Rapaces – Un thriller sous tension où l’humanité s’écrit en marge


Avec Rapaces, Peter Dourountzis livre bien plus qu’un thriller d’enquête : il interroge notre rapport au réel, à l’information, et au silence qui entoure les drames ordinaires. Le film se glisse dans l’ombre des faits divers, sans chercher le spectaculaire, mais plutôt le trouble, le doute, l’humain. Car au fond, ce n’est pas tant le “qui” que le “pourquoi” qui nous hante. Une quête personnelle, presque intime, qui devient universelle. Et dans ce jeu d’ombres, c’est la presse écrite, souvent moquée ou marginalisée, qui devient la dernière sentinelle du réel.

Avec Rapaces, Peter Dourountzis signe un thriller d’investigation tendu et maîtrisé. Symboles de la presse écrite d’investigation, Sami Bouajila et Mallory Wanecque incarnent deux générations d’interprètes : l’un déjà installé, l’autre émergente. Le film joue habilement avec les codes du polar, dès un générique façon Tarantino. La force du récit réside autant dans sa reconstitution sonore que visuelle : une agression hors champ rendue insoutenable par le son seul. L’imaginaire du spectateur est convoqué, rendant le récit plus universel. Un bel hommage à la presse écrite, et une fiction haletante, sans esbroufe, où l’humain est au cœur de l’ombre.

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Un thriller d’enquête haletant signé Peter Dourountzis, avec Sami Bouajila et Mallory Wanecque, en salles le 2 juillet 2025.
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Peter Dourountzis réalise un thriller d’investigation efficace. À l’écran, Sami Bouajila et Mallory Wanecque incarnent deux générations d’interprètes avec brio.

On a trouvé intéressant le début qui additionne des fausses pistes cinématographiques comme un générique très classiques avec une mélodie et des polices rappelant l’univers de Tarantino. Le travail visuel n’est pas l’unique point fort du film, celui du son et du bruitage est excellent, comme la scène de l’agression et meurtre de l’adolescente. Un travail de reconstitution du hors champs et aussi une tension plus grande qu’une image, car la voix reste en tête, laissant l’imaginaire créer la scène.

La vérité invisible : quand l’enquête devient miroir.

« Plus c’est personnel, plus c’est universel » : cette phrase semble être le fil rouge de Rapaces. Ici, l’enquête ne cherche pas à asséner des vérités, mais à construire du sens dans les interstices du réel. Les scènes d’agression, entièrement hors champ, forcent le spectateur à combler le vide avec ses propres angoisses. Le son devient l’arme du film, bien plus efficace qu’une caméra crue. On entend, on ressent, mais on ne voit pas. Et c’est là toute la puissance du film : il active notre imaginaire, convoque nos peurs intimes, nous pousse à chercher nous-mêmes la lumière dans l’obscurité. Le suspense n’est jamais appuyé, il est latent, sensoriel, viscéral. Rapaces ne cherche pas à choquer, mais à troubler – et ça fonctionne.

Alors, oui, « Plus c’est personnel, plus c’est universel » et notre esprit va essayer de construire l’invisible et les non dits de cette grande enquête où l’on cherche un coupable et non les pourquoi.

Rapaces: Sami Bouajila, Mallory Wanecque  © ZINC
Rapaces: Sami Bouajila, Mallory Wanecque © ZINC

Un hommage vibrant à la presse d’investigation

Le film rend hommage à la presse écrite, celle d’investigation qui se bat contre les autres médias qui prennent de plus en plus de poids. Il y a les faits divers et les faits divertissants.

Face à l’infobésité et au règne du clic, Rapaces choisit la voie escarpée de la rigueur et du terrain. À travers le duo père-fille, incarné avec justesse par Sami Bouajila et Mallory Wanecque, c’est une presse d’un autre temps qui reprend corps. Celle des journalistes de Détective, trop souvent relégués à la marge, mais ici filmés comme des survivants, des artisans du réel. Dourountzis redonne du crédit à ces figures que l’on croit démodées. Il filme leurs maladresses, leur obstination, leur dignité. Un pied dans la chronique sociale, l’autre dans le polar, le film raconte aussi un monde en mutation : celui d’une presse imprimée en voie de disparition, mais dont l’humanité résiste. Entre faits divers et faits divertissants, le réalisateur fait un choix clair : celui de la vérité, même rugueuse.

Chronique d’un monde en voie de disparition

Pour restituer le quotidien d’une presse print sur le déclin, le cinéaste s’est inspiré des journalistes de Détective, ces derniers artisans du terrain, souvent moqués, mais profondément investis. Il filme leurs bureaux comme des repaires un peu fatigués, peuplés de survivants qui connaissent chaque recoin de la France profonde. Face à eux, la jeunesse, incarnée par Ava, observe d’abord avec distance ce monde où l’on enquête à l’instinct, sans GPS ni IA. Mais peu à peu, le lien se tisse : entre admiration, agacement et fascination. Peter Dourountzis capte cette friction entre générations – l’une marquée par l’expérience brute, l’autre par la lucidité critique – sans jamais trancher. Il montre aussi comment l’héritage peut encore circuler, si chacun accepte d’écouter l’autre. Le passé ne s’accroche pas, il transmet, parfois malgré lui. Et c’est dans cette cohabitation fragile que le film trouve un supplément d’âme.

Rapaces: Sami Bouajila, Mallory Wanecque © ZINC
Rapaces: Sami Bouajila, Mallory Wanecque © ZINC

De même, Rapaces offre un récit sous-tension permanente et sans temps morts. Une fiction solide avec des personnages sans superflu. Une intrigue ordinaire sur un fait divers où l’on découvre une fois de plus la noirceur humaine. 

Anecdote : naissance du projet et tournage sous tension maîtrisée

Le projet Rapaces est né d’un scénario inspiré de l’affaire Élodie Kulik, écrit par Christophe Cantoni, ex-journaliste à Détective. Mais le réalisateur a préféré repartir d’une page blanche, pour s’approprier l’histoire et creuser une relation père-fille en miroir de l’enquête. Le tournage, réparti entre Paris, Chambéry, Grenoble et les Hauts-de-France, s’est déroulé sur 33 jours dans une ambiance bienveillante – priorité du réalisateur. La scène du restaurant “Le Napoléon”, centrale et suffocante, a nécessité quatre jours de tournage, preuve d’un souci du découpage précis et tendu. À l’image comme à la musique, tout a été pensé pour que le réalisme serve la tension. Résultat : un thriller organique, viscéral, où chaque plan et chaque silence racontent quelque chose.

Rapaces ne cherche pas à nous assommer de révélations, mais à nous immerger dans un réel trouble, où la quête de vérité est aussi une quête d’humanité. Peter Dourountzis signe un film sensoriel, tendu et sans fioritures, où l’empathie devient une arme de résistance. Il redonne ses lettres de noblesse à une presse écrite trop souvent enterrée vivante, et nous rappelle que les plus grandes secousses viennent parfois du silence. Un thriller engagé, modeste en apparence, mais dense dans son propos. À voir les yeux ouverts, et les oreilles grandes ouvertes.

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Note : 5 sur 5.

2 juillet 2025 en salle | 1h 44min | Thriller
De Peter Dourountzis | 
Par Peter Dourountzis, Christophe Cantoni
Avec Sami Bouajila, Mallory Wanecque, Jean-Pierre Darroussin


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