In the Summers – Un été, mille fragments


Entre chaleur et chaos, In the Summers brosse le portrait d’un père en lutte contre ses propres démons et de deux filles qui tentent de préserver la magie d’un lien fragile. Quatre étés, quatre âges de la vie, pour raconter l’amour imparfait, les absences trop longues et les retrouvailles teintées d’espoir. Alessandra Lacorazza signe un premier film bouleversant, à la fois intime et universel, porté par une justesse rare et une approche sensorielle qui fait vibrer chaque silence.


Une chronique douce-amère sur l’amour paternel, l’oubli, et les retrouvailles manquées

Il est des films comme des souvenirs d’enfance : imprécis, tendres et douloureux. In the Summers d’Alessandra Lacorazza est de ceux-là. Un récit en quatre temps, comme quatre étés, quatre bouffées de chaleur mêlées de poussière, d’attente et de silences. Prix du jury et prix de la mise en scène à Sundance, ce premier long-métrage frappe par sa justesse autant que par sa retenue.


Un casting habité pour une histoire universelle

Au cœur du film : Vicente, un père abîmé mais aimant, interprété par René “Residente” Pérez Joglar, que l’on découvre ici pour la première fois en acteur. Face à lui, ses filles, Violeta et Eva, incarnées à différents âges par Dreya Castillo, Kimaya Thais Limon, Lío Mehiel, ainsi que Luciana Quiñonez, Allison Salinas et Sasha Calle. Le récit s’étire sur quatre étés où les retrouvailles paternelles deviennent un rituel fragile, suspendu entre promesse et désillusion.

Chaque été dévoile un visage de Vicente : parfois solaire, souvent imprévisible, toujours en lutte. Derrière l’homme tatoué, un cœur tendre, une douleur diffuse, une addiction rampante. La cinéaste structure son récit en chapitres saisonniers, sans lien apparent entre eux, mais avec cette logique implacable de la mémoire : on retient les jours de chaleur, les rires, les déceptions… et les silences.

In the summers © Wayna Pitch
In the summers © Wayna Pitch

Un père voulant faire de son mieux avec ses filles, instaurer la communication et surtout ne pas ressembler à la norme, car c’est chiant.

Cependant, la vérité des drames du quotidien est fracassante et ramèneront toujours le outsider à ses propres failles et limite.

Un peu comme Bad Seasons chanté par Jon Norris, la vie est compliquée, car on ne cesse de vouloir mieux, niant parfois la simplicité de nos bonheurs éphémères. Il faut se donner, s’accrocher et savourer l’instant. Un drame humain et universel où l’amour, le partage et la complexité de la paternité sont affrontés de manière frontale et sans mensonge.


Un film sur un père aimant, un père détruit et quelqu’un qui veut apporter le meilleur à ses deux filles, mais la tristesse le ramène sans cesse à ses pires démons.

On sent chez Vicente un désir profond de bien faire, un instinct paternel que le réel vient brutalement heurter. Dans ses tentatives d’être un bon père, il y a la maladresse de ceux qui ont grandi seuls, cabossés, avec l’illusion qu’aimer suffit. L’amour ne comble pas tout. Il faut du temps, de la constance, et parfois du silence. Ce que Vicente offre en éclats de tendresse, il l’ôte en absences longues, en gestes impulsifs, en rechutes muettes.

C’est un homme complexe que la cinéaste filme, ni monstre ni héros. Juste un être humain face à ses limites. Et c’est dans ce regard nuancé que le film touche au plus vrai : celui de l’imperfection. Il ne s’agit pas d’excuser, mais de comprendre. Pas de condamner, mais d’écouter. Le film ne cherche pas la rédemption, mais une forme d’acceptation.


Une conclusion sans fard : aimer ne suffit pas, mais c’est déjà ça

In the Summers ne hurle pas. Il murmure. Et dans ses silences, il dit beaucoup : sur les liens familiaux fragiles, les efforts invisibles, les promesses brisées mais jamais totalement vaines. C’est un film qui ne juge pas, mais qui interroge. Et surtout, qui rappelle que parfois, malgré les ratés, malgré les douleurs, aimer reste un acte de bravoure. Même lorsqu’on échoue.

Au-delà de son sujet central, In the Summers aborde en creux des thématiques rarement réunies avec autant de pudeur et de densité : le rapport au corps, le temps, et la maison comme mémoire vivante. On pourrait presque parler d’un film sur les lieux, autant que sur les gens. Car ici, chaque pièce, chaque recoin de la maison paternelle devient témoin silencieux de l’enfance, puis de l’adolescence, enfin de l’éloignement. La réalisatrice, issue du montage, accorde une importance capitale à ces espaces intimes. Elle demande même à ses comédiens d’entrer seuls dans la maison, à différents âges, pour en capter les vibrations, comme s’il s’agissait de sentir les fantômes de leurs propres souvenirs.

In the summers © Wayna Pitch
In the summers © Wayna Pitch

Autre point rarement traité avec autant de finesse : la question de l’identité queer dans une cellule familiale traditionnelle latino. Sans en faire un axe revendicatif, In the Summers montre une Violeta qui se cherche, puis s’affirme. Son évolution, marquée entre autres par une scène symbolique de coupe de cheveux, ne vient jamais rompre la dynamique du film, mais l’enrichir discrètement. C’est précisément là que réside l’intelligence d’Alessandra Lacorazza : ne pas faire de l’identité un « sujet », mais une texture du réel. On la perçoit comme on sent un changement d’air, pas comme un slogan.

Enfin, il faut souligner la direction d’acteurs, qui frôle par moment l’épure documentaire. Il est rare qu’un premier film sache capter avec autant de justesse le jeu des très jeunes interprètes, sans les enfermer dans un rôle figé. À travers la progression de Violeta et Eva, ce sont aussi des questions de transmission, de résilience, et d’oubli qui se jouent : que garde-t-on de nos parents, que rejette-t-on, et que finit-on par leur ressembler malgré nous ?

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Note : 4.5 sur 5.

9 juillet 2025 en salle | 1h 38min | Drame
De Alessandra Lacorazza | 
Par Alessandra Lacorazza
Avec Residente, Sasha Calle, Lio Mehiel

Deux choses à savoir sur In the Summers

1. Un regard inédit sur la paternité latino-américaine et queer
Alessandra Lacorazza ne livre pas ici un simple portrait familial : elle insuffle une vision profondément personnelle et sociétale. Son choix de casting reflète une volonté de visibilité des identités queer et latino-américaines, dans toute leur complexité. En montrant un père « macho » au premier abord, mais infiniment sensible, le film bouscule les clichés. Et à travers les yeux de ses filles, la cinéaste explore cette ambivalence, où l’amour filial se heurte aux blessures générationnelles.

2. Une construction narrative subtile et sensorielle
Découpé en quatre étés, le film refuse la linéarité classique. Entre deux étés, les filles grandissent, changent, oublient, ou tentent de se souvenir. La caméra ne filme pas les transitions : elle filme les absences, ce qu’il reste une fois la saison finie. Ce choix de narration rappelle la mémoire : on ne garde que des instants, des flashs, des ambiances. Et c’est là toute la poésie de In the Summers : faire de l’éphémère un langage. Soulignons aussi l’importance du travail sensoriel : la lumière chaude, les sons d’ambiance, la musique subtile d’Eduardo Cabra, tout contribue à créer cette sensation de réel, presque vécu.

In the summers © Wayna Pitch
In the summers © Wayna Pitch


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