as l’étoffe pour devenir Superman… ah non, désolé, il te reste encore une saison d’épreuves !” Le scénario doit alors prolonger artificiellement son apprentissage, parfois au détriment du rythme, jusqu’à se perdre à essayer de justifier pourquoi, malgré toutes les aventures et toutes les épreuves déjà vécues, il n’était toujours pas Superman.


Audaces scénaristiques et demi-mesures

Clark Kent venu conquérir la Terre

La saison 2 ose un choc : via le professeur Virgil Swann (Christopher Reeve), Clark découvre un message stipulant qu’il est venu pour dominer la Terre. Où ça plaît ou ça ne plaît pas, mais quelle audace d’avoir osé ça ! L’idée est forte, mais jamais assumée : Jor-El, d’abord dur et froid (allant jusqu’à marquer son fils au fer), redevient progressivement bienveillant… sans explication claire. On aurait pourtant pu imaginer que ce message ait été trafiqué à la dernière minute par Zod, Brainiac ou un autre ennemi. Un rétropédalage frustrant.

Cependant, cette évolution est logique si on regarde la série d’un point de vue globale . Jor-El apparaît d’abord comme une figure dure et quasi tyrannique, pour pousser Clark à se construire face à une autorité écrasante et tester la solidité de l’éducation des Kent. Les créateurs expliquent ce ton brutal par la peur que son fils devienne comme Zod : chaque épreuve est un test pour vérifier s’il choisira l’humain et la compassion plutôt que l’orgueil kryptonien. Progressivement, Jor-El s’assouplit, devenant un mentor, puis un véritable père quand Clark accepte son héritage. Ses interventions pour ramener Clark à la vie s’accompagnent toujours d’un prix, manière d’enseigner que même doté de pouvoirs divins, chaque acte a des conséquences. Cela forge un héros conscient des limites et de la valeur de la vie.

La série illustre aussi la perte à travers la mort d’Henry James Olsen, faux « Jimmy » incarné par Aaron Ashmore, qui réapparaît en clin d’œil comme le vrai Jimmy. Son frère jumeau, Shawn Ashmore, avait joué dès la saison 1 Eric Summers, ado foudroyé qui vole les pouvoirs de Clark. Cette utilisation des Ashmore renforce en filigrane la thématique des doubles identités chère à Superman.


Respect et héritage de Superman

Une esthétique fidèle aux films de Richard Donner

Décors, design de la Forteresse, logo : tout rend hommage aux films de Richard Donner. Même l’esthétique de la Zone Fantôme reprend celle des films originaux. Les clins d’œil abondent : Margot Kidder, Annette O’Toole (Martha Kent dans la série, ex-Lana Lang de Superman III), et bien sûr Christopher Reeve incarnent des personnages clés. Son rôle de professeur transmettant à Clark ses origines reste un moment de grâce.


Lex Luthor : une amitié brisée

Interprété par Michael Rosenbaum, Lex Luthor bénéficie d’un développement magistral : l’ami sauvé par Clark devient l’ennemi juré, obsédé par la vérité. Cette obsession nourrit une toxicité présente dans toutes ses relations, qu’elles soient amicales ou amoureuses. La série construit avec finesse cette lente bascule… jusqu’à gâcher le retour de Lex Luthor en finale avec une pirouette scénaristique d’amnésie.

L’amitié entre Clark Kent et Lex Luthor débute sous le signe d’une sincérité troublante : Lex, fasciné et reconnaissant après avoir été sauvé, se montre protecteur, couvrant les mensonges et prenant des risques pour Clark. Pourtant, influencé par Jonathan Kent et par prudence, Clark refuse de lui confier son secret. Cette opacité blesse profondément Lex, qui voit dans ce silence une trahison intime. L’ambiguïté demeure : aurait-il été un confident loyal ou un conquérant exploitant la vérité ? Ce refus alimente son basculement, renforcé par l’héritage toxique de Lionel Luthor. Leur relation devient un cercle vicieux : plus Clark cache, plus Lex cherche. Comme Salieri face à Mozart ou Magneto face à Xavier, cette amitié brisée s’inscrit dans la tradition tragique des destins liés par admiration et condamnés par la méfiance.


Saisons finales : trop de fan service, trop tôt pour Loïs

Justice League avant Superman

Les dernières saisons multiplient les apparitions de personnages DC (Flash, Aquaman, Cyborg, Suicide Squad…) au point de saturer. On y voit même Blue Beetle, Booster Gold et La Légion, alors que ces personnages n’avaient rien à faire dans cette période de la vie de Clark, et qu’il est encore adolescent. On se retrouve donc avec une quantité de personnes connaissant le secret de Clark !

D’ailleurs le paradoxe est que pendant plusieurs saisons, Clark va et vient dans le Dailly Planet sans paire de lunettes. Il va même écrire plusieurs articles avec une photo professionnelle le montrant sans sa fameuse paire de lunettes. Nous allons expliquer le comment et pourquoi ça fonctionne dans un autre article. En attendant, il existe un article dédié à la fameuse identité !

L’arrivée prématurée de Loïs Lane

Introduite en saison 4, Loïs Lane peine à trouver une alchimie crédible avec Clark. Leur relation, parasitée par la longue romance avec Lana, manque de passion et recycle parfois d’anciennes intrigues. Là où Clark et Lana transpiraient l’amour à chaque regard, Clark et Loïs donnent parfois plus l’impression de “pots de débauche” que d’une passion sincère.
Même la série Lois & Clark avec Dean Cain et Teri Hatcher fonctionnait mieux à l’écran, malgré les tensions hors caméra — Dean Cain allant jusqu’à manger de l’ail avant les scènes de baiser pour embêter sa partenaire.

Pourtant, à mesure que Smallville avance, la dynamique entre Clark et Loïs s’impose comme le véritable pivot de la maturité du héros. Ce qui semblait artificiel au départ devient un lien d’une sincérité rare, bâti sur la confiance et la complicité plutôt que sur le désir. Clark, longtemps prisonnier d’un idéal avec Lana, découvre enfin un amour ancré dans la réalité, où il n’a plus besoin de se cacher ni de jouer un rôle. Loïs ne lui demande jamais de tout dire, elle l’écoute, l’observe et attend le moment où il sera prêt. Contrairement à Lana, souvent enfermée dans la confrontation, Loïs laisse l’amour respirer.

Là où Lana incarnait la nostalgie, Loïs symbolise la progression. Leur relation évolue lentement : de l’amitié moqueuse à la tendresse, puis à l’amour franc. Clark apprend, au contact de Loïs, que l’amour n’est pas fait de déclarations parfaites mais de confiance mutuelle et d’acceptation. Même lorsqu’il perd la mémoire, il se tourne naturellement vers elle, preuve que leur lien dépasse la conscience. C’est ce qui fait dire que Loïs n’est pas une “deuxième option”, mais l’évidence à laquelle Clark arrive après avoir compris la différence entre aimer quelqu’un et être amoureux. Avec elle, il n’y a plus de peur ni de calcul, seulement la liberté d’être soi. Loïs devient son ancre, son lien à l’humanité, la continuité de ce que ses parents lui ont transmis : aimer sans condition et croire encore, même quand tout vacille.

Lois et Clark

Dans Smallville, plusieurs détails souvent négligés donnent toute leur profondeur à la relation entre Clark et Loïs, et éclairent pourquoi elle dépasse de loin la romance idéalisée qu’il entretenait avec Lana. L’un des plus révélateurs demeure l’épisode de l’amnésie. Débarrassé de tout souvenir, Clark reconnaît instinctivement Loïs comme une présence sûre, digne de confiance. Sans savoir qui elle est, il l’écoute, la suit, se fie à son jugement. Cette scène symbolise la force invisible de leur lien : une relation fondée sur une intuition émotionnelle, et non sur la mémoire ou les apparences. Elle confirme que Loïs n’est pas un choix raisonné mais une évidence.

L’idée que Loïs soit une “deuxième option” relève donc de la méprise. Ce concept même paraît absurde quand on mesure le chemin parcouru par Clark. Dès la saison 2, il avait déjà un pied en dehors de sa relation avec Lana. Ce qu’il aimait alors, c’était l’image, la promesse d’un amour adolescent parfait, pas la personne réelle avec ses failles et ses contradictions. Loïs, elle, arrive comme une rupture avec cette idéalisation. Son amour ne naît pas d’un rêve, mais d’une reconnaissance. Il n’y a ni mise à l’épreuve ni ultimatums : Clark se confie de son plein gré, partageant avec elle des éléments essentiels de sa vie — sa tour de contrôle, ses doutes face à Darkseid, ses enquêtes. Cette ouverture volontaire marque une étape fondamentale : pour la première fois, il choisit la transparence par confiance, non par obligation.

Ce contraste est encore renforcé par la sincérité de Loïs. Là où Lana exigeait des aveux tout en gardant ses secrets, Loïs incarne une honnêteté silencieuse. Elle ne réclame rien, elle comprend que la vérité viendra avec le temps. Cette patience, cette absence d’orgueil font d’elle une figure de maturité émotionnelle. Elle ne cherche pas à sauver Clark, elle l’accepte. Et c’est cette acceptation qui transforme leur relation en refuge. L’amour entre eux repose sur un miroir moral : chacun est touché par la bonté de l’autre. Clark tombe amoureux de la compassion et du courage de Loïs, Loïs tombe amoureuse de sa droiture et de sa pudeur. Leur relation devient une équation morale plus qu’un simple attachement sentimental.

Cette dimension morale rejoint la notion d’espoir : Clark incarne l’espoir du monde, mais Loïs est le sien. Là où ses parents lui ont donné des valeurs, elle lui offre la raison de les vivre. Elle représente la traduction humaine de ce qu’ils lui ont appris : aimer sans condition, croire malgré la peur, tendre la main même quand tout semble perdu. En acceptant Loïs, Clark renonce au passé et embrasse l’avenir. Il apprend que l’amour véritable n’est pas une passion qui consume, mais une présence qui stabilise. Loïs devient ainsi sa boussole intérieure, le prolongement du couple Kent : celle qui l’aide à concilier son devoir et son humanité, celle qui fait de l’homme derrière Superman un être capable d’espérer, de douter et surtout d’aimer pleinement.


La grande déception : le costume

Tom Welling avait refusé le rôle trois fois avant d’accepter, posant dès la saison 1 la condition contractuelle de ne jamais porter le costume de Superman. Même dans l’ultime épisode, aucun vrai plan de lui en tenue : uniquement des effets numériques ou des plans larges en CGI. Ses costumes de ville reprenaient souvent les couleurs rouge et bleu pour rappeler Superman.
Malgré une intégration cohérente dans le scénario (cadeau de Martha Kent, placé par Jor-El dans la Forteresse de Solitude pour ne lui remettre qu’au dernier épisode), cette absence frustre profondément. C’est une énorme déception et une vraie pirouette scénaristique pour éviter de le montrer vraiment. D’ailleurs, on ne comprend plus rien quand on regarde de très près un moment on voit dans la forteresse le costume, puis on le voit dans un colis de Martha, puis on le revoit dans la forteresse…


Smallville reste l’une des séries les plus ambitieuses sur Superman : respectueuse visuellement, audacieuse par moments, mais prisonnière de sa longévité et de certaines idées non assumées. Entre hommage sincère et pirouettes scénaristiques, elle symbolise à la fois l’amour des créateurs pour le mythe et les limites d’un récit étiré sur dix saisons. Culte pour toute une génération, la série continue de diviser, mais demeure une étape incontournable dans l’histoire des adaptations de l’Homme d’Acier.

La Kryptonite et l’univers DC

Au-delà de ces constats, certains détails renforcent encore le caractère paradoxal de Smallville. La kryptonite, censée demeurer une faiblesse rare et originelle de Superman, envahit tellement l’intrigue qu’elle finit par banaliser l’extraordinaire. Les grottes, quant à elles, permettent à Clark de commencer à communiquer avec son père, ajoutant une dimension spirituelle parfois trop commode. La série multiplie aussi les apparitions prématurées – de la Justice Society à la Suicide Squad, en passant par Aquaman, Flash ou Cyborg – alors que Clark est encore adolescent. L’introduction de Loïs Lane, d’abord écrite comme une petite sœur insupportable avant de devenir l’inévitable romance, accentue ce sentiment de décalage. Enfin, la conclusion symbolise à elle seule les contradictions de la série : la fameuse déchirure de chemise se solde par un logo collé en CGI, tandis que résonne la musique de John Williams et que s’affiche un générique calqué sur celui de Richard Donner.

La série tisse un pont direct avec la saga initiée par Christopher Reeve. La musique de John Williams agit comme fil conducteur, et le fait que Chloé lise à son fils les aventures de Superman, rebaptisées Smallville, scelle ce lien. Une mise en abyme qui évoque le pré-générique du premier Superman et boucle l’hommage.


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