Materialists : quand l’amour devient une équation, Céline Song brise les illusions du couple avec Dakota Johnson et Chris Evans


Après Past Lives, Céline Song plonge à nouveau dans les méandres du sentiment amoureux avec Materialists, un film aussi lucide que déroutant sur les contradictions du couple à l’ère de l’algorithme. Entre pression sociale, quête de validation et marchandisation des sentiments, cette histoire de triangle amoureux à Manhattan devient le miroir grinçant d’une société obsédée par la performance amoureuse. Avec Dakota Johnson et Chris Evans, la réalisatrice interroge les critères absurdes que l’on s’impose pour mériter l’amour. Un film qui ose regarder en face ce que nous taisons tous : et si, au fond, aimer était devenu un exercice comptable ?


Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima
Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima

Un film sur les contradictions de l’Amour et du couple

Si notre espèce a mis fin à la parade amoureuse, ce qui reste n’est pas moins déroutant ! Materialists est un film sur les contradictions de l’amour, la confusion entre le couple et l’amour. Le combat de l’intime, des désirs et la pression sociale.
Dakota Johnson et Chris Evans sont touchants, ils incarnent la société où l’on confond nos désirs et ceux des autres.
Un film criant de vérité, celle des critères et des cases par lesquels on veut tout contrôler, au point où la simple rencontre amoureuse devient un résultat de calculs mathématiques.

Céline Song, après Past Lives, revient avec un film parlant de l’amour et des attentes que l’on se crée en se basant sur l’influence psychosociale.
Dans ce récit, Hommes et Femmes focalisent sur des critères imposés par la société comme la taille, le salaire ou encore le poids. Un homme de 1m75 est moins séduisant qu’un homme de 1m80.
On voit des personnes perdues, qui s’autopersuadent de mériter cela, et pour eux, tous ces critères et qualités deviennent des freins à l’épanouissement personnel.

Nos protagonistes sont seuls, malheureux, et s’interdisent d’aimer au-delà des diktats de la beauté et des critères de réussite sociale.
Le couple s’illustre comme un trophée : le but de la réussite sociale est d’avoir un métier et une jolie femme, ou bien, pour les femmes, de trouver un homme ayant un gros salaire et qui soit beau.
Ne pas viser quelqu’un de sa catégorie revient à se brader, comme si tout n’était plus qu’une question de points et de cases à cocher.

Il vaut mieux être riche ou alors être suffisamment très beau pour séduire un temps

La triste réalité de ce film est que les hommes pauvres n’ont pas les mêmes chances que leurs confrères plus aisés.
Les hommes, ici, préfèrent des femmes plus jeunes pour retarder au maximum leur paternité.

Un peu comme dans How I Met Your Mother, les agences de matchmaking sont là pour faire gagner du temps.
Cependant, on peut également se faire piéger par des personnes ayant compris comment fonctionne l’algorithme et les méthodes de sélection.
Cette même chose est présente au quotidien : on les appelle les pervers narcissiques, ou simplement des menteurs. Le danger est partout, comme le dit si bien l’héroïne du film : le simple fait de faire une rencontre est une mise en danger de soi.

Si le film semble montrer des gens intéressés bien plus par l’idée de conquérir une proie permettant d’avoir une validation sociale de son entourage, on comprend rapidement que l’Amour reste cependant un sentiment essentiel.
On a besoin, au fond de nous, d’un amour sincère, qui nous rend heureux, celui qui se moque des critères et des regards des autres. Mais alors, combien de temps peut-on supporter de ne pas être dans les cases et s’opposer à la pression sociale ?

À travers ce film, on conçoit que le couple n’est pas l’amour, et vice versa. Ici, on dit vouloir trouver l’amour, mais en réalité le but est de gagner une guerre de territoire, on veut faire rentabiliser l’investissement sur notre physique, nos années d’études.
Et pourtant, le vrai partenaire idéal est celui qui serait prêt à attendre dehors sous la pluie, à nous écouter pendant des heures, et capable de nous aider quand les autres ont préféré la fuite.

Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima
Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima

Un film sur l’aliénation de nos vrais désirs et notre recherche du bonheur

Un film qui aborde avec justesse la charge sensorielle et existentielle d’une héroïne qui ne connait que les chiffres, mais qui rêve d’un grand amour qui se joue et se moque des critères ou de classes sociales. En étant sans cesse dans le déni, on alimente des frustrations et peine, niant la façon dont le corps réagit à l’amour quand l’esprit le refuse. Les silences, les regards en coin, les postures rigides trahissent une lutte intérieure bien plus intime : celle entre le désir enfoui et les choix raisonnables. Ce qui se joue entre Lucy et John dépasse le triangle amoureux. C’est le surgissement du vrai dans un monde de faux-semblants. Le film glisse ainsi lentement d’une comédie sociale vers une exploration plus vertigineuse : comment nos corps, nos gestes, notre mémoire émotionnelle refusent parfois de plier devant la logique. Tout cela, la cinéaste le dévoile silencieusement, mais avec une profondeur sensorielle rare.

Materialists déconstruit sans cynisme, mais avec lucidité l’idéal amoureux contemporain. Derrière les algorithmes et les profils parfaits, Céline Song rappelle que l’amour reste une matière instable, irrationnelle, profondément humaine. Le film montre comment les critères de sélection deviennent des prisons mentales, et comment, à force de tout vouloir maîtriser, on finit par perdre l’essentiel. Lucy, au cœur de ce système qu’elle maîtrise si bien, se heurte à sa propre solitude, incapable de répondre à cette simple question : qui suis-je quand personne ne me regarde ? En cela, le film n’est pas seulement un récit sur l’amour, mais sur notre époque, notre rapport à nous-mêmes, et cette guerre invisible entre l’image et l’intime. Une œuvre percutante, à la fois cruelle et pleine d’espoir.


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Note : 5 sur 5.

2 juillet 2025 en salle | 1h 49min | Comédie, Romance
De Celine Song | 
Par Celine Song
Avec Dakota Johnson, Pedro Pascal, Chris Evans


Quelques mots sur le film, le casting et sa réalisatrice

Avant d’être cinéaste, Céline Song a brièvement travaillé dans une agence de matchmaking haut de gamme à New York. Ce job improbable, décroché par hasard, devient aujourd’hui la matrice de Materialists. Durant six mois, elle a vu défiler des célibataires prêts à payer cher pour « cocher les bonnes cases » : taille, revenus, beauté. Ce marché du couple, aussi cynique que codifié, l’a profondément marquée. Ce deuxième long-métrage s’inspire directement de cette expérience et cherche à comprendre comment l’amour, censé être spontané, peut devenir une équation froide à optimiser. Un thème aussi personnel que générationnel.

Le personnage de Lucy est une projection fine de cette ambivalence : brillante, indépendante, mais rongée par les logiques qu’elle applique. Face à elle, deux figures masculines opposées incarnent la tension entre confort matériel (Pedro Pascal) et vérité émotionnelle (Chris Evans). Ce casting parfaitement équilibré donne chair à une vision du monde où le romantisme se heurte sans cesse aux diktats de la réussite.

Le casting parfait selon Céline Song

Pour donner vie à ce récit, Céline Song a cherché des acteurs capables d’exprimer ce moment où le masque tombe, où la vulnérabilité affleure. Dakota Johnson incarne Lucy avec une justesse troublante : caméléon social, elle masque ses failles sous une assurance brillante. Chris Evans, quant à lui, surprend dans un rôle d’acteur fauché et sincère, magnétique à sa manière. Pedro Pascal complète le trio en incarnant la figure idéale, le « parti parfait », sans jamais sombrer dans la caricature. Tous trois servent une mise en scène délicate, à la fois intime et cruelle, où chaque regard pèse plus que les mots. La caméra de Céline Song, subtile, épouse cette tension sans jamais la trahir.

Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima
Materialists: Dakota Johnson © Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima

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