13 Jours, 13 Nuits : l’humanité à hauteur d’homme


13 Jours, 13 Nuits de Martin Bourboulon nous propulse au cœur de Kaboul lors de sa chute, pour raconter l’exfiltration réelle orchestrée par le commandant Mohamed Bida. Ni film de guerre spectaculaire, ni drame lacrymal, il s’agit d’une œuvre tendue, sans artifices, où diplomatie, courage et humanité s’entrelacent. Emmené par le duo magnétique Roschdy Zem / Lyna Khoudri, le film questionne notre rapport à l’engagement, à la peur, à l’exil, et redonne sens à la notion de héros du quotidien, humble et déterminé. Une leçon de cinéma comme de lucidité politique.

Dans 13 Jours, 13 Nuits, tout s’accélère : des bouteilles de vin sacrifiées, une ambassade transformée en refuge, une traductrice prise au piège. Face au chaos, un homme agit. Roschdy Zem, admirable, incarne un héros sans cape, traversé de doutes, mais mû par une éthique rare. Une course contre-la-montre tendue, puissante, réaliste. Le film convoque Camus autant que le devoir de mémoire : l’action comme réponse à l’absurde. Et dans le duo Zem/Khoudri, une intensité brute, un feu discret. Quand le cinéma français ose enfin parler du monde sans se regarder filmer.

13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois
13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois

La guerre comme absurdité tragique

Dans cette reconstitution brûlante de réalisme, la guerre ne tue pas que les combattants : elle fauche aussi un restaurateur, abattu pour avoir voulu sauver des bouteilles de grands crus. Ce détail, glaçant, résume la folie ambiante. À quoi ça sert tout ça ? L’impression que tout s’accélère, qu’on se bat contre le vent. Mais comme dans La Peste de Camus, « l’existentialisme par l’action est le dernier rempart contre l’absurde ». Ce film en est l’incarnation. Il montre que, face au chaos, certains choisissent d’agir plutôt que de s’effondrer. Le casting est bon et excellent, on prend plaisir à redécouvrir certains acteurs, et surtout la prestation du duo Roschdy Zem et Lyna Khoudri offre quelque chose de fort et explosif. Lui, tout en tension intérieure ; elle, dans une justesse fragile mais ardente. Leur alliance fait battre le cœur du récit.

Une mise en scène du réel, au service du collectif

Né de l’initiative d’Ardavan Safaee et Dimitri Rassam après la lecture du livre de Mohamed Bida, le film choisit le réalisme. Aucun effet superflu : le réalisateur mise sur l’humilité du geste. Si le consulat et l’ambassade n’ont pas les mêmes rôles (l’un protège ses citoyens, l’autre représente l’État), ici, les fonctions s’effacent devant l’urgence humaine. On découvre les coulisses d’une opération méconnue, menée dans l’ombre par des agents de terrain et une poignée de diplomates. Cette France qui agit loin des caméras, avec courage et discrétion. L’ambassade devient un microcosme tragique, où l’on négocie avec les talibans, où l’on improvise, où l’on tient malgré tout.

13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois
13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois

Une œuvre tendue et profondément humaine

Tout est vrai, et c’est ce qui glace. Le commandant Bida n’est pas un cow-boy. C’est un homme qui doute, qui pleure seul, mais qui continue. Roschdy Zem ne joue pas : il incarne. La réalisation, sobre, colle aux pas des personnages sans jamais en faire des figures figées. Le choix du casting, du tournage au Maroc, de la tension réaliste sans explosion, renforce cette authenticité. Les scènes avec les acteurs afghans résonnent avec une puissance rare, rappelant que derrière chaque convoi, il y a des visages, des vies suspendues. Et comme un clin d’œil à l’absurdité de la situation, on sauve des enfants, des femmes… et des caisses de vin. À quoi ça sert, tout ça ? Peut-être à rappeler que l’humanité, même dans l’urgence, ne doit jamais être abandonnée.


13 Jours, 13 Nuits n’est pas seulement un film d’évacuation, c’est un acte de mémoire. Un rappel que face au tumulte, certains choisissent de tenir debout. Il nous parle d’hommes et de femmes qui, dans un monde qui vacille, incarnent l’éthique, le courage, et une forme de fraternité perdue. Un film nécessaire, humble, essentiel.

13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois
13 jours 13 nuits © Jérôme Prébois

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Note : 4.5 sur 5.

27 juin 2025 en salle | 1h 52min | Drame, Thriller
De Martin Bourboulon | 
Par Martin Bourboulon, Alexandre Smia
Avec Roschdy Zem, Lyna Khoudri, Sidse Babett Knudsen

Le film résumé en 3 points

Le chaos, l’action, l’humain.

Avec 13 Jours, 13 Nuits, Martin Bourboulon quitte les capes des mousquetaires pour une urgence bien réelle : Kaboul, 15 août 2021. Tandis que les talibans reprennent la capitale, le commandant Mohamed Bida organise une évacuation insensée de centaines de civils réfugiés dans l’ambassade de France. Pas de scènes spectaculaires, pas de héros bodybuildé : ici, le suspense est organique, nerveux, sans fioriture. On pense à La Peste de Camus : l’absurde est partout, mais l’action reste le dernier recours pour rester debout. À quoi ça sert tout ça ? À se souvenir que l’humanité, même discrète, change tout.

Roschdy Zem + Lyna Khoudri = duo coup de poing.

Roschdy Zem est impérial. Fatigué, lucide, bouleversant. Il incarne un homme ordinaire confronté à l’impensable, entre peur, devoir et instinct. À ses côtés, Lyna Khoudri impressionne par sa justesse et sa tension contenue. Leur tandem est le cœur battant du film : une intensité sourde, sans pathos. Et autour d’eux, une galerie de seconds rôles ultra crédibles, renforçant la sensation d’un film choral, tendu comme une corde prête à lâcher. Le casting est tout simplement excellent. On redécouvre des visages, on en découvre d’autres, et chaque regard pèse son poids d’histoire.

Un thriller géopolitique sans surjeu.

Inspiré du témoignage réel de Mohamed Bida, le scénario mise sur la véracité des faits. Le réalisateur filme au plus près des corps et des regards. Loin des blockbusters tapageurs, 13 Jours, 13 Nuits offre une tension sèche, maîtrisée, où chaque mot, chaque silence compte. La mise en scène est humble mais tranchante. On respire mal, on serre les dents, on y croit. Un film important, sans posture ni artifice, qui rappelle que parfois, sauver une vie, c’est déjà faire l’histoire.


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