Il y a des voix qui accrochent dès la première écoute, brutes, vibrantes, presque effilochées par les émotions. Celle de Derek Silva en fait partie. Avec Good Luck Have Fun, son nouveau projet EP sous le nom dwn bad, l’artiste texan joue la carte d’un indie alt-rock sans fard, où chaque morceau assume ses angles, ses bosses et ses fulgurances. On aime particulièrement le mixage, équilibré sans être lisse, et cette manière de capter l’instant avec une intensité désarmante. Sortie prévue le 20 juin 2025.
Derrière dwn bad, il y a d’abord une démarche intime, née en Californie et portée aujourd’hui par une bande de musiciens réunis à Houston. Derek Silva, chanteur et initiateur du projet, cultive un son à la fois tranchant et vulnérable : guitares anguleuses, basse qui cogne, batterie qui pulse et voix éraillée qui refuse la perfection — comme une réponse organique à l’ère de l’intelligence artificielle. Ce qu’on apprécie, au-delà de l’énergie brute, c’est l’identité singulière de chaque titre. Pas de remplissage ni de pose gratuite : chaque morceau a son tempérament propre, sa ligne de fuite émotionnelle. L’EP Good Luck Have Fun tient donc sa promesse : un rock indé sincère, qui fait vibrer les tripes tout en posant un regard lucide sur notre époque.
Quelques mots sur l’EP – Analyse Transversale
Try and Try Again ouvre l’EP, suivi d’un second titre dans le même moule. Mais Too Late reste peut-être le moment de bascule, où l’on découvre quelque chose de plus sage, dans une influence rock à la Travis ou Weezer. La voix fait même penser à celle du chanteur de Coldplay.
Amoureux du grunge et de l’alt-rock, la 4e piste — Liar Liar (Talk to Me) — est pour vous. Il y a une nonchalance presque sexy. Et Nobody Knows, qui suit en 5e track, ajoute une continuité dans ce genre rock plus Y2K, un peu comme dans le moule d’un groupe comme The Killers (Somebody Told Me). Il y a quelque chose de tendre et spleenien. L’EP se clôture en apothéose avec Love on Repeat.
Nos coups de cœur dans cet EP
Too Late, du rock et des émotions
Cette chanson frappe par sa structure pop rock très maîtrisée, avec un refrain entêtant, une montée progressive et des paroles répétées comme une litanie émotionnelle. Ce qui fait sa singularité, c’est ce mélange entre une mélodie accessible et une tension dramatique presque théâtrale.
Le morceau joue avec la simplicité apparente du genre — couplet/refrain — mais glisse des images puissantes : « One last chance to leave before I’m your child » ou « I could be your sorrow » sonnent comme des ultimatums poétiques. C’est du pop rock pur jus, mais avec une voix qui vacille entre fragilité et urgence, et une ambivalence constante : amour ou dépendance, abandon ou sacrifice. Un titre à la fois radio-friendly et viscéral.
Liar Liar (Talk To Me) – Quand on supplie pour entretenir le déni
Dans cette chanson, on explore un désespoir feutré, celui d’un être coincé dans une boucle mentale où la vérité fait trop mal pour être affrontée. Le refrain agit comme une supplique : « talk to me and pretend I’m clean » – une demande de réconfort illusoire, d’un mensonge apaisant pour continuer à tenir. Les paroles traduisent une fatigue psychique profonde, un mal-être installé depuis si longtemps qu’il devient flou (« I can’t even tell how long I’ve been in this hell »). Entre aveuglement volontaire et besoin d’évasion, on alterne lucidité et déni, suspendu entre réalité et rêve, dans un univers où le mensonge devient un baume.
On a aimé ce titre, car on a l’impression de retrouver un peu de l’univers du groupe HIM très populaire début des années 2000. Baptisé Love Metal par ses contemporains, on abordait des sujets souvent très sombres où l’amour n’était plus salvateur, mais moteur d’une souffrance et aussi guide de l’existence. Le Love Metal ne célèbre pas l’amour comme une force purement lumineuse ou rédemptrice, mais le traite plutôt comme une source de tourment, de dépendance émotionnelle, voire de damnation romantique. L’amour y devient à la fois douleur et boussole existentielle, un paradoxe permanent.
Liar Liar (Talk to Me) est en quelque sorte l’héritière de cette philosophie musicale, portée par une lucidité brûlante et un besoin d’illusion qui se heurtent sans cesse. Comme chez HIM, le mensonge devient ici une forme d’amour, fragile et toxique, mais terriblement humain.
Nobody Knows – quand le Rock nous ramène à nos premières amours musicales
Cette chanson est une mélancolie dansante, quelque part entre The Cure et The Killers. Derek Silva signe un morceau qui évoque fortement l’univers de The Cure : une mélodie douce-amère, un chant hanté par l’insatisfaction chronique et cette recherche éperdue de sens. Le spleen est là, palpable, mais jamais totalement désespéré — comme chez Robert Smith, on danse presque malgré soi. Il y a cette ambivalence constante entre gravité des paroles et rythme entraînant, ce contraste typique de la cold wave qui laisse l’ombre flotter sous la lumière. La phrase “Forever is your garden” évoque un amour éternel, mais confus, comme un Éden abandonné. Un lieu intérieur, où l’on souffre sans hurler.
En soi, nous avons une écriture plus directe, à la manière des années 2000. Mais ce spleen ne se noie pas dans l’abstraction : l’écriture, plus frontale, rappelle celle des Killers ou de groupes de l’ère Y2K alt-rock, où le mal-être s’énonce avec une lucidité immédiate. « I’m just a man / needing some more purpose », c’est brut, sans détour — à la manière de Brandon Flowers, oscillant entre fragilité et posture héroïque. La chanson épouse ce double mouvement : elle confesse sans tomber dans la plainte, expose sans se perdre dans l’emphase. En cela, Nobody Knows devient un pont entre deux époques : le romantisme noir des années 80 et la désillusion franche du rock des années 2000.
Notre avis sur l’EP en quelques mots
Good Luck Have Fun de dwn bad est bien plus qu’un simple premier EP : c’est une carte d’identité sonore, sincère et sans artifice, qui affirme dès ses premières notes une voix singulière dans le paysage indie alt-rock. Chaque morceau semble tiré d’un journal intime électrique, oscillant entre introspection blessée et fulgurances mélodiques. Derek Silva et ses musiciens réussissent le pari de marier la rugosité des guitares à une émotion brute, jamais surjouée. Un projet cohérent, touchant, et déjà habité d’une vraie maturité artistique.
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