Lucile Hadzihalilovic signe un conte cruel et envoûtant, porté par Clara Pacini et Marion Cotillard dans un face-à-face glaçant où l’amour filial se confond avec l’emprise. Un cinéma sensoriel qui trouble et captive.
Avec ce nouveau film, Lucile Hadzihalilovic s’aventure dans un territoire où l’étrangeté se mêle à l’intime, construisant un récit sensoriel qui s’inscrit dans la continuité de son œuvre. La réalisatrice privilégie l’ambiance au spectaculaire, travaillant chaque plan comme un tableau qui oscille entre réalisme cru et onirisme troublant. Le film assume sa lenteur hypnotique, laissant au silence et à la suggestion la place d’installer une tension sourde. Plus qu’un drame, il se révèle une expérience visuelle et émotionnelle, un voyage intérieur où la mise en scène devient autant un espace de fascination qu’un piège mental.
Lucile Hadzihalilovic signe un film glaçant, au parfum d’animation soviétique façon Lev Atamanov. Clara Pacini bouleverse en jeune fille égarée, fascinée par une figure maternelle qu’elle transforme en Reine des Neiges. Marion Cotillard, impérieuse, incarne une Christina vampirique, glaciale et prédatrice. Entre elles, s’installe un lien toxique, asymétrique, où se confondent besoin d’amour et domination. Le film floute la frontière entre fantasme, réalité et folie, pour mieux nous perdre dans un conte cruel à la beauté vénéneuse. Un récit troublant qui hante longtemps l’esprit.
Un retour au classique, un film d’ambiance hors du temps
Lucile Hadzihalilovic offre un film effroyablement glaçant digne de l’ambiance du film d’animation de la fin des années 60 de Lev Atamanov.
Nous sommes emportés par le côté fragile de la jeune Clara Pacini, incanant une héroïne perdue entre fascination et une relation morbide avec une personne qu’elle idéalise en plaquant dessus l’image de la Reine des Neiges.
Se tisse de manière déséquilibrée une histoire où l’une cherche une mère et l’autre quelqu’un sur qui assoir son emprise. Il y a comme une figure vampirique incarnée par Marion Cotillard dans sa reine des neiges / Christina. Ici, la frontière entre la folie, le réel et les fantasmes s’écroule peu à peu.

Ente errance et solitude
Au cœur du récit, une jeune fille, interprétée par Clara Pacini, erre entre solitude et quête d’affection. Elle se laisse happer par une rencontre avec Christina, femme fascinante et glaçante, incarnée par Marion Cotillard. Ce duo devient rapidement l’axe dramatique central : la première cherche une mère de substitution, la seconde projette une emprise malsaine, oscillant entre séduction vampirique et cruauté glaciale. L’adolescente, fragile, s’invente une mythologie personnelle en voyant dans cette figure inquiétante une « Reine des Neiges », image protectrice mais aussi tyrannique. Ce lien toxique se déploie comme une danse macabre où l’amour, la peur et l’asservissement se mêlent. La cinéaste met en scène un jeu d’ombres psychologiques où la frontière entre l’innocence et la perversion s’efface, laissant place à un conte cruel qui s’imprime dans la mémoire du spectateur.
Un nouveau film très esthétique après Evolution
Lucile Hadzihalilovic, après avoir marqué les esprits avec Evolution et Innocence, poursuit son exploration des territoires où l’innocence bascule dans l’inquiétude. Inspirée par les contes, mais aussi par une esthétique héritée du cinéma d’animation soviétique, elle tisse ici une fresque où la mise en scène se fait à la fois picturale et sensorielle. Le film est né du désir de plonger dans la psyché adolescente, là où se mêlent désir d’appartenance et crainte de l’abandon. La cinéaste confie avoir voulu revisiter la figure de la Reine des Neiges, non pas comme une héroïne protectrice, mais comme une incarnation vampirique et ambiguë, symbole de l’illusion des repères parentaux.
Le saviez-vous ? Clara Pacini a travaillé plusieurs mois avec la réalisatrice pour explorer le langage corporel de l’adolescence blessée, sans jamais tomber dans le mélodrame. De même, certaines séquences ont été conçues comme des tableaux vivants inspirés de gravures et d’illustrations anciennes, donnant au film une texture intemporelle. Enfin, Marion Cotillard a proposé d’ajouter au personnage de Christina une gestuelle presque chorégraphiée, héritée de ses recherches sur les rôles théâtraux, afin de renforcer l’aura hypnotique et prédatrice de cette « reine » qui règne sur l’inconscient de l’héroïne.
La nuance masculine du film
Ici, toutes les figures féminines semblent marquées par la blessure, l’obsession ou la prédation. Pourtant, un homme traverse ce monde comme une ombre discrète : August Diehl (Max) incarne ce contrepoint fragile, presque étranger à la logique infernale qui unit Clara et Christina. Son personnage, à la fois spectateur et témoin, n’apaise rien, mais offre une respiration, un rappel d’une normalité possible hors du cercle toxique. Il ne sauve pas, il ne condamne pas non plus : il flotte dans l’entre-deux, soulignant par contraste l’intensité des passions et l’étouffement des héroïnes.
Un film sur les dangers de l’abus psychologique
Dans son film, la cinéaste explore avec une acuité glaçante la vulnérabilité de ceux qui cherchent un repère affectif. La figure de la Reine des Neiges n’est pas convoquée pour son aura protectrice ou féerique, mais parce qu’elle incarne une présence froide, distante et ambiguë. Cette image idéalisée devient une métaphore de l’illusion maternelle : un idéal figé, séduisant et fascinant, mais aussi glacé, inaccessible et trompeur. La réalisatrice détourne ainsi le conte pour en faire un symbole de l’emprise psychologique et des projections dévastatrices. L’héroïne, en quête d’amour et d’appartenance, s’invente une mère parfaite là où se cache en réalité une prédatrice, transformant l’attachement en piège. Le film met en lumière la manière insidieuse dont le besoin de protection peut être détourné et exploité, soulignant les ravages de l’abus psychologique sur les êtres les plus fragiles.
On peut faire une analogie avec les ados, les jeunes isolés qui se retrouvent piégés entre les mains de personnes toxiques et abusives. Le conte en lui-même était déjà difficile, mais ici, la relecture permet de donner une dimension plus brutale, car elle colle avec le climat actuel, marqué par une fragilisation des repères et une exposition accrue aux manipulations affectives. La réalisatrice met en évidence ce basculement, où la quête de soutien et de reconnaissance devient un terrain fertile pour les abus, soulignant avec force la manière dont l’isolement ouvre la voie aux relations destructrices.
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17 septembre 2025 en salle | 1h 58min | Drame, Fantastique
De Lucile Hadzihalilovic |
Par Lucile Hadzihalilovic, Geoff Cox
Avec Marion Cotillard, Clara Pacini, August Diehl
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Une réflexion sur “LA TOUR DE GLACE – Lucile Hadzihalilovic revisite le célèbre conte”