Slow, une histoire d’amour hors des sentiers battus


Avec SLOW, la réalisatrice Marija Kavtaradze nous offre une histoire d’amour à contretemps, où la sensualité s’efface devant l’intimité émotionnelle. Dans une époque qui érige la passion fulgurante en norme relationnelle, ce film ose ralentir, contempler, respirer. On y parle de désir, d’absence de désir, de la peur d’être incompris ou de blesser. Une œuvre rare, pudique et puissante, qui questionne nos manières d’aimer, de nous attacher et de nous révéler, sans jamais céder à la tentation du spectaculaire.

Elena, danseuse charismatique et solaire, rencontre Dovydas, interprète en langue des signes, lors d’un atelier en centre pour sourds. Leur connexion est immédiate, naturelle, presque évidente. Mais ce lien vacille lorsque Dovydas révèle son asexualité : il ne ressent aucun désir sexuel, pour personne. Ensemble, ils vont alors tenter de bâtir une relation singulière, où les normes habituelles ne suffisent plus. Entre tendresse, incompréhensions et tentative de dialogue, SLOW explore une autre manière de s’aimer — plus fragile, plus lente, mais tout aussi profonde.


Slow, une histoire d’amour pas comme les autres

Le point de départ de SLOW se situe précisément là où la plupart des récits amoureux s’arrêtent : lorsque le langage du désir ne suffit plus à traduire l’attachement. Marija Kavtaradze, jeune cinéaste lituanienne, s’empare avec finesse d’une problématique rarement représentée à l’écran — l’asexualité — pour mieux interroger nos attentes, nos rôles de genre et cette idée obsédante d’être désiré·e pour exister dans le regard de l’autre.

La réalisatrice confie avoir trouvé le titre SLOW en écoutant la chanson de Leonard Cohen du même nom. Ce morceau, qui parle de ralentir le rythme, d’accepter de ne pas se précipiter, devient le manifeste poétique de tout le film. La réalisatrice revendique une narration qui prend le temps de laisser naître les émotions, loin des scripts sociaux habituels où tout doit aller vite, s’enflammer vite, et parfois s’éteindre tout aussi brutalement. Elle signe ici une œuvre pleine d’humilité sur l’acceptation de soi et de l’autre.

Slow   © Salzgeber & Co. Medien GmbH
Slow © Salzgeber & Co. Medien GmbH

Le projet a nécessité un long travail de documentation : lectures, visionnage de contenus créés par des personnes asexuelles, discussions avec des concerné·es. Cette immersion sincère a permis de façonner un récit réaliste et touchant, sans jamais tomber dans la pédagogie froide. L’utilisation de la langue des signes comme premier lien entre Elena et Dovydas apporte une dimension physique et symbolique forte. Dans cette langue visuelle, directe et intuitive, le film ancre une relation qui, paradoxalement, peine à se dire dans les mots.

La danse, omniprésente, devient alors le miroir de cette tension. Elena, danseuse professionnelle, incarne la pulsion du corps, du mouvement, du regard de l’autre. Dovydas, lui, incarne la pudeur, la lenteur, la tendresse désarmée. C’est précisément dans ce décalage que se niche la beauté du film. En tant que femme et réalisatrice, Marija refuse le voyeurisme. Elle filme l’intimité avec bienveillance, en cherchant toujours l’émotion avant la démonstration.

Slow n’est donc pas un manifeste. C’est une proposition. Une exploration délicate de ce que signifie aimer, dans un monde où la norme ne laisse que peu de place à ceux qui ne ressentent pas « comme tout le monde ».


Duo à l’écran : une intensité à fleur de peau

La force de SLOW repose sur l’interprétation sensible et nuancée de Greta Grinevičiūtė (Elena) et Kęstutis Cicėnas (Dovydas). Leur alchimie à l’écran est une évidence, mais c’est surtout leur capacité à traduire le non-dit, le malaise, les élans contrariés, qui confère au film toute sa densité émotionnelle.

Dès les premières scènes, la complicité entre les personnages jaillit d’un regard, d’un sourire, d’un geste maladroit. Mais au fil de l’histoire, la douceur se teinte d’ambiguïtés. Elena, ancrée dans son besoin d’expression corporelle, se heurte à un mur invisible : celui du désir absent. Dovydas, quant à lui, avance avec prudence, lucidité, et une immense tendresse — mais sans jamais pouvoir offrir ce que la société attend d’un partenaire amoureux.

Slow   © Salzgeber & Co. Medien GmbH
Slow © Salzgeber & Co. Medien GmbH

La réalisatrice filme cette tension croissante avec une délicatesse rare. Les scènes d’intimité ne cherchent pas l’érotisme, mais captent l’émotion d’un frôlement, la douleur d’un éloignement, l’insistance d’un regard blessé. Ce sont des scènes habitées, vibrantes, où la chorégraphie des corps devient celle de l’acceptation et du renoncement.

Elena oscille entre fascination et frustration. Elle veut comprendre, elle veut aimer sans condition, mais se heurte à ses propres limites, à son besoin d’être désirée, physiquement, charnellement. Et c’est là toute la finesse du jeu de Greta Grinevičiūtė : elle parvient à incarner cette ambivalence sans jamais tomber dans le pathos ni dans l’accusation. Son regard trahit souvent plus que ses mots.

Kęstutis Cicėnas, de son côté, joue tout en retenue. Il habite son personnage avec une sincérité désarmante. Dovydas ne cherche ni à convaincre ni à se justifier. Il est tel qu’il est, et c’est cette honnêteté qui rend son personnage profondément touchant. Son absence de désir n’est pas un rejet. C’est une autre manière d’aimer, plus calme, plus enveloppante.

À mesure que leur relation avance, le spectateur ressent avec eux le tiraillement d’une affection sincère bridée par l’inadéquation de leurs attentes. C’est le cœur même du film : l’amour peut-il suffire quand les corps ne parlent pas le même langage ?

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Note : 5 sur 5.

6 août 2025 en salle | 1h 48min | Drame
De Marija Kavtaradze | 
Par Marija Kavtaradze
Avec Greta Grineviciute, Kęstutis Cicėnas, Pijus Ganusauskas

Slow, l’amour ce n’est pas que le sexe, ce sont les sentiments aussi

Les Asexuels et demi sexuels, ces objets de curiosités vivant sur un autre temps, une autre mélodie. Entre sentiment et atypisme, le film montre avec justesse la complexité à révéler à quelqu’un cette orientation sexuelle particulière.

La mise en image de Slow offre avec justesse le dogme que les sentiments amoureux sont détachés du désir purement pulsionnel, où l’acte n’est que physiologique et mécanique. 

L’acte sexuel devient donc un moyen détourné de prouver à l’autre quelque chose comme son attachement, mais cela ne se fait jamais sans embuche ; le fossé entre le désir écrasant de l’un et le désarroi de l’autre grandit aux rythmes des incompréhensions et des frustrations.

Le film dévoile la complexité d’être pleinement heureux avec quelqu’un ne pouvant pas donner quelque chose. On a peur que l’autre se force, que l’autre ne comprenne pas ce grand vide. Le film explore l’asexualité, mais la demi sexualité est également un sujet intéressant, bien souvent, elle déboussole tout autant. Le demi sexuel se heurte à une société dans laquelle tout va très vite, mais lui a besoin de connaitre l’autre, de tisser des liens très profonds pour éprouver du désir.


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