Exit 8 – Que vaut l’adaptation cinématographique du jeu culte?


Exit 8, réalisé par Genki Kawamura, n’est pas un film d’horreur comme les autres. Enfermés dans un tunnel sans fin, les spectateurs affrontent une vérité bien plus dérangeante : l’inaction, le conformisme, et l’illusion du libre arbitre. Une œuvre aussi hypnotique que glaçante, entre Camus et Kubrick, qui interroge nos choix quotidiens.
Plongée dans une boucle mentale où chaque anomalie est une claque existentielle !

Exit 8 – Un pur cauchemar visuel ou une réussite conceptuelle ?

Un homme anonyme (Kazunari Ninomiya) erre dans un couloir de métro sans fin, cherchant désespérément la « Sortie 8 ». La règle est simple en apparence : s’il repère une anomalie, il doit faire demi-tour. Sinon, il avance. Mais à chaque erreur, tout recommence. À ses côtés – ou contre lui – gravitent des figures fantomatiques : une femme bouleversée (Nana Komatsu), un homme impassible (Yamato Kôchi), un enfant silencieux (Naru Asanuma)… Aucun d’eux ne parle vraiment, mais tous symbolisent une part de notre société : le conformisme passif, la violence impunie, l’innocence abandonnée. Ce n’est pas un jeu, c’est un piège existentiel où chaque pas vers la sortie est un pas vers soi.

© 2025 Exit 8 Film Partners

Un film d’horreur où la source de la peur est invisible

Exit 8 ne fait pas peur par ses monstres, mais par le miroir tendu à notre passivité. L’enfer, ici, c’est notre soumission au conformisme, notre incapacité à agir. À l’image d’un Japon figé dans ses règles, le film dépeint une boucle absurde où obéir apaise, mais n’épanouit pas. Comme Sisyphe, on rejoue sans fin la même scène, sans choix clair, prisonniers d’un faux libre arbitre. Le Boléro de Ravel scande cette boucle hypnotique, tandis que l’ombre de Shining plane. L’horreur n’est pas surnaturelle, elle est existentielle. Exit 8 frappe par sa lucidité : le vrai monstre, c’est l’inaction.

L’inaction face au conformisme

Le film effraie non pas par la monstruosité, mais par l’illustration de notre propre incapacité à faire des choix et agir en étant sans cesse libre ou heureux pleinement.

L’enfer, ici, n’est plus seulement les autres, mais nous-même et notre incapacité à se battre contre les normes, les injonctions. Ici, matérialisé par une femme et son bébé en pleure. Un homme crie et l’agresse verbalement, mais personne ne bouge, personne n’intervient, car nous sommes ici dans une dilution totale de la responsabilité, et au Japon, le royaume du conformisme, cela est la règle !

Le film dans sa boucle sans fin, tel le mythe de Sisyphe, ordonne de relever les choses sortant de l’ordre établi, puis de revenir en arrière. Il y a une forme punitive qui conditionne les prisonniers : si vous respectez la règle, vous aurez la paix, mais la paix n’est pas le bonheur. Le bonheur vient après plusieurs épreuves et choix qui ne sont pas clairement explicites, comme pour créer un semblant de libre arbitre où nous sommes responsables de notre propre malheur pour n’avoir su agir pour trouver le bonheur. 

© 2025 Exit 8 Film Partners

L’existentialisme et l’absurde 

Cette boucle symbolise notre combat  contre l’incapacité à sortir de cycle sans fin entre les névroses et auto sabotage. L’enfer est un tout, l’impossibilité d’être accepté comme nous sommes par les autres, mais aussi l’ensemble de nos pensées limitantes.

La scène où l’enfant veut retenir l’adulte est une belle analogie à l’histoire des crabes où quand un crabe veut sortir d’un panier, les autres crabes l’en empêchent.  Le conformisme n’aide pas dans ce film, mais immobilise dans une forme de calme plat en lutte constante contre les anomalies.

La vie ne permet pas toujours de faire marche arrière. L’immobilisme est souvent un moyen confortable de ne pas agir et laisser les autres prendre les décisions pour nous. Pourtant, cet enfer montre que l’action est la solution, sortir de l’enfer demande de prendre ses responsabilités et d’agir. L’existentialisme selon Camus permet de vaincre l’absurdité. Exit 8 offre de l’horreur existentialiste où l’absurde est le reflet critique d’une société conformiste, qui n’aide pas à l’épanouissement personnel, mais le libéralisme total est l’enfer également, car il prive chacun de l’harmonie, de l’écoute et de l’égalité.


Au départ, un jeu vidéo

Exit 8 trouve son origine dans un jeu vidéo indépendant créé par Kotake Create en 2023. Le concept était minimaliste, mais addictif : avancer dans un couloir stérile et repérer les anomalies, sinon recommencer depuis le début. Ce gameplay a profondément marqué Genki Kawamura, écrivain à succès et réalisateur remarqué pour N’oublie pas les fleurs, qui y a vu une allégorie moderne du purgatoire. Le jeu a rapidement explosé à l’international, atteignant 1,7 million de ventes, avant de devenir un phénomène culturel au Japon. Ce succès a convaincu Genki Kawamura d’en faire un film d’auteur, entre thriller mental et satire sociale.

Mais le tournage ne fut pas de tout repos : conçu comme un huis clos labyrinthique, le décor du tunnel a été reproduit à l’identique sur plusieurs centaines de mètres pour éviter la redondance des plans. La difficulté majeure ? Maintenir l’attention du spectateur dans un décor immobile. Kawamura a donc misé sur le sound design, les variations lumineuses, et des détails invisibles qui nourrissent la paranoïa. Il s’est aussi inspiré de Shining et des illusions d’Escher pour renforcer cette impression d’étouffement en boucle. La musique, signée Yasutaka Nakata, épouse cette logique avec un crescendo permanent à la Ravel, hypnotique et glaçant.

© 2025 Exit 8 Film Partners

Le travail artistique 

Musicalement, le film utilise intelligemment le Boléro de Ravel. Une boucle sans fin d’un même thème à l’infini. Nous avons une autre référence artistique, celle à Shinning de Kubrick, l’immage des vagues de sang qui inonde, l’image à répétition et l’ambiance sonore rappellent l’enfer labyrinthique de ce film culte.


Exit 8 n’est pas un cauchemar ordinaire. C’est une horreur du quotidien, où l’absence d’action est punie, et où chaque anomalie est une main tendue vers notre propre vérité. Le film rappelle que l’enfer n’est pas toujours rouge et brûlant — parfois, il est blanc, propre, silencieux, et nous regarde vivre sans jamais intervenir. Genki Kawamura signe ici une œuvre dense, élégante et dérangeante, où le Boléro de Ravel devient le métronome d’une vie absurde. La sortie existe, mais encore faut-il la chercher vraiment. Et avoir le courage de s’y engager.


___________

Note : 5 sur 5.

3 septembre 2025 en salle | 1h 35min | Epouvante-horreur
De Genki Kawamura | 
Par Genki Kawamura, Hirase Kentaro
Avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Naru Asanuma
Titre original 8-ban deguchi

Summary


🇬🇧 English Summary

Exit 8, directed by Genki Kawamura, is not your typical horror film. Based on the viral Japanese indie game 8-ban deguchi, it traps viewers in a never-ending tunnel where every anomaly demands a choice: turn back or go forward. As the loop repeats, the real horror emerges—not from monsters, but from conformity, passivity, and our fear of action. With echoes of Camus and Kubrick, the film blurs the line between existential dread and societal critique. A minimalist yet disturbing cinematic experience that transforms the gameplay’s hypnotic anxiety into a haunting visual and emotional maze.


🇯🇵 Japanese Summary

『8番出口』(Exit 8)は、川村元気監督による、型破りな心理ホラー映画です。話題となった同名インディーゲームを原作に、地下通路を進みながら「異常」を探し、見つければ引き返すというシンプルなルールの中で、観客は永遠にループする恐怖に巻き込まれます。本作が描くのは、怪物ではなく、行動しないことへの警鐘、そして社会的同調圧力の恐怖。カミュやキューブリックを思わせる哲学的で象徴的な世界観が、視覚と音で繰り返し問いかけます。ミニマルながら深く突き刺さる映像体験です。


En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Une réflexion sur “Exit 8 – Que vaut l’adaptation cinématographique du jeu culte?

Un commentaire ça aide toujours !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.