À l’occasion du 80ᵉ anniversaire d’Hiroshima, Touch – Nos étreintes passées réveille la mémoire des amours impossibles et des blessures enfouies. Un film pudique et bouleversant, qui relie passé et présent à travers une histoire d’amour marquée par l’Histoire.
On commémore actuellement le 80ᵉ anniversaire du bombardement d’Hiroshima, et ce film a une résonance particulière. Touch – Nos étreintes passées de Baltasar Kormákur, sans jamais nommer explicitement le drame, en ravive les échos les plus intimes à travers l’histoire d’un amour empêché. À travers le parcours de Miko, le film évoque les blessures invisibles laissées par la bombe, l’exclusion des survivants et de leurs descendants, et l’impossible insouciance amoureuse dans une société encore marquée par la honte et le silence. Alors que les tensions nucléaires mondiales se ravivent, ce récit pudique nous rappelle que certaines douleurs traversent les générations, et que la flamme d’Hiroshima reste plus que jamais vivante.
Un film poétique, dont la musicalité bouleverse sans en mettre plein les yeux, juste de l’Amour dans un monde dans lequel nous n’arrivons plus à comprendre l’autre.
Touch – Nos étreintes passées de Baltasar Kormákur est bien plus qu’un film sur un amour perdu. Derrière la quête bouleversante de Kristófer, vieil homme islandais en recherche de son premier amour, se cache une autre histoire : celle des cicatrices invisibles d’Hiroshima. Le récit, pudique et profond, réveille la mémoire de celles et ceux que la bombe a laissés derrière. À travers Miko, le film donne un visage à ces victimes secondaires, souvent oubliées : les enfants, les familles, les descendants marqués à jamais par une tragédie que le monde a tenté de refermer trop vite.
Le choix de Hiroshima comme décor final n’est pas anodin. Baltasar Kormákur l’explique lui-même dans le dossier de presse : « Tourner à Hiroshima fut une expérience bouleversante. Il est consternant de voir que l’humanité envisage encore l’usage de telles armes, lorsque l’on sait comment tout cela a fini ici. » Cette phrase résonne avec une actualité brûlante : entre tensions internationales croissantes et relance des arsenaux nucléaires, l’ombre de l’apocalypse plane de nouveau sur notre époque. La flamme éternelle d’Hiroshima, qui brûle encore aujourd’hui, est là pour nous rappeler que l’Histoire peut se répéter — surtout quand la mémoire faiblit.
Mais Touch ne déploie jamais un discours frontal. Le film glisse l’Histoire en filigrane, comme ces silences entre deux personnages qui en disent long. Miko, interprétée avec retenue par Kōki, est une femme marquée par son passé, par l’exil, par le poids de ses origines dans une société où l’on pardonne difficilement. Le Royaume-Uni des années 70, où elle tente de vivre librement, reste hostile aux Japonais. Cette hostilité, héritée de la Seconde Guerre mondiale, renforce l’exclusion de Miko. Son histoire avec Kristófer se heurte aux conventions, à la méfiance sociale, à une douleur sourde jamais explicitée mais toujours présente. Les enfants d’Hiroshima, même à l’autre bout du monde, portaient un stigmate. Et avec eux, l’impossibilité d’un amour pleinement assumé.
Là où Touch bouleverse, c’est dans sa capacité à suggérer. Aucun discours politique, aucune image d’archives : seulement des regards, des silences, des non-dits. C’est dans le visage de Miko que l’on devine la honte, la douleur transmise. C’est dans le choix de vivre cachée, de ne jamais renouer, que l’on comprend l’impossibilité d’aimer quand on porte en soi le poids d’un traumatisme collectif. Le film rend hommage à toutes ces femmes japonaises que l’Histoire a oubliées, celles qui ont aimé, mais qui n’ont jamais pu choisir. Celles pour qui l’amour était un luxe, une dissonance dans un monde encore dévasté.
Kristófer, lui, revient sur les lieux cinquante ans plus tard. Il n’est pas question pour lui de réparer — car l’irréparable est déjà fait. Il vient chercher un sens. Une paix. Il incarne cette génération d’après-guerre, héritière des silences familiaux, des erreurs passées, des amours sacrifiés. En cherchant Miko, il cherche aussi la mémoire. Celle de leur histoire, bien sûr, mais aussi celle d’un monde que le temps voudrait faire oublier.
Dans les années 1950–80, les Hibakusha ont souvent été victimes d’exclusion, soupçonnés d’être contagieux ou de transmettre des malformations à leurs enfants. Écartés des mariages, du travail et des cercles sociaux, ils vivaient dans un mutisme imposé : on les appelait parfois les « fantômes brûlés », sans jamais prononcer le mot “bombe”. 被爆者 (Hibakusha, littéralement « personnes exposées à la bombe » — un terme pour lequel il n’existe pas d’équivalent exact en français), ils portaient dans leur chair les stigmates de l’horreur, mais aussi le poids d’une honte injuste. Leur souffrance, longtemps tue, commence à être reconnue, mais l’ombre de l’exclusion plane encore dans les mémoires.
Le contexte international, aujourd’hui, donne à Touch une portée nouvelle. À l’heure où les tensions nucléaires s’intensifient, où les discours belliqueux reviennent, le film rappelle combien les conséquences peuvent marquer les corps et les cœurs pour des générations entières. Il rappelle qu’un amour impossible peut parfois être le reflet d’un monde malade, incapable de guérir de ses blessures.
Touch – Nos étreintes passées n’est pas un cri, mais un murmure. Un murmure qui traverse le temps, les frontières, et qui nous rappelle que derrière chaque étreinte manquée, chaque histoire inachevée, il y a souvent une tragédie collective que l’on n’a jamais vraiment su raconter. La flamme d’Hiroshima, elle, continue de brûler. Et tant que des films comme Touch existeront, elle ne s’éteindra pas.
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