Put your soul on your hand and walk, récit du quotidien des Palestiniens


Avec Put your soul on your hand and walk, Sepideh Farsi et Fatma Hassona livrent un film poignant. Entre Gaza assiégée et l’exil iranien, deux femmes relient leurs voix pour témoigner. Un cri universel face à l’effacement d’un peuple, un hommage à la force et à la dignité de Fatma.

Avec Put your soul on your hand and walk, les réalisatrices Sepideh Farsi et Fatma Hassona signent une œuvre bouleversante, née de la nécessité de témoigner dans l’urgence. Ce film, présenté à l’ACID du Festival de Cannes 2025, rassemble les fragments de vie, de voix et d’images captés au cœur de Gaza par la jeune photographe palestinienne, et tissés à distance par la cinéaste iranienne en exil. Plus qu’un documentaire, c’est une rencontre entre deux femmes séparées par des frontières et réunies par la caméra, où le cinéma devient acte de résistance et de survie face au silence imposé par la guerre.


Le quotidien sous le poids des bombes

Le film suit l’histoire singulière de Fatma Hassona, 25 ans, photographe et journaliste palestinienne, qui résistait au quotidien en documentant les bombardements et en aidant les enfants réfugiés. Derrière son objectif, elle captait à la fois les ruines et les sourires, les traces du génocide et la lumière fragile de la vie. En face, Sepideh Farsi, réalisatrice iranienne installée en France, recueillait ses images, ses mots et ses émotions, à travers des appels vidéo et des fragments transmis malgré les coupures de connexion. Entre elles, un fil s’est noué, fragile et puissant, donnant naissance à un film qui ne se contente pas de montrer Gaza sous les bombes, mais qui restitue aussi la personnalité vibrante d’une jeune femme rieuse, militante et créative, fauchée avec sa famille lors d’une frappe israélienne.

Posons les armes

Ce film documentaire nous rappelle cette chanson A l’essentiel de Zohair. Cette chanson nous implore de revenir à une vie plus essentialiste, car personne n’est immortel sous le poids des bombes. Elle décrit l’escalade de la violence, les guerres et les attentats. Les conséquences comme le climat déréglé et un soleil qui va peu à peu nous tuer.


Ce film remet les choses dans une perspective claire : non, ce n’est pas un simple conflit, mais une guerre, une guerre tendant au génocide d’un peuple. Il faut oser mettre les mots sur les maux, et cesser de se voiler derrière des termes qui minimisent un massacre dont l’objectif est d’anéantir une culture et un peuple. Non, la Palestine n’est pas le Hamas, et réduire cette réalité à cette équation, c’est effacer la dignité, la créativité et la voix de celles et ceux qui, comme Fatma Hassona, incarnaient la vie, la mémoire et la résistance.

Cette vision réductrice en mettant cette guerre dans une réalité manichéenne n’est là que pour une raison : diviser et faire croire que ce conflit n’est pas économico-politique. Reconnaitre les souffrances du peuple Palestinien n’est pas un acte antisémite, mais de bon sens humaniste.

Le désir de donner la parole aux Palestiniens

Le projet naît d’un désir initial : celui de Sepideh Farsi de donner la parole aux Palestiniens, quasi absente du récit médiatique après octobre 2023. Partie au Caire dans l’espoir d’entrer à Gaza par Rafah, la réalisatrice se heurte à l’impossibilité d’accéder au territoire. Elle commence alors à filmer des réfugiés, et c’est par l’intermédiaire d’un ami palestinien qu’elle entend parler de Fatma Hassona, jeune photographe du nord de Gaza. Une première mise en contact via Skype scelle la rencontre. Très vite, l’évidence d’un film à distance s’impose : chaque appel vidéo devient un instant de cinéma, chaque image partagée une archive du présent.

L’expérience n’était pas étrangère à Sepideh Farsi, qui avait déjà réalisé Téhéran sans autorisation avec un simple téléphone portable. Ici, la démarche prend une autre ampleur : il s’agit d’un cinéma d’urgence, où la matière brute des conversations et des images devient le cœur d’une œuvre. Pendant près d’un an, malgré les coupures, malgré le danger, les deux femmes maintiennent une ligne de vie. Fatma, la plus éduquée et active de sa famille, photographiait, écrivait, chantait, et organisait des ateliers pour enfants dans les écoles transformées en refuges. Ses images et sa voix forment la colonne vertébrale du film, auxquelles Sepideh Farsi ajoute sa propre présence, ses doutes, et ce sentiment de miroir entre l’exil et l’enfermement.
L’assassinat de Fatma le 16 avril 2025, à la veille de l’annonce de la sélection cannoise, transforme le sens du projet. Le film devient hommage, témoignage et tombeau. Ses photos ont depuis été exposées à Cannes, à Visa pour l’image à Perpignan, et circulent désormais comme traces d’une vie fauchée mais inscrite dans la mémoire collective.

Put Your Soul on Your Hand and Walk © RÊVES D’EAU PRODUCTIONS

Deux réalisatrices dans un monde en guerre

Le film offre le dialogue de deux femmes issus de deux pays où elles n’ont pas le droit à la parole.

Une Iranienne en exil face à l’histoire palestinienne

Sepideh Farsi, qui a quitté l’Iran à 18 ans après avoir connu la prison et la répression, a fait du cinéma un espace de liberté. Son travail explore depuis toujours la guerre, l’exil et la résistance. En rencontrant Fatma Hassona, elle retrouve ce motif du miroir : enfermée à l’extérieur de son pays, elle reconnaît dans l’emprisonnement de Gaza une résonance intime, sans jamais confondre les destins. Pour elle, ce film n’est pas seulement un projet artistique, mais une nécessité politique : faire entendre une voix qu’on étouffe, réaffirmer que le cinéma peut rompre le silence et porter l’écho des vies menacées.

Une Palestinienne derrière l’objectif

Fatma Hassona, elle, incarnait la dignité d’une jeunesse sous siège. Photographe passionnée, elle transformait sa survie quotidienne en acte de résistance : sourire malgré les bombes, créer des ateliers d’écriture pour les enfants, chanter malgré les drones. Son regard, toujours attentif aux détails humains, faisait émerger la vie dans le chaos. Son assassinat, ainsi que celui de toute sa famille, a bouleversé le film et redonné sens à son combat : exister par l’image, malgré les tentatives d’effacement. En duo avec Sepideh Farsi, elle prouve qu’au-delà des frontières, deux femmes privées de parole dans leurs pays respectifs peuvent bâtir un cinéma de vérité et d’espoir.


Un film bouleversant

Le film bouleversant, qui montre la résilience d’un peuple Palestinien ayant vécu quasiment toute leur vie dans un état en lutte permanent. Mais la guerre qu’on pensait déjà connaitre dépasse toutes les choses qu’on aurait pu imaginer. 

La foi et croire en quelque chose permet de donner un dessein divin à toute cette souffrance, mais parfois ça ne suffit plus. Le film donne un regard lucide sur l’état d’Israël, voulant anéantir l’identité et la culture palestinienne. Ils ont déjà pris leur gastronomie comme les Falafels et cet effacement d’un peuple par la guerre et l’appropriation culturelle a des conséquences sur la vision du monde.

Put Your Soul on Your Hand and Walk © RÊVES D’EAU PRODUCTIONS

Une guerre dont personne ne sait plus qui a commencé

Le film soulève aussi une grande question, plus personne ne sait qui a commencé cette guerre, car elle dure depuis si longtemps. Un film marqué par la date du 7 octobre 2024 : on dit qu’elle représente l’attaque du Hamas contre Israël a déclenché une guerre en perpétuelle escalade.

Mais derrière les images que l’on montre, celle choisie, il y a des jeunes filles, des ados et des invisibles. Il y a aussi ces journalistes tués ou pourchassés. Fatma Hassona incarnait beaucoup de choses et de valeurs. Ce film est un hommage, un choix technique frontal : filmer des visios entre la réalisatrice et la photojournaliste Fatma Hassona. (Découvrez son compte instagram)

Un cri universel

Put your soul on your hand and walk est un film qui dépasse le simple témoignage pour devenir un cri universel. Il montre la résilience d’un peuple palestinien enfermé dans une lutte sans fin, et la guerre, que l’on croyait connaître, révèle ici une brutalité inouïe. La foi, parfois insuffisante face à l’horreur, se confronte à la volonté d’Israël d’effacer une identité et une culture. Ce n’est pas seulement une guerre de territoires, mais aussi une appropriation symbolique, jusqu’à la gastronomie, qui participe à l’effacement d’un peuple. Marqué par la date du 7 octobre 2024, le film pose une question vertigineuse : qui a commencé cette guerre devenue sans origine identifiable ? Derrière chaque image surgissent des invisibles : enfants, adolescentes, journalistes assassinés. Fatma Hassona incarnait cette force et cette dignité. Par la frontalité des visios avec Sepideh Farsi, le film se fait tombeau, hommage et acte de résistance.

Crédit photo © RÊVES D’EAU PRODUCTIONS

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Note : 4.5 sur 5.

24 septembre 2025 en salle | 1h 50min | Documentaire
De Sepideh Farsi, Fatma Hassona | 
Par Sepideh Farsi


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