The Ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt – Stop le massacre des zoom avant-arrière et de l’excès de caméra épaule


Avec un casting prestigieux et un sujet historique fascinant, The Ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt disposait de tous les atouts pour marquer le cinéma d’horreur. Mais entre caméra tremblante et parti pris excessif, le film frustre malgré ses qualités et son héritage culturel.


Il y avait de quoi susciter l’attente : un film inspiré d’un exorcisme réel, documenté et reconnu par l’Église catholique, avec un casting impressionnant où l’on retrouve Al Pacino, Abigail Cowen et Dan Stevens, le tout mis en scène par David Midell, réalisateur remarqué pour L’assassinat de Kenneth Chamberlain. The Ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt promettait une plongée viscérale dans l’horreur, entre réalité historique et effroi surnaturel. L’ambition était claire : offrir une œuvre immersive et respectueuse de l’histoire d’Emma Schmidt, dont la souffrance a marqué la mémoire religieuse et culturelle américaine. Pourtant, ce qui aurait pu être un grand moment de cinéma se retrouve piégé dans un choix esthétique discutable, qui gâche la puissance du récit et empêche le spectateur de s’immerger totalement.

The ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt © Copyright Rituality, LLC

L’histoire nous entraîne en 1928, dans un couvent reculé de l’Iowa, où la jeune Emma Schmidt (interprétée par Abigail Cowen) est confiée au clergé après des manifestations étranges et inquiétantes. Face à des phénomènes inexpliqués – voix inhumaines, lévitations, force surnaturelle –, l’Église dépêche le Père Theophilus Riesinger (Al Pacino), exorciste légendaire. Il est accompagné du Père Joseph Steiger (Dan Stevens) et entouré de religieuses, dont la Sœur Rose (Ashley Greene).
Le film déploie son intrigue autour de ce combat spirituel et psychologique, étalé sur vingt-trois jours, que l’Histoire a retenu comme l’un des exorcismes les plus spectaculaires jamais consignés. En toile de fond, le réalisateur insiste sur le poids des institutions, incarné par l’évêque Edwards (Patrick Fabian) et la Mère Supérieure (Patricia Heaton). Ce mélange de figures religieuses, scientifiques et spirituelles visait à refléter la tension entre foi et raison, à travers une reconstitution fidèle de ce qui fut relayé jusqu’à Time Magazine.


Une caméra qui tremble sans fin

C’est ici que l’édifice s’effondre. Si l’on salue le travail de reconstitution historique et l’implication d’un casting solide, l’expérience de visionnage devient rapidement insupportable. La caméra portée à l’épaule, censée injecter du réalisme et rappeler l’esthétique du documentaire ou du found footage, se transforme en cauchemar visuel. Non seulement elle tremble lors des scènes d’exorcisme – où l’on aurait pu comprendre une telle nervosité pour renforcer la tension – mais elle vibre tout autant dans les scènes calmes, de simples dialogues ou moments d’introspection.
Le spectateur lutte pour ne pas détourner les yeux. La presse spécialisée, à l’image de HorreurNews, s’agace : « Le plus frustrant est l’attrait visuel déplaisant du film. […] La photographie vous incitera à détourner le regard de l’écran. […] L’intention derrière ce style était peut-être de créer une expérience cinématographique plus authentique, en lui donnant une ambiance de found footage, mais cela entraîne des tremblements incessants dans chaque scène (même dans les passages les plus calmes), avec des zooms avant et arrière constants. […] »

La caméra bouge tellement qu’on a envie de quitter la salle. Le constat est partagé par les spectateurs : « Pas franchement convaincant sur la forme […], la caméra en permanence tremblante finit par nous faire croire que c’est bel bien l’œuvre d’un DTV venu d’une dimension infernale », écrit un internaute sur SensCritique.

On parle ici d’une gêne physique, d’une véritable « nausée visuelle », renforcée par des zooms et dézooms arbitraires. Au lieu de servir le récit, cette esthétique détourne l’attention et empêche toute empathie avec Emma Schmidt. L’intention de David Midell était claire : traduire le chaos intérieur de son héroïne par une image instable. Mais le dosage est absent, et cette surenchère technique annihile la puissance dramatique. Une alternance de plans fixes et de caméra portée aurait permis de préserver le réalisme tout en évitant l’agression visuelle. Ici, tout tremble, tout vacille, et l’horreur n’est plus dans le démon, mais dans l’image elle-même.

Amis réalisateurs, comme le disaient si bien nos profs de pratique en audio-visuel, « l’usage du zoom n’est pas anodin ». Les zooms avant-arrière à outrance sont épuisants. Ils donnent mal à la tête, c’est pauvre esthétiquement puisque tout le monde fait actuellement, ce n’est pas par ce que c’est à la mode que c’est intéressant et gage de qualité… Cela montre juste que l’opérateur image est agile. Certes c’est cool une fois ou deux mais systématiquement à chaque plan, c’est pénible. Au mieux, des plans de coup ou un découpage technique très précis pour offrir un joli plan séquence est plus audacieux ! Pitié, cessez de nous donner mal au cœur.

The ritual © Rituality, LLC

Anecdote et choix artistique-technique

Il faut replacer ce choix dans le parcours du cinéaste. David Midell, qui a commencé sa carrière comme thérapeute, a toujours voulu sonder la fragilité humaine et confronter la foi à la science. Dans ses notes de réalisateur, il explique avoir voulu « restituer avec exactitude les souffrances d’Emma », et offrir une approche qui reflète autant la psychologie que la spiritualité. L’usage de la caméra à l’épaule est donc un parti pris assumé, pensé comme une mise en abyme du trouble intérieur de l’héroïne.
Mais l’anecdote révélatrice est que cette esthétique a été poussée jusqu’à l’excès, y compris sous l’influence de certaines productions récentes cherchant un réalisme nerveux. On comprend la volonté d’échapper au classicisme, d’éviter les cadres figés et d’inscrire The Ritual dans une mouvance contemporaine du cinéma d’horreur, mais le résultat trahit son ambition. Là où d’autres films dosent la nervosité pour accentuer des instants précis, le cinéaste applique cette méthode en continu, vidant son procédé de toute efficacité.
Techniquement, l’équipe a utilisé des caméras légères et mobiles pour recréer l’effet d’immersion d’un reportage. Un choix qui aurait pu fonctionner dans un found footage pur, mais qui se heurte ici à une narration classique. Le contraste entre un récit très écrit (inspiré de documents d’époque et du livre Begone Satan!) et une esthétique bancale crée un décalage qui brouille l’expérience. Ce paradoxe – une histoire profondément structurée, mais une image anarchique – illustre toute la contradiction du film.

Au-delà des choix esthétiques contestés, il faut replacer The Ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt dans le parcours de son réalisateur. David Midell, nommé aux Independent Spirit Awards et aux NAACP Image Awards, s’était déjà distingué par son regard humaniste dans NightLights (2014) et L’assassinat de Kenneth Chamberlain (2021). Ce bagage nourrit sa volonté d’ancrer son cinéma dans la réalité sociale et humaine, même lorsqu’il aborde l’horreur. Dans ses notes, il compare d’ailleurs l’exorcisme à un test de Rorschach : certains y voient un combat spirituel pour l’âme, d’autres une détresse psychologique à soigner. Cette analogie aurait pu offrir un cadre symbolique fort, mais reste sous-exploitée à l’écran. Il insiste aussi sur le courage collectif des religieuses et prêtres, qui se sont unis pour soulager Emma, un aspect émouvant qui disparaît parfois derrière la frénésie visuelle.

Le film s’appuie pourtant sur une base historique qui a profondément marqué la culture horrifique. Le vrai exorcisme d’Emma Schmidt fut consigné dans Begone Satan! (1935), un récit qui a inspiré des décennies de fictions et nourri la mythologie de l’horreur religieuse. Cet héritage culturel est immense, mais le film peine à le transmettre pleinement. Sur le plan technique, on aurait pu attendre davantage de la collaboration d’artisans confirmés : la photographie d’Adam Biddle, le montage d’Enrico Natale, la musique de Jason Lazarus et Joe Trapanese, ou encore le travail de décors et costumes de Julie Toche et Grizelda Garza. Tous ces éléments, essentiels pour installer une atmosphère, auraient pu contrebalancer l’instabilité de la mise en scène et donner plus de densité au projet. Le paradoxe du film est là : il dispose d’une équipe artistique solide et d’un matériau historique exceptionnel, mais se saborde par des choix esthétiques trop radicaux.


The Ritual – L’Exorcisme d’Emma Schmidt avait tout pour être un grand film d’horreur historique : un sujet fascinant, un récit basé sur des faits authentiques, un casting prestigieux et une volonté sincère d’explorer le combat intérieur d’une jeune femme face au mal. Mais le choix formel de la caméra tremblante, poussé à outrance, gâche l’ensemble. On en sort frustré, avec l’impression que le film a sacrifié son potentiel sur l’autel d’une esthétique mal maîtrisée. On en attendait beaucoup, mais cette réalisation instable transforme une histoire bouleversante en épreuve visuelle, plus épuisante qu’effrayante.

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Note : 1 sur 5.

20 août 2025 en salle | 1h 38min | Epouvante-horreur
De David Midell | 
Par David Midell, Enrico Natale
Avec Al Pacino, Dan Stevens, Ashley Greene Khoury
Titre original The Ritual


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