Interview interdite : Mercredi Addams, l’originale


Mercredi Addams nous accorde une interview exclusive, entre humour noir, critique du monde moderne et rejet des paillettes. De Netflix à Charles Addams, elle remonte aux sources pour rétablir la vérité. Froid, tranchant, lucide… et sans filtre.

Le principe de l’interview interdite repose sur une rencontre imaginaire, mais rigoureusement documentée, avec une figure iconique de l’Histoire ou de la fiction. Chaque personnage, conscient de son époque, de son passé et du monde actuel, répond à des questions dans un style fidèle à son rang, son époque et sa pensée. À travers ces échanges, Direct-Actu propose une réflexion originale sur la société, les symboles et la mémoire collective. Un format unique où Marie-Antoinette et Superman peuvent dialoguer avec notre monde sans trahir ce qu’ils sont.

🕷️ Avant d’être une adolescente gothique sur Netflix, Mercredi Addams est née de la plume acide de Charles Addams, caricaturiste du New Yorker, en 1938. Personnage sans prénom dans les dessins originaux, elle devient « Wednesday » en 1964 lors de la toute première adaptation télévisée. Vêtue de noir, coiffée de deux nattes et munie d’un regard impénétrable, elle incarne rapidement l’envers du rêve américain : celui d’une famille un peu trop à l’aise avec la mort, l’étrangeté et le rejet des normes sociales.

Dans les années 90, Christina Ricci lui donne une intensité culte, et la France la découvre via M6. Depuis, chaque génération tente de s’approprier cette icône du contre-courant : gothique, féministe, parfois queer, souvent mal interprétée. Pourtant, derrière l’effet de mode, demeure une figure radicale : une enfant lucide, cynique, et surtout libre. Cette interview interdite nous offre un tête-à-tête avec la version originale — celle qui n’a jamais cherché à plaire, ni à se conformer. Et qui, aujourd’hui encore, préfère les couteaux aux likes.

Nouvelle saison disponible sur Netflix

🕯️ Attention, cette interview a été réalisée dans un manoir où les rideaux ne s’ouvrent jamais, et où la joie est considérée comme une maladie honteuse. Toute ressemblance avec la lumière du jour serait purement fortuite.


1. Présentez-vous, et comment êtes-vous arrivée dans la culture populaire ?

Je suis Mercredi Addams. Humaine par erreur, gothique par évidence. J’ai été projetée dans la culture populaire un mercredi matin, évidemment, quelque part entre une expérience d’électrocution de mon frère et une lecture de L’Anatomie de la cruauté chez les rongeurs. Je suis devenue une icône sans sourire : ça rassure les gens. Ils aiment les monstres tant qu’ils sont bien habillés.

2. Doit-on dire Mercredi ou Wednesday ?

Cela dépend. Wednesday me va très bien quand je pratique le vaudou en anglais. Mercredi, c’est pour les tortures affectueuses en famille, les repas sans légumes, et les visites à la morgue. Mais dans tous les cas, je ne réponds qu’à la voix intérieure qui me dit de ne pas te faire confiance.

3. Comment vivez-vous l’actualité avec l’arrivée sur le devant de la scène de la nouvelle saison de Mercredi ? Le multivers vous a donné l’occasion de revivre des heures de gloire…

Le multivers, c’est comme un miroir déformant. On y entre, on s’y perd, et on découvre qu’on est devenue tendance sur TikTok. Charmant. Mais je me méfie de la lumière bleue, elle donne de l’espoir. L’actualité ? Je la vis comme un embaumement lent : on m’applaudit, on me transforme en merchandising, mais au fond, je suis toujours celle qui noircit le tableau. Littéralement.

4. Votre actrice préférée ayant incarné Mercredi ?

Toutes celles qui n’ont pas cherché à me rendre aimable. Christina Ricci m’a laissée glacer les cœurs sans plaidoyer. Jenna Ortega ? Elle danse bien, mais elle boit du café. Une faiblesse humaine que je ne partage pas.

5. La Chose a-t-elle retrouvé son corps ?

Il le cherche encore. Il a essayé Tinder. Résultat : trois râteaux, un rendez-vous avec un gant en latex, et une bagarre avec une prothèse intelligente. Mais ne t’en fais pas pour lui, il bat toujours des doigts avec fierté.

6. Vous êtes l’essence de l’anti-conformisme, et votre famille celle des outils sidérés par excellence — mais quand même plus conformiste que vous. Ce n’est pas compliqué de voir la vie en noir, du moins sans édulcorant ?

La vie, je la vois comme elle est : crue, froide et absurde. Le noir, ce n’est pas un filtre, c’est une lucidité. Les autres s’accrochent à l’illusion sucrée. Moi, je suis là pour rappeler que tout cela finit mal. Mais dans une belle mise en scène, avec chandeliers et clavecin.

7. L’univers Addams a connu mille réinventions : série Netflix, animation, caméos… Est-ce que cela ne finit pas par ressembler à un sabbat commercial plutôt qu’à un culte familial ?

Tout sabbat a ses démons. Le problème n’est pas la réinvention, c’est la dilution. À force de me redessiner, ils finiront par me mettre des paillettes. Or je ne brille qu’en lumière noire. Ma famille est un culte, pas un produit dérivé. Mais si ça peut financer des pièges à influenceurs, pourquoi pas.

8. Vos origines remontent à Charles Addams, dessinateur au trait cruel mais élégant. Que pensez-vous de la manière dont votre essence a été transformée au fil des décennies ?

Charles m’a dessinée comme une énigme en jupe noire. Je suis née dans l’ombre d’un trait d’encre. Depuis, ils essaient de me donner des émotions. Une erreur. Je préfère l’ambiguïté à l’émotion, la suggestion à la confession. Mon essence n’a pas été diluée : elle a été exposée à la lumière, et elle a failli disparaître.

9. En France, on vous a découverte sur M6 à la fin des années 80, bien avant que Netflix ne repeigne votre chambre. Que pensez-vous de cette première réception, entre fascination gothique discrète et culte du décalé en plein boom de la télévision privée ?

Les Français ont ce don étrange : ils rient de ce qui les effraie. M6 m’a traitée comme une étrangeté sympathique, un peu comme un corbeau dans une cage à perruches. Ils n’ont pas tout compris, mais ils ont aimé les silences. Et c’est déjà beaucoup.

10. Aux États-Unis, vous êtes devenue un symbole pour toute une génération de jeunes filles en marge. Avez-vous conscience d’être une muse gothique, ou préférez-vous qu’on vous considère comme un avertissement ?

Une muse ? Non. Un avertissement, peut-être. Je suis ce qui arrive quand on écoute trop longtemps sa solitude. Si certaines s’inspirent de moi pour survivre au monde rose bonbon qu’on leur impose, tant mieux. Mais je ne suis pas un modèle. Je suis un miroir sans reflet.

11. En pleine ère de réécriture inclusive et de relecture des mythes, certains veulent faire de vous une icône queer, féministe, anticapitaliste… Cela vous inspire-t-il ou vous donne-t-il simplement envie d’aiguiser votre guillotine miniature ?

Je n’ai jamais demandé de drapeau. Ni pour moi, ni contre moi. L’étiquette me gratte. Mais si ces causes trouvent en moi un symbole, qu’elles prennent. Je suis noire, tranchante, lucide : cela suffit à faire trembler les normopathes. Et au fond, c’est peut-être ça, le plus politique.


🦇 Bonus — Une dernière pour la crypte :

Les gens font comme s’ils vous comprenaient et vous rendent « cool », pourtant — tout comme The Crow ou Lestat dans La Reine des Damnés — votre trait de personnalité n’a rien de cool, en réalité.

C’est exact. Je ne suis pas « cool », je suis froidement fonctionnelle. Je ne suis pas là pour inspirer des looks ou des TikToks. Je suis ce qui reste quand on a cessé de faire semblant. Ceux qui me trouvent glamour ne m’ont pas comprise. The Crow, Lestat, moi… nous sommes des orphelins de l’espoir. Pas des figures de style. Ce n’est pas parce que je porte du noir que je suis tendance, c’est parce que je suis en deuil — constant — de l’intelligence collective.


🖤 Interview menée sans sourire, à la lueur d’un chandelier en os. Toute tentative d’optimisme a été enterrée au fond du jardin, près de l’ex-maître d’école de Mercredi.


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