Peacock, réalisé par Bernhard Wenger, nous plonge dans l’intimité d’un homme qui loue sa présence à ceux qui cherchent à combler un vide social ou à simuler une normalité factice. En explorant les dérives d’un métier fondé sur l’artifice émotionnel, le film touche au cœur de notre époque : celle où l’on confond authenticité et performance relationnelle, jusqu’à s’y perdre.

Une tragicomédie grinçante sur la solitude contemporaine et le poids des apparences
Un miroir social bien poli, qui renvoie surtout notre vide intérieur. Peacock, c’est Her sans l’IA, Alibi.com sans la gaudriole. Ici, pas de happy end, juste un homme payé pour simuler l’amour, la famille ou l’amitié… et qui finit par ne plus savoir ce que tout ça veut dire. Chaque scène est une gifle feutrée à notre société de l’image : on loue un sourire, on sous-traite une émotion, on externalise le lien humain comme on ferait appel à un traiteur. Matthias, c’est un pro du faux-semblant qui paume sa vérité. À force de faire semblant d’être tout le monde, il n’est plus personne. « Et toi, t’as vérifié combien de fois ton reflet aujourd’hui ? », notre héros, lui, se doit d’être prêt à toutes situations.
Un homme brisé à force d’être toujours parfait en toutes choses
Un film touchant, montrant la fragilité d’un homme soumis à aller au-delà de ses capacités dans un monde où l’on impose sans cesse de répondre à des conventions sociales. Être performant en communication et dans les codes ne signifie pas être capable de tout enduré sans fin.
On aime la direction des acteurs et aussi l’écriture fine dévoilant le quotidien de ces agences dédiées en relation humaine et des alibis (un peu comme alibi.com, mais sans le côté mensonge salvateur). On veut ici de la présence, de la compagnie ou le moyen de cocher une case dans nos quotidiens overbookés ou trop carrés.
Un casting composé d’acteurs et actrices percutants
Albrecht Schuch est une belle révélation, il joue la peine, la joie, la névrose, parle et ses silences en disent parfois beaucoup plus que de long discours.
Face lui, la norvégienne Theresa Frostad Eggesbø apporte une forme d’ouverture sur l’imprévu, car Matthias à force de tout calculer dans son métier et toujours prévoir l’imprévisible, ne sait plus agir naturellement et être lui-même.
Bernhard Wenger et Nikolaus Geyrhalter arrivent avec cette intrigue simple et très consensuelle à nous montrer combien nos métiers et nos obligations sociales peuvent devenir écrasants et détruire l’émerveillement ou le naturel de nos personnalités.
Avec Peacock, Wenger signe une œuvre faussement légère, profondément mélancolique, où le rire visuel, les silences et la tension sociale forment un kaléidoscope subtil. Ce film, primé à la Semaine de la Critique de Venise, questionne le prix de la présence humaine à l’ère de la location de soi. Une tragicomédie douce-amère où l’on rit souvent jaune, porté par un Albrecht Schuch aussi nuancé que bouleversant. Il ne joue pas un rôle : il s’efface pour nous tendre un miroir.
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18 juin 2025 en salle | 1h 42min | Comédie, Drame
De Bernhard Wenger |
Par Bernhard Wenger, Nikolaus Geyrhalter
Avec Albrecht Schuch, Julia Franz Richter, Branko Samarovski
Titre original Pfau – Bin ich echt?
📌 Anecdotes sur le film
- L’idée du film est née en 2014, lorsque le réalisateur découvre l’existence d’agences de location d’amis au Japon, un service réel qui permet de louer un compagnon pour un mariage, un anniversaire… ou un enterrement.
- Pour préparer Peacock, Bernhard Wenger est parti rencontrer ces « acteurs sociaux » à Tokyo. L’un d’eux lui confie ne plus réussir à ressentir d’émotions véritables. Ce témoignage marquera la construction du personnage principal, Matthias.
- Le film débute sur une voiturette de golf en feu, image absurde et cruelle, métaphore visuelle d’une élite sociale qui brûle lentement dans ses propres artifices. Un plan fixe qui dit beaucoup sans rien expliquer : tout le style du cinéaste.

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Une réflexion sur “Peacock : louer un compagnon, perdre son identité”