Labubu, la créature grinçante imaginée par Kasing Lung, a conquis le monde des art toys grâce à Pop Mart. Entre mignon et monstrueux, il redéfinit la culture pop et séduit collectionneurs et passionnés d’art contemporain.
Depuis quelques années, un petit personnage étrange et grimaçant appelé Labubu s’impose dans l’univers mondial du jouet de collection. Création du designer hongkongais Kasing Lung, cet être mi-démon, mi-peluche, à l’allure vaguement cauchemardesque, fascine autant qu’il déroute. Ses dents acérées, ses oreilles pointues et son sourire carnassier tranchent avec l’esthétique habituelle des jouets « cute ». Pourtant, Labubu est devenu une véritable icône de la culture pop asiatique, à la croisée du marché de l’art, du jouet et de la mode.
Lancé dans le cadre de la collaboration entre Lung et la maison Pop Mart, géant chinois du jouet de designer, Labubu s’inscrit dans la tradition des art toys. Ces figurines, loin d’être de simples jouets pour enfants, sont conçues pour séduire les collectionneurs adultes, friands d’objets rares et de collaborations limitées. Chaque série de Labubu est éditée en quantités restreintes, souvent distribuée selon le principe du « blind box » — boîtes surprises où le collectionneur ignore quelle variante il obtiendra. Ce mécanisme stimule le désir, encourage l’échange et fait grimper les prix sur le marché secondaire.

Le succès phénoménal de Labubu s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’esthétique singulière : un mélange de mignon et de monstrueux, qui évoque aussi bien les contes européens que le bestiaire de Tim Burton. Le personnage incarne une forme d’ambivalence enfantine — attirante et inquiétante à la fois — qui résonne particulièrement avec une génération friande d’images hybrides. Ensuite, la stratégie marketing de Pop Mart, qui a su créer une communauté mondiale de passionnés, notamment en Chine, au Japon et, de plus en plus, en Occident. Les files d’attente lors des conventions, les plateformes d’échange en ligne et la spéculation sur certaines pièces ultra-rares témoignent de la ferveur des fans.
Derrière l’effet de mode, Labubu révèle une mutation plus large : l’entrée des jouets de designer dans le champ de la culture visuelle contemporaine. Entre l’art et le produit dérivé, ces figurines incarnent un rapport nouveau à la consommation culturelle, où l’objet se veut à la fois fétiche, marqueur identitaire et investissement potentiel. Dans ces créatures grinçantes, certains voient un miroir des contradictions de notre époque : chercher du réconfort dans des monstres attendrissants, collectionner à l’infini des icônes produites industriellement, tout en leur prêtant la valeur d’œuvres uniques.
Ainsi, Labubu est plus qu’une simple figurine : c’est le symptôme d’une société où les frontières entre art, marchandise et affect se brouillent. Ce petit monstre au sourire inquiétant illustre parfaitement la manière dont l’imaginaire contemporain recycle l’étrange et le grotesque pour en faire une nouvelle forme de beauté.
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