The Things You Kill – Un film bouleversant sur les non-dits, les fantômes familiaux et le combat intérieur


The Things You Kill nous plonge dans les racines d’une douleur familiale que l’on tente de fuir sans jamais y échapper totalement. Réalisé par Alireza Khatami, ce drame troublant ancré en Turquie mêle quête identitaire, conflit générationnel et souffle fantastique. Avec une mise en scène audacieuse, un duo d’acteurs intense et une symbolique subtile, le film interroge notre héritage émotionnel et la violence invisible qui se transmet de père en fils.


Turquie, famille et quête identitaire : une mémoire partagée

Entre Istanbul et les collines viticoles, la Turquie devient le théâtre d’un tiraillement intérieur. Ali, rentré au pays après des années passées aux États-Unis, découvre une nation à la croisée des cultures : un carrefour identitaire multiculturel, entre traditions enracinées et fascination pour l’Occident.

New York ou l’Europe y apparaissent comme des échos lointains de liberté, des espaces rêvés où étudier autre chose que les auteurs nationaux est possible. En retrouvant sa famille écrasée par la présence d’un père autoritaire, Ali se confronte à des blessures anciennes. Le cadre domestique devient alors le miroir de tensions politiques et psychologiques bien plus vastes. Ce retour aux origines ravive le conflit entre l’héritage et le choix de sa propre voie, où la maison familiale devient le champ de bataille entre mémoire, loyauté et désir d’émancipation.


Une intrusion du fantastique : entre cauchemar et révélation

Le film adopte une forme hybride, flirtant avec le fantastique sans jamais y sombrer pleinement. Le film dérive subtilement vers une atmosphère spectrale, où le père est plus qu’un homme : une ombre terrifiante qui ronge l’espoir. Ici, on ne demande pas « d’éteindre » la lumière, on ordonne de la tuer. Une nuance sémantique lourde de sens, presque rituelle, qui convoque le mal, les ténèbres, l’anéantissement de toute lumière intérieure.

La figure du père devient un fantôme au sens psychanalytique, un héritage traumatique qui hante les rêves. Car ce que vit Ali n’est pas qu’un retour au pays, mais un retour à l’inconscient, au désir refoulé de devenir père à son tour. Le cauchemar, incarnation de ses peurs profondes, incarne le tiraillement entre passé et avenir, entre ce que l’on veut fuir et ce que l’on risque de reproduire. La mise en scène épouse cette frontière floue entre les états mentaux et les réalités, au point que l’on ne sait plus ce qui est hallucination ou vérité. Un film-miroir, où chaque geste cache une blessure enfouie, et chaque silence résonne comme un cri.

Le titre The Things You Kill ne désigne pas seulement l’acte de tuer, mais évoque en profondeur les transformations intérieures nécessaires à la survie après un traumatisme. Dans une scène-clé, Ali enseigne à ses élèves que la racine arabe Rajam, liée au mot « tuer », signifie aussi « transformation ». Il s’agit donc de ce que l’on élimine en soi — douleurs, héritages toxiques, peurs, croyances — pour pouvoir avancer. Mais cette violence symbolique n’est jamais sans origine : le père d’Ali a lui-même été brisé par le sien. Derrière ce titre brutal se cache une réflexion sur la transmission, l’héritage émotionnel et la possibilité de renaissance par la lucidité.



Un casting d’exception et une direction artistique acérée

Le duo composé de Ekin Koç (Ali) et Hazar Ergüçlü (vue dans la série Le Protecteur sur Netflix) frappe juste. Leur alchimie à l’écran, faite de retenue, de tensions sous-jacentes et de non-dits, donne toute sa force au récit. Le réalisateur évoque notamment une scène de confession marquante, tournée dans une intimité quasi sacrée, qui reste comme l’un des plans les plus puissants de sa carrière.

Chaque acteur apporte ici une densité rare à son personnage, renforcée par une direction artistique léchée, où l’eau, les ombres et les silences construisent un univers onirique, à la fois brut et délicat. Le film ose, sans jamais tomber dans le démonstratif, préférant les frissons sous la peau aux éclats de voix.

 Ekin Koç (Ali) et Hazar Ergüçlü © Le Pacte  THE THINGS YOU KILL
Ekin Koç (Ali) et Hazar Ergüçlü © Le Pacte THE THINGS YOU KILL

Une œuvre viscérale et nécessaire

Avec The Things You Kill, Alireza Khatami signe un film aussi politique qu’intime. Il explore la violence héritée, le poids du patriarcat et la difficulté de se reconstruire sans renier ses racines. En mêlant drame familial, symbolique onirique et audace formelle, il offre une plongée vertigineuse dans nos contradictions les plus enfouies. Un film à la fois poignant et perturbant, où l’on entre les yeux ouverts… pour mieux affronter ses propres ténèbres.

_______

Note : 3.5 sur 5.

23 juillet 2025 en salle | 1h 53min | Drame
De Alireza Khatami | 
Par Alireza Khatami
Avec Ekin Koç, Erkan Kolçak Köstendil, Hazar Ergüçlü


En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Une réflexion sur “The Things You Kill – Un film bouleversant sur les non-dits, les fantômes familiaux et le combat intérieur

Un commentaire ça aide toujours !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.