Sam fait plus rire (I Used to Be Funny) : quand le rire ne suffit plus !


Une ancienne baby-sitter traumatisée replonge dans son passé lorsqu’une adolescente disparue réapparaît. Sam fait plus rire explore les cicatrices invisibles de la jeunesse, à travers l’humour, le stand-up et une quête de réparation aussi intime que générationnelle.

Avec Sam fait plus rire, on plonge dans une Amérique de l’après. Après le stand-up, après l’enfance, après le trauma. La réalisatrice Ally Pankiw signe une œuvre vibrante sur le mal-être d’une génération, prise entre revendications identitaires et pressions sociales étouffantes. Le film capte à la fois la fragilité et la violence contenue dans les silences, les regards et les vannes trop bien rodées. La caméra ne cherche pas à tout expliquer : elle accompagne, elle observe, elle soutient une héroïne brisée qui n’arrive plus à avancer. Loin des clichés de la comédie adolescente ou du feel-good sur la résilience, Sam fait plus rire mise sur la justesse, l’ambiguïté, et une forme de tendresse douloureuse.

Sam fait plus rire

Une histoire de transition entre l’adolescence et l’âge adulte

L’adolescence et la transition à l’âge adulte sont deux périodes plus ou moins compliquées.
Le film utilise en fond l’humour des femmes dans le stand up comme questionnement, faut-il rire de tout ? Peut-on dissocier une blague d’une position réelle du comique. Faire rire est une mise en danger de soi, car notre société est de plus en plus réactionnaire : homophobie, racisme, pro LGBT, anti-immigration… Il devient rapidement compliqué de faire rire sans heurter quelqu’un. Utiliser la dérision sur le sexe et ses pratiques mène parfois à une confusion des autres sur nous-même.

Le film pose aussi la grande question de l’après, comment peut-on construire une vie d’adulte sur une enfance instable et minée par des traumatismes ?

Cette question traverse chaque scène comme une brûlure sourde. Peut-on faire le deuil d’une version de soi-même que personne n’a protégée ? Peut-on être aimée sans avoir été construite ? La protagoniste erre dans un monde où les repères éducatifs, familiaux ou affectifs se sont effondrés, et c’est à travers le regard d’une ado perdue qu’elle retrouve l’écho de sa propre douleur. Sam fait plus rire ne propose ni solution, ni réponse facile. Il montre la violence silencieuse que l’on porte quand tout a vacillé trop tôt. Et à travers cette douleur, la possibilité ténue de reconstruire.

Sam fait plus rire, une histoire qui raconte la reconstruction après un traumatisme.

L’héroïne en plein TSPT (Trouble de stress post-traumatique) n’arrive pas à remonter la pente et retrouver Brooke, une ado disparue qu’elle a gardée, revient à revivre le chemin de cette cassure jusqu’à trouver comment atteindre la lumière. Le film installe cette tension entre passé et présent, entre refoulement et aveu. Brooke agit comme un miroir, une faille temporelle et émotionnelle dans laquelle Sam est aspirée. Le récit avance entre malaise et tendresse, comme si chaque réplique pouvait à tout moment déraper ou sauver. Le spectateur devient complice d’une rédemption fragile, où chaque progrès s’accompagne d’une douleur.

Un film d’une justesse où personne n’en fait jamais trop !

Sam fait plus rire s’inspire de l’expérience du deuil, de la culpabilité, mais aussi des codes du stand-up pour interroger la cruauté de notre époque. Le scénario, écrit par Joanne Sarazen, ne cherche jamais à excuser ni à moraliser. Il expose. Et ce qu’il expose est sanglant. Une génération bercée aux vidéos de confession, mais incapable de se réparer. Un monde où le trauma devient matière à performance, où les émotions sont marchandisées sur scène, en ligne, partout. Brooke, l’ado disparue, devient le symbole de toutes celles qui n’ont jamais eu de voix, tandis que Sam incarne cette jeunesse d’aujourd’hui, lucide mais perdue, drôle mais éteinte, vivante mais fuyante. Le message derrière ce film est glaçant : grandir, c’est apprendre à vivre avec les dégâts sans jamais pouvoir les effacer.

Sam fait plus rire n’est pas un film sur la reconstruction, c’est un film sur l’impossibilité de revenir intacte. À travers une mise en scène pudique, des silences qui en disent long, et une tension sourde entre les scènes, Ally Pankiw signe une œuvre coup de poing sur les stigmates invisibles. Rien n’est démonstratif, tout est ressenti. C’est une œuvre à fleur de peau, portée par des actrices qui incarnent sans surjeu, et une mise en scène qui regarde sans juger. Un film nécessaire, parce qu’il dit ce que tant de jeunes femmes vivent sans pouvoir le formuler.

Quand le rire est politique et social

L’humour, dans Sam fait plus rire, n’est jamais gratuit. Il n’est pas là pour détendre, mais pour déstabiliser. Il grince, il racle, il expose les contradictions de notre époque. Derrière une punchline sur le sexe ou la marginalité, il y a une vie cabossée qui essaie de se faire entendre. Rire devient une stratégie de survie, une manière d’habiller la douleur pour qu’elle soit audible. Mais que se passe-t-il lorsque l’emballage ne suffit plus ? Lorsque ce qu’on veut dénoncer dépasse la scène, déborde dans le réel et vous dévore de l’intérieur ? Le film montre avec justesse que faire rire aujourd’hui, c’est s’exposer. S’exposer au malentendu, au rejet, à la censure des réseaux ou à la violence sociale.

Au siècle des Lumières, la fable et l’ironie étaient de rigueur, mais aujourd’hui l’humour a pris le relais. Car oui, l’humour peut être un outil politique. Dire ce qui dérange avec un bel emballage, c’est peut-être l’un des seuls moyens de faire bouger les lignes sans provoquer immédiatement la fermeture des esprits. Sam fait plus rire le comprend profondément : une vanne bien placée peut faire éclore un débat ou révéler un trauma. Dans la bouche de Sam, chaque blague devient un test. Va-t-on m’écouter ? Me croire ? Me juger ? Le stand-up n’est plus un art de scène, mais un combat. Celui d’une femme qui tente de se reconstruire en jetant la lumière sur ce qu’on préférerait taire. Le film rappelle, sans jamais l’imposer, que le rire est un miroir social. Et que parfois, ce qu’il reflète fait froid dans le dos.


English review

In I Used to Be Funny, a young stand-up comedian and former babysitter named Sam struggles with PTSD after a traumatic event. When Brooke, a teenage girl she once cared for, goes missing, Sam is forced to confront her past. The film blends raw emotion with dark humor, using the backdrop of female stand-up to explore boundaries: can we laugh at everything? What happens when humor becomes a shield, a trap, or a cry for help?

Ally Pankiw crafts a sensitive, unsettling portrait of a generation caught between self-expression and the weight of trauma. The film doesn’t moralize, it reveals. Through Sam’s fragmented memories and Brooke’s haunting absence, the story captures the difficulty of rebuilding yourself after being broken.

The tone remains subtle, never overacted, with a quietly powerful performance at its core. I Used to Be Funny is not a redemption story but a reflection on the impossibility of returning whole. It’s poignant, unsettling and necessary.

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Note : 4.5 sur 5.

30 juillet 2025 en salle | 1h 46min | Comédie, Drame
De Ally Pankiw | 
Par Ally Pankiw
Avec Rachel Sennott, Olga Petsa, Jason Jones
Titre original I Used to Be Funny


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