Un drame social haletant signé Laura Wandel, où Léa Drucker et Anamaria Vartolomei s’affrontent dans un huis clos hospitalier tendu. L’Intérêt d’Adam questionne la loyauté, la survie et l’humanité au cœur d’un système fragilisé.
Avec L’Intérêt d’Adam, Laura Wandel poursuit son exploration des fractures humaines après Un Monde. La réalisatrice plonge cette fois dans l’univers hospitalier, au cœur d’un service pédiatrique où l’intime et le social s’entrecroisent. Dans ce huis clos nocturne tendu, une infirmière doit arbitrer entre sa vocation et un système de santé fragilisé, tout en protégeant un enfant pris entre loyauté filiale et survie. Face à une mère en détresse, obsédée par le contrôle de l’alimentation de son fils, le récit met à nu les failles institutionnelles et les dilemmes moraux. Porté par l’urgence de la mise en scène et le jeu viscéral de ses interprètes, le film se révèle à la fois témoignage social, drame psychologique et cri d’alarme sur l’état des structures de soins. Un cinéma radical, qui refuse la facilité de l’explication pour offrir une immersion troublante et viscérale.
Léa Drucker et Anamaria Vartolomei en plein cœur des tensions sociales
Au cœur du film, Lucy, interprétée par Léa Drucker, incarne une infirmière en chef écartelée entre son devoir professionnel et son humanité. Sa rencontre avec Rebecca, jeune mère incarnée par Anamaria Vartolomei, déclenche une confrontation où l’instinct maternel et la peur de perdre se heurtent à la réalité médicale. Rebecca, isolée et fragile, refuse toute remise en question, convaincue d’agir pour le bien de son fils Adam. L’enfant, joué par Jules Delsart, se retrouve coincé entre fidélité à sa mère et désir de survivre, révélant toute la cruauté d’un conflit de loyauté. Autour d’eux gravitent médecins, juges et travailleurs sociaux, chacun brandissant sa propre vérité au nom de « l’intérêt de l’enfant ». Ce trio central, soutenu par des seconds rôles marquants comme Laurent Capelluto et Alex Descas, donne corps à une tension permanente. Dans ce théâtre où se croisent hiérarchies hospitalières, décisions judiciaires et détresse intime, la caméra capte l’essence même du combat pour préserver la dignité humaine face à un système qui se délite.

Un film sur le combat de la raison et l’Humanité, la vocation et le pragmatisme
Laura Wandel filme l’hôpital comme un champ de bataille moral. Chaque geste, chaque regard devient une lutte entre la froideur administrative et l’élan vital des soignants. Lucy incarne cette tension : son engagement la pousse à franchir des limites, quitte à défier une hiérarchie pesante. Face à elle, Rebecca incarne une autre forme de résistance, celle d’une mère qui refuse le jugement extérieur et s’accroche à une logique personnelle. L’enfant, au centre du conflit, cristallise les dilemmes : comment arbitrer entre raison médicale et attachement maternel ?
Le film ne se contente pas de dénoncer le manque de moyens, il révèle surtout l’inadéquation des réponses institutionnelles. Médecins, juges, assistants sociaux défendent chacun leur vision, parfois au détriment de l’enfant. Dans cette confrontation, la vocation soignante se heurte au pragmatisme brutal d’un système qui comptabilise avant de soigner. La réalisatrice refuse tout didactisme : elle plonge le spectateur dans l’action immédiate, dans l’urgence, sans explication superflue. Cette approche immersive confère au récit une puissance rare.
Le casting renforce ce climat sous tension. Léa Drucker impose sa présence avec sobriété et intensité, exprimant l’épuisement et la révolte d’une infirmière à bout de souffle. Anamaria Vartolomei, fragile et combative, livre une interprétation d’une sincérité désarmante. Quant au jeune Jules Delsart, il incarne avec une justesse bouleversante l’enfant pris dans une loyauté impossible. Cette alchimie nourrit la dimension universelle du film : au-delà du cas particulier, L’Intérêt d’Adam interroge nos choix collectifs, nos responsabilités et notre humanité face à la détresse.
La révélation du film, Anamaria Vartolomei
Révélée par L’Évènement d’Audrey Diwan, Anamaria Vartolomei confirme ici un talent singulier. Elle prête ses traits à Rebecca, jeune mère en perte de repères, oscillant entre volonté de contrôle et fragilité extrême. Laura Wandel refuse tout diagnostic psychologique et donne à l’actrice un espace pour explorer les contradictions d’une maternité isolée et jugée.
Le regard fiévreux, la posture fermée, mais aussi l’énergie désespérée, composent un portrait complexe : celui d’une femme qui, en tentant de protéger son fils, risque de l’anéantir. La prestation résonne d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte hospitalier dépourvu de moyens, où chaque décision semble peser plus lourd encore.

Le film trouve un écho troublant avec En Première Ligne de Petra Biondina Volpe, sorti quelques mois plus tôt, qui abordait également la question de l’engagement au féminin dans un cadre social contraint. Ici, l’affrontement se joue sur la santé d’un enfant, dans un combat où vocation et humanité se heurtent à des logiques administratives. Anamaria Vartolomei parvient à éviter tout manichéisme : elle est à la fois inquiétante et bouleversante, donnant chair à cette jeunesse en errance, prisonnière des injonctions et du regard des autres.
L’Hôpital doit savoir construire des liens avec des parents isolés en rupture totale
Au-delà du drame hospitalier, L’Intérêt d’Adam met en lumière une problématique universelle : comment établir un dialogue avec des parents en rupture totale avec les institutions ? Rebecca, méfiante et enfermée dans sa propre logique, refuse toute aide. Lucy, quant à elle, tente de créer un lien, persuadée que la relation humaine reste la clé pour sauver Adam. Ce face-à-face illustre l’écart entre le bon sens médical et le pragmatisme des soignants, contraints de composer avec des protocoles et des directives souvent déshumanisantes.
Le film souligne l’impasse d’un système qui traite la santé comme une entreprise devant générer des profits. Entre injonctions budgétaires et contraintes judiciaires, l’enfant devient un objet de lutte plutôt qu’un sujet à protéger. La cinéaste montre combien l’humanité doit s’inventer dans les interstices, dans ces moments fugaces où une infirmière tend la main malgré les règles. En plaçant le spectateur au cœur de ces tensions, elle interroge notre capacité collective à écouter, à comprendre et à dépasser la logique froide du rendement pour préserver l’essentiel : la dignité humaine.

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17 septembre 2025 en salle | 1h 18min | Drame
De Laura Wandel |
Par Laura Wandel
Avec Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Jules Delsart
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Une réflexion sur “L’Intérêt d’Adam de Laura Wandel : un drame hospitalier intense porté par Léa Drucker et Anamaria Vartolomei”