En Provence, les champs de lavande ne cachent pas que des cigales. Parfois, ils gardent le secret d’une fracture intime, d’un regard tourné vers l’inexplicable. Valensole 1965 revient sur l’un des cas d’OVNI les plus troublants de France, en s’ancrant dans le réel pour mieux en dévoiler les failles poétiques. Dominique Filhol ne livre pas un film de science-fiction, mais bien le portrait d’un homme foudroyé par une expérience qu’il ne sait ni nommer, ni partager. Une œuvre à la fois sensible, ancrée et troublante.
L’histoire derrière la fiction
Maurice Masse est un paysan sans histoire. En cet été 1965, dans le décor paisible de Valensole, il va vivre un événement qui bouleversera non seulement sa vie, mais aussi celle de son village. À l’aube, alors qu’il inspecte son champ de lavande, il aperçoit une forme étrange posée au sol. À côté, deux êtres. Le contact est silencieux, déroutant. Il se retrouve paralysé, témoin impuissant d’un départ fulgurant qui laisse derrière lui des traces indélébiles, aussi bien dans la terre que dans sa mémoire.
Ce que le film Valensole 1965 donne à voir, ce n’est pas tant une rencontre du troisième type que la façon dont cette rencontre fracasse l’humain. Maurice, d’un naturel joyeux et respecté, devient peu à peu une énigme, un cas, un homme à part. Le scénario coécrit par Dominique Filhol et Édouard Blanchot creuse moins le spectaculaire que le silence, l’isolement, le poids du regard des autres.
Les archives, les récits de villageois, les témoignages de sa fille et des anciens, tout a nourri ce long métrage profondément ancré dans le réel. L’image signée Athys de Galzain transcende les décors : ici, la Provence devient à la fois carte postale et territoire métaphysique. Le montage sobre de Julia Huteau-Mouglalis laisse respirer l’espace, les silences, les non-dits. La musique de Mark Yaeger, tout en retenue, accompagne cette traversée intérieure.

Notre avis : Un film qui est à la fois poétique et dur, on voit la vie d’un homme se fracturée, devenir une curiosité ou bien considéré comme un affabulateur.
Les paysages sont beaux, l’ambiance est prenante, on a un film qui est dans un jus tenace et le générique avec les images d’archives apporte du poids à la reconstitution.
La France et les rencontres extra-terrestres
L’affaire de Valensole est l’un des cas les plus emblématiques de l’ufologie française. À l’époque, la gendarmerie établit un procès-verbal précis. Le CNES via le GEIPAN classera l’affaire parmi les plus sérieuses jamais enregistrées sur le sol français. Ce qui frappe, c’est moins l’étrangeté que la constance : le témoin ne s’est jamais contredit, n’a jamais voulu tirer profit de ce qu’il a vécu. Il a même fui la médiatisation, ce qui renforce la solidité de son récit.
Dans l’interview intégrée au dossier de presse, le réalisateur insiste : Maurice Masse n’est pas un excentrique. Il est ce qu’on appelle un homme fiable. Résistant pendant la guerre, homme de terre et de parole. Le traitement médiatique à l’époque est brutal, envahissant. La rumeur se propage, les journalistes affluent, les touristes aussi. Le café du coin devient une annexe de salle de presse improvisée. Et dans cette effervescence, l’homme reste seul, muré dans un silence douloureux.
Ce que le réalisateur rappelle avec justesse, c’est que les phénomènes de type OVNI ne touchent pas une classe sociale ou une région en particulier. Ils surgissent là où on ne les attend pas. À Valensole, dans cette Provence qui évoque Pagnol et Giono, c’est tout un village qui a été pris dans un vertige collectif. Un scientifique aussi sérieux que Jacques Vallée – modèle du personnage joué par Truffaut dans Rencontres du 3e type – a enquêté sur place. Selon lui, ce cas reste l’un des plus crédibles de toute sa carrière.

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9 juillet 2025 en salle | 1h 30min | Drame
De Dominique Filhol |
Par Edouard Blanchot, Dominique Filhol
Avec Matthias Van Khache, Vahina Giocante, Olivia Gotanegre
Quelques anecdotes sur le film
Valensole 1965 est le premier long-métrage de fiction du cinéaste, déjà reconnu pour ses documentaires (Ovnis : une affaire d’États, Le Bureau des OVNIs sur Canal+). Il connaît bien le sujet, mais ce n’est pas l’obsession qui guide son film : c’est la fragilité humaine, la mémoire collective, la fracture intime que provoque l’extraordinaire dans la vie ordinaire.
Le tournage a eu lieu en Provence, avec des optiques anamorphiques rarement utilisées dans le cinéma français, afin d’embrasser la beauté des paysages. Le film a été conçu comme une œuvre sensorielle, presque méditative, où chaque bourrasque de vent et chaque silence prend un poids narratif.
Les optiques anamorphiques sont des objectifs utilisés au cinéma pour capturer une image large sur une pellicule ou un capteur standard. Elles compressent l’image horizontalement lors du tournage, puis l’élargissent à la projection. Ce procédé crée un effet cinématographique distinctif : flous élégants, distorsions subtiles, et une sensation d’espace amplifiée, idéale pour magnifier les paysages ou renforcer l’immersion visuelle.
On peut citer comme grands classiques du cinéma ayant utilisé des optiques anamorphiques :
• Star Wars: Episode IV – A New Hope (1977) – de George Lucas :
Utilisation d’optiques Panavision anamorphiques pour donner de l’ampleur à l’univers spatial.
• Blade Runner (1982) – de Ridley Scott:
Pour ses paysages urbains futuristes et ses jeux de lumière spectaculaires.
• Interstellar (2014) – de Christopher Nolan
Mélange IMAX et anamorphique pour un rendu spatial immersif et organique.
• Once Upon a Time in Hollywood (2019) – de Quentin Tarantino
Pour recréer l’esthétique cinéma des années 60-70 avec des cadrages très larges.
Les rôles principaux sont tenus par Matthias Van Khache, bouleversant dans le rôle de Maurice, et Vahina Giocante, dans un contre-emploi remarquable de femme de pays, forte et moderne. À noter également que des proches de Maurice Masse ont participé à la préparation du film, avec bienveillance, mais aussi prudence, tant le sujet reste sensible.
Le réalisateur au cours d’une interview a exprimé son souhaite que soit donnée à Valensole une projection dans les champs de lavande. Ce serait comme un retour aux sources – à l’endroit même où, peut-être, quelque chose d’indicible a eu lieu.
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