Sous tension, plongeon dans la Grèce à bout de souffle


Sous tension, de Penny Panayotopoulou, plonge dans le quotidien d’un hôpital public grec en crise. Giannis Karampampas incarne un homme tiraillé entre survie et intégrité, protégeant sa nièce dans un monde où chaque geste d’amour devient un acte de résistance.

Sous tension, réalisé par Penny Panayotopoulou, capte avec une justesse rare les éclats fragiles de tendresse qui subsistent dans un quotidien oppressé par la précarité et la mort. Au cœur d’un hôpital public grec en crise, Costas, nouvel agent de sécurité, se débat entre loyauté et survie. La disparition brutale de son frère, une mère dépressive, une sœur dépassée et une nièce à protéger composent un tableau où chaque geste de bienveillance devient un acte de résistance. Entre drame intime et critique sociale, le film scrute la part d’humanité qui subsiste, même dans l’étau des choix impossibles.

L’histoire en quelques mots

En Grèce, Costas (Giannis Karampampas) tente de maintenir sa famille à flot. Embauché dans un hôpital public délabré, il découvre un monde où l’urgence n’est pas seulement médicale, mais existentielle. Entre la détresse d’une mère (Thalia Papakosta) rongée par le deuil, la légèreté d’une sœur immature (Elena Mavridou) et l’innocence de sa nièce Niki (Garifalina Kontozou), il devient un pilier silencieux. Lorsque des difficultés financières l’entraînent dans une combine douteuse, son dilemme moral reflète l’effritement d’un idéaliste. Les figures secondaires – soignants épuisés, patients abandonnés, arnaqueurs – complètent une fresque humaine où chaque personnage cherche désespérément une issue.

Sous tension © Epicentre films

Un film sur un monde absurde

Le film dévoile une maitrise de l’art de filmer l’émotion et la tendresse, celle des moments précieux et fragiles, celle de la famille et de l’amour. On montre une nièce, symbole de l’insouciance, celle qu’on perd avec les problèmes d’adulte, il n’y a rien de plus beau que de voir cet oncle cherche à protéger le plus longtemps possible la jeune fille de l’apprentissage de la mort.

On montre la jeunesse, celle qui s’amuse, bien qu’il a déjà 40 ans, puis entame un métier d’agent de sécurité, à l’opposé du quotidien, plus décontractée et fait de petits riens.

Un monde sous tension

Le film dévoile des contrastes dans un pays où l’on peine à survivre. Chacun des personnages sont sous tension : cette mère dépressive, cet oncle qui peine à joindre les deux bouts, le corps soignant…

L’hôpital ici est une usine, un endroit où l’on est de passage, devenant l’antichambre du couloir de la mort. Rien ne marche et la conséquence d’une économie en chute libre est l’incapacité de soigner le vivant, l’incapacité aussi à la population de vivre correctement. La petite amie du héros symbolise cette jeunesse ne voulant pas grandir, car grandir c’est assumer des responsabilités et dès qu’elle se retrouve sous le poids d’injonctions, elle fuit… de peur de finir, elle aussi, sous pression.

Tous les personnages sont touchants, que ce soit les infirmiers, les médecins, les arnaqueurs… on sent que chacun essaie de trouver une issue de secours, mais lorsqu’on y arrive, elle mène à un cul-de-sac ! 

Sous tension © Epicentre films

Un film fait de passion et de poésie

La réalisatrice Penny Panayotopoulou a conçu Sous tension comme un film d’une authenticité viscérale, où la lumière naturelle et les couleurs chaudes – dominées par des teintes terreuses et rouges – instaurent une intemporalité propice à l’émotion. Elle privilégie un réalisme immédiat, refusant l’artifice au profit de la vérité des instants. Le récit s’ouvre sur une rare parenthèse d’insouciance : Costas, à moto, entouré de ses amis. Ce moment de légèreté est rapidement rattrapé par les responsabilités et la dureté de la vie. Cette bascule prépare le spectateur à un voyage où chaque geste compte.

Le casting a été façonné avec un soin particulier. Giannis Karampampas, repéré pour sa diction des poèmes de Cavafy, a séduit la réalisatrice par sa présence intemporelle et sa beauté humble. Pour le rôle de Niki, la jeune actrice Garifalina Kontozou a été choisie après un long processus : apparue par hasard lors d’un autre casting, elle fut écartée, car jugée trop jeune, avant d’être finalement retenue des mois plus tard – un signe du destin.

L’univers hospitalier, filmé dans deux lieux distincts – un hôpital abandonné et un établissement public actif – devient un personnage à part entière. Symbole d’un système de santé en déliquescence, il incarne l’usure des soignants, les injustices sociales et la banalisation de la mort. La réalisatrice met en scène cette réalité avec sobriété, préférant suggérer plutôt que montrer frontalement, comme lors de la mort du frère : absente de l’écran, elle se répercute dans chaque scène, chaque silence.

Des symboles ponctuent le récit : les chatons, d’abord exclus puis recueillis, reflètent la trajectoire de Niki ; l’oranger malade, soigné par Costas, devient le prolongement du rêve de son frère défunt et fleurit hors saison, signe d’espoir persistant. La scène finale, baignée d’une lumière pure et naturelle, est pensée comme une vision de paradis : un instant suspendu où le héros, bien que vaincu par les circonstances, préserve son intégrité et son amour pour les siens.

Ces choix artistiques et narratifs témoignent d’une volonté de filmer la tendresse au cœur du chaos, de laisser affleurer la lumière même dans les histoires les plus sombres. Sous tension n’est pas seulement un drame social : c’est une ode discrète à la dignité et à la résilience humaines. Un combat contre l’absurde et la souffrance silencieuse d’un monde qui s’effondre, dans lequel tout est argent et intérêt.

Sous tension est une œuvre où la dureté du réel n’écrase jamais totalement l’élan vital. Penny Panayotopoulou signe un drame lumineux, porté par la sincérité du jeu et une mise en scène qui refuse le pathos pour privilégier l’émotion brute. Le film trouve sa force dans ses contrastes : l’âpreté du contexte social et la douceur des moments partagés, la misère économique et l’éclat fugace de la joie. Costas, figure discrète, mais profondément humaine, devient le symbole d’une résistance intime : celle de préserver la tendresse au cœur même du chaos.


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Note : 4.5 sur 5.

20 août 2025 en salle | 2h 03min | Drame
De Penny Panayotopoulou | 
Par Penny Panayotopoulou, Kallia Papadaki
Avec Giannis Karampampas, Garoufalina Kontozou, Konstadinos Avarikiotis
Titre original Wishbone


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