Niia réinvente Angel Eyes avec une intensité brute : une interprétation dépouillée où chaque silence révèle le poids des émotions. Une plongée dans l’absence, le désir et le cycle infernal du manque, qui offre une révélation intime et moderne du standard de jazz.
Avec Angel Eyes, Niia (Niia Bertino) signe un retour à ses racines tout en réinventant un standard. Formée au piano classique et au chant jazz, elle propose une version à la fois intime et épurée, où chaque note semble suspendue entre nostalgie et modernité. Ce qui frappe, c’est sa capacité à transformer une chanson souvent teintée de mélancolie en une expérience plus brute, dénuée de fioritures. Elle s’éloigne du pathos habituel pour explorer un entre-deux fragile, celui où l’amour absent laisse place à un vide lucide. En choisissant la lenteur, l’économie de vibrato et une réharmonisation subtile, elle offre une lecture dépouillée, presque nue, où le silence joue autant que la voix. C’est moins une reprise qu’un miroir tendu à l’auditeur : accepter ses émotions, reconnaître le cycle infernal du manque et trouver dans cette boucle l’éclat d’une révélation.
Une cover après Angel Eyes déjà popularisé par Nicola Arigliano
Niia s’inscrit dans une filiation exigeante : après l’interprétation de Angel Eyes par Nicola Arigliano, elle choisit d’en livrer une version épurée, réinventée, qui souligne autant l’héritage du standard que sa propre singularité artistique.
Un dépouillement total, une mise en avant de l’émotion
Dans Angel Eyes, l’interprète fait le choix d’un dépouillement radical. Là où Chet Baker ou d’autres figures du jazz imprimaient une douceur nostalgique, elle place l’auditeur au cœur d’une vulnérabilité crue. Les paroles, déjà construites autour de l’absence et du désir, prennent ici une nouvelle intensité : au lieu d’un drame romantique, c’est une confrontation directe avec le vide. L’artiste explore le paradoxe des émotions : douleur et lucidité se confondent, le plaisir de se perdre dans l’ivresse côtoie la conscience de l’échec amoureux. La singularité vient de son phrasé ralenti, presque retenu, qui laisse résonner les silences comme des échos intérieurs. Cette retenue souligne un cycle émotionnel : boire, rire, s’échapper, puis revenir à l’absence. Une spirale où la voix devient guide et confession.
Ce qui distingue Niia dans cette interprétation, c’est l’usage d’images simples, mais d’une puissance brute. Le bar, les rires, l’alcool deviennent des décors symboliques où l’on cherche à se distraire, sans jamais échapper à l’obsession de l’« ange » perdu. La chanson devient une métaphore de l’entre-deux : entre désir et renoncement, illusion et lucidité. En revisitant ce standard, Niia refuse la nostalgie et préfère l’instant présent, même inconfortable. Elle construit un récit cyclique où les émotions s’empilent, se répètent, comme une boucle infernale impossible à rompre. Le timbre chaud et sans ornement apporte une sincérité brute, presque déstabilisante. Ici, l’originalité ne réside pas dans l’arrangement flamboyant, mais dans ce minimalisme assumé, qui permet à l’auditeur de ressentir la tension entre l’intime fragilité et l’évidence douloureuse de l’absence.
En savoir plus sur l’artiste
Avec Angel Eyes, Niia collabore avec le producteur Spencer Zahn, maître dans l’art de fusionner jazz, ambient et classique moderne, et Benjamin Bock aux claviers. Le morceau paraît sur le label Candid Records, fraîchement relancé, et s’inscrit dans la lignée des grandes interprétations du standard écrit par Matt Dennis et Earl B. Brent, popularisé notamment par Chet Baker. Ce dernier reste une pierre angulaire dans l’univers de l’artiste, qui cherche ici à renouer avec ses racines et à répondre à une question intime : « What is jazz for me ? ». Son interprétation se distingue par des phrasés lents, l’absence de vibrato et une réharmonisation discrète, perçue comme une manière de dire adieu aux codes traditionnels.
Le clip officiel, réalisé par Dimitri Basil, transpose cette vision dans un univers visuel sombre et stylisé, tourné au Dresden de Los Angeles, avec une esthétique à la fois lynchienne et tarantinesque. Cette sortie annonce l’arrivée de son prochain album V, prévu pour octobre 2025 chez Candid Records, fruit de collaborations avec Lawrence Rothman, Chloe Angelides et plusieurs musiciens de la scène jazz/indie de Los Angeles. Positionnée dans une génération de musiciens “genre-averse”, aux côtés de BADBADNOTGOOD, Robert Glasper, Kamasi Washington ou Thundercat, Niia s’était déjà distinguée par son premier album I, qualifié de moody alt-R&B “jazz-adjacent”, et salué par des médias comme The New York Times, Rolling Stone, The Guardian, Interview Magazine ou encore Harper’s Bazaar.
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