Affaire criminelle retentissante : Jamila Belkacem, aide-soignante manipulatrice, empoisonne son amant Jacques Brunet en 1999 et tente, en 2003, de faire tuer son mari via sa fille. Jugée à Bourg-en-Bresse, Lyon et Saint-Étienne, un parcours glaçant mêlant mensonges, faux-semblants et crimes prémédités.
L’affaire Jamila Belkacem a marqué la chronique judiciaire française par sa noirceur et ses rebondissements dignes d’un polar. Aide-soignante au visage avenant, mais au tempérament manipulateur et mythomane, elle orchestre en février 1999 l’empoisonnement de son amant, Jacques Brunet, vétérinaire à Bourg-en-Bresse, homme très croyant et isolé depuis sa séparation, avant de mettre en scène un incendie pour maquiller le crime. Quatre ans plus tard, depuis sa cellule, où elle mène une grève de la faim après sa mise en examen, elle tente de faire assassiner son mari, René Maillard, qui sera ultérieurement mis hors de cause dans l’affaire Brunet, en manipulant sa propre fille aînée. Entre identités multiples, traumatismes d’enfance évoqués au procès (mort de sa mère, viol, enlèvement), mensonges savamment construits et manipulations affectives, cette affaire révèle un véritable engrenage criminel où l’avidité et le contrôle absolu dictent chaque geste.
L’affaire en quelques mots
Tout commence en 1995, lorsque Jamila Belkacem, alors séparée de corps de René Maillard, répond à l’annonce de Jacques Brunet, vétérinaire passionné de voile, vivant dans un petit appartement meublé sommairement et projetant l’achat d’un catamaran de Philippe Ebrard. Sous le nom de Myriam Maillard, elle tisse autour de lui un réseau de mensonges, inventant des liens familiaux fictifs et des maladies graves. Très vite, elle obtient son emprise totale sur lui. Le 26 février 1999, Brunet est retrouvé carbonisé chez lui. L’enquête, d’abord orientée vers un accident, mettra au jour un empoisonnement aux benzodiazépines et antidépresseurs, suivi d’un incendie volontaire avec quatre foyers distincts dépassant les 1 000 °C relevés par l’expert. Arrêtée, Jamila est condamnée en 2002 à 20 ans de prison, puis en appel, à 30 ans. En détention, elle orchestre la tentative d’empoisonnement de son mari via sa fille, entraînant un second procès qui lui vaudra la perpétuité en 2006.
Les grandes lignes
1. Rencontre et emprise sur Jacques Brunet
Séparée de corps depuis 1994, Jamila Belkacem croise la route de Jacques Brunet en répondant à son annonce. Elle se forge une identité de Myriam Maillard, infirmière, fille d’un architecte marocain, et invente des drames personnels. À René, elle présente Jacques comme un collègue mourant ; à Jacques, elle décrit René comme un demi-frère instable. Rapidement, Brunet, poète et amoureux transi, croyant pratiquant et déjà isolé socialement, tombe sous son influence. Il devient apathique, isolé, et perd toute motivation pour son rêve : un tour du monde en voilier sur le catamaran de Philippe Ebrard.
2. Mort suspecte et rebondissements
En février 1999, après un voyage en Angleterre, Brunet disparaît. Le 26, il est retrouvé carbonisé dans son lit, l’incendie semblant accidentel. Mais la famille et un expert en assurances doutent. L’enquête révèle plusieurs foyers d’incendie, quatre points d’origine avec températures supérieures à 1 000 °C, des traces d’essence et l’absence de suie dans les voies respiratoires : Jacques était déjà mort. L’autopsie décèle des doses toxiques de benzodiazépines et de doxépine. Les soupçons convergent vers Jamila. Dans la cave de Jamila, les enquêteurs découvrent l’ordinateur portable de Brunet, contenant des documents effacés dont des ordonnances falsifiées aux noms de Zina Rifi et René Mayer, ainsi que la fameuse lettre anonyme, retrouvée sur l’ordinateur de Brunet, l’incriminant.
3. Arrestation, premier procès et appel
Arrêtée en octobre 1999, Jamila nie et accuse René, rapidement mis hors de cause. Les preuves s’accumulent : virements de 500 000 francs sur ses comptes, faux chèques, ordonnances falsifiées. En 2002, à la cour d’assises de l’Ain à Bourg-en-Bresse, elle est condamnée à 20 ans. Défendue par André Buffard, Yanina Castelli et Jean Dubuis, elle fait appel. Mais lors de l’appel en 2003, à la cour d’assises de Lyon, coup de théâtre : un fax signé de René Maillard s’accuse du meurtre. René est retrouvé dans le coma, victime d’une tentative d’empoisonnement. Il survit et déclare n’avoir jamais écrit la lettre.
4. Tentative d’assassinat sur René Maillard
L’enquête démontre que Jamila, depuis sa prison, a manipulé sa fille aînée Donia et une amie, Sihame Maziz, pour empoisonner René avec les mêmes antidépresseurs que ceux utilisés sur Brunet. Donia, âgée de 17 ans au moment des faits, était jugée devant la cour d’assises des mineurs. Sept transmissions de médicaments pilés sont prouvées. Donia, sous pression, tente à deux reprises, puis prépare un flan au chocolat piégé. René en mange partiellement et survit. La lettre falsifiée ayant servi au coup de théâtre du procès avait été inspirée par un livre sur l’affaire Robert Boulin. La scène est complétée par un réchaud à gaz allumé près de lui.
5. Condamnations finales
En 2003, Jamila est condamnée à 30 ans pour le meurtre de Brunet. En 2006, à la cour d’assises des mineurs du Rhône puis, en appel, à celle de la Loire à Saint-Étienne, au procès pour la tentative sur René, elle écope de la perpétuité avec 22 ans de sûreté. Donia prend 5 ans, dont 4 fermes, et Sihame 12 ans. Donia était défendue par Frédéric Mortimore, Sihame par Alain Jakubowicz, et Jamila par Laurent Gaudon, Gilles Aubert et Gilbert Collard. En appel, les peines sont confirmées. Les expertises psychiatriques décrivent une femme manipulatrice, narcissique, et une mère à l’emprise pathologique sur sa fille. Cette affaire, mêlant empoisonnements, faux documents et manipulations affectives, reste l’un des dossiers criminels les plus marquants des années 2000.
L’affaire Jamila Belkacem dépasse le simple fait divers pour devenir une étude de cas sur la manipulation et l’obsession du contrôle. Derrière les mensonges, les identités inventées et les mises en scène, se cache une logique froide : éliminer ceux qui gênent ou contrarient ses plans, tout en exploitant les plus proches pour servir ses desseins. Jacques Brunet, amoureux aveugle, croyant et vulnérable, et René Maillard, mari séparé, en furent les principales cibles. Mais c’est l’implication de sa propre fille dans un crime qui donne à cette histoire toute sa dimension glaçante. Vingt ans après, l’affaire reste un rappel troublant que la criminalité peut se tisser dans l’intimité la plus banale.
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