De Smallville à Caen : quand les super-héros et fictions réenchantent la province


Pendant longtemps, Smallville, bourg fictif du Kansas d’où vient Clark Kent, n’était qu’un décor secondaire. Une carte postale aux accents poussiéreux qu’on quittait vite pour rejoindre Metropolis, la grande ville où tout se joue. Mais depuis les années 2000, quelque chose a changé. Et ce n’est pas qu’une question de cape ou de scénario.

English summary

For decades, Smallville was just a dusty postcard in Superman lore—a rural town quickly left behind for the glamour of Metropolis. But since the 2000s, something has shifted. With the Smallville TV series and now Superman & Lois, Clark Kent’s hometown becomes a central character. Smallville is no longer a backward village but a symbol of moral grounding and identity. This shift reflects a broader cultural trend: rural life is being revalued in fiction and real-life politics. Across the U.S., Canada, and France, shows like Un Si Grand Soleil or Demain Nous Appartient highlight the emotional richness and beauty of life outside big cities. Whether in Kansas or Caen, fiction embraces the charm of local life—proving that one can grow, love, and even save the world without leaving home.


Smallville : du trou perdu à la terre des valeurs

Dans les premières adaptations de Superman, notamment les films de Richard Donner (1978) ou la série Lois & Clark, Smallville est un lieu vague et lointain, inconnu du grand public. Lois Lane elle-même, journaliste urbaine par excellence, traite souvent Clark de “plouc du Kansas”. La ville est associée à l’ennui, au silence, à une vie étriquée — un monde qu’on quitte.

La logique est alors claire : Smallville est l’anti-Metropolis. Une origine rurale à oublier pour se construire dans la modernité, le danger, la grandeur.

Mais à partir des années 2000, tout s’inverse.


La série Smallville : retour aux racines

Quand la série Smallville débute en 2001, le ton change. Le Kansas devient un décor principal. On y reste. On y grandit. On y construit ses amitiés, ses drames, ses dilemmes moraux.

Clark Kent n’est plus simplement “issu de la campagne”, il est le produit d’une terre et de ses valeurs. Et même lorsque la série introduit Metropolis, la grande ville est à seulement 2–3 heures de route. On ne quitte plus Smallville, on y revient.

Ce glissement géographique, autrefois impensable, répond à une volonté narrative : celle de montrer que l’humanité de Superman ne vient pas de Krypton, ni de Metropolis, mais du cœur rural des États-Unis.


La revalorisation des campagnes : fiction et politique main dans la main

Ce changement n’est pas innocent. Il s’inscrit dans un contexte politique et social plus large : la reconquête des zones rurales dans les imaginaires collectifs.

En France comme au Canada ou aux États-Unis, les années 2000 marquent le début d’une recentralisation douce vers la périphérie :

  • Incitations à vivre hors des métropoles,
  • Bourses régionales pour attirer les étudiants,
  • Politiques de relocalisation post-Covid,
  • Réseaux TER et Intercités renforcés.

Dans ce contexte, les séries télé deviennent des alliées symboliques. Montrer qu’on peut vivre, aimer, grandir et même sauver le monde depuis une petite ville, c’est participer à la revalorisation de territoires trop souvent considérés comme « le reste ».


Superman & Lois : quand Metropolis devient le problème

La série Superman & Lois pousse encore plus loin cette inversion. Dès la première saison, le couple Kent quitte Metropolis pour s’installer définitivement à Smallville. Pourquoi ? Pour offrir une vie plus saine à leurs enfants, loin de la pression, des écrans, du tumulte.

La mégapole devient un lieu de stress et de mensonges. La vraie vie, les vraies valeurs, sont à Smallville. On n’est plus dans l’opposition ville/campagne, mais dans une forme de critique douce de l’urbanité toxique.


Smallville, Amiens, Caen : un même combat culturel ?

Ce glissement narratif fait écho à ce qui se passe aussi en France. Aujourd’hui, vivre à Amiens, Caen ou Bourges n’est plus synonyme de punition sociale. C’est parfois un choix de vie assumé, et les fictions, de Plus belle la vie à Un si grand soleil, jouent ce rôle de représentation.

Superman ne renie pas ses racines rurales. Il les revendique. Et si aujourd’hui, un héros peut venir d’un bourg agricole du Kansas, pourquoi pas d’un TER Paris–Chartres ?


Depuis quelques années, la région PACA est devenue le décor de prédilection des séries quotidiennes françaises. Montpellier, Sète, Marseille ou les environs de l’étang de Thau s’imposent comme de véritables personnages à part entière dans Un si grand soleil, Demain nous appartient, Ici tout commence ou encore Plus belle la vie. Chaque épisode est une invitation à la douceur de vivre du Sud : ruelles ensoleillées, terrasses en pierre claire, plages sauvages, pins parasols et marchés provençaux. Même les intrigues les plus sombres semblent baignées d’une lumière dorée, rendant la tragédie presque supportable sous un ciel bleu azur.

La tendance se renforce avec l’arrivée récente d’Un dos très à la française, mini-série quotidienne de TF1 diffusée avant Ici tout commence. Là encore, la mer, les cigales et la lumière du Sud deviennent une toile de fond magnifiée, presque touristique. Ces fictions donnent envie de quitter Paris, d’abandonner le métro pour aller humer l’air marin et marcher sur les digues. Ce n’est plus seulement de la télé, c’est une stratégie culturelle : redonner de l’attrait à des villes moyennes et à un mode de vie où le soleil est roi, et la vie… presque douce.


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