Horizonte, l’épreuve des âmes brisées


Un film sombre, tourmenté. Un enfer destructeur où le temps semble se jouer de ses prisonniers. Certaines scènes font penser à l’expressionnisme allemand et d’autres aux Ailes du désir. Dans ce second long-métrage, César Augusto Acevedo plonge son spectateur dans un univers suspendu entre l’au-delà et l’ici-bas, où l’on ne distingue plus le réel du souvenir. Basilio et sa mère, deux âmes errantes, se retrouvent après la mort pour entamer un voyage de rédemption aussi douloureux que nécessaire.

Horizonte © Bobine Films
Horizonte © Bobine Films

L’enfer est partout et nulle part à la fois

Ce purgatoire cinématographique est aussi un espace moral. La brume omniprésente, les silences lourds, les visages abîmés : tout évoque un monde figé, hanté par la guerre et la culpabilité. Le réalisateur construit une narration fragmentée, où le passé et le présent coexistent sans logique linéaire. Le spectateur est invité à ressentir plus qu’à comprendre. C’est une expérience sensorielle, où la photographie signée Mateo Guzmán évoque parfois les toiles sombres de Goya, et où le son devient l’écho du traumatisme.

Un film fracassant comme la pierre qui écrase les mains sales d’un homme en quête de rédemption. Claudio Cataño incarne avec une intensité troublante ce Basilio, ancien bourreau dévasté par ses actes, incapable de se racheter autrement qu’en traversant une forme de martyr intérieur. Face à lui, Paulina García donne une dimension bouleversante à Inés, mère de douleur et de dignité. Ensemble, ils interrogent la possibilité du pardon au sein d’un monde sans repères, où seule l’acceptation de l’autre permet de retrouver un sens à l’existence.

Ici, la douleur n’est pas une simple conséquence de la guerre, elle devient un processus de transformation. Basilio, écrasé par la culpabilité, ne cherche pas l’oubli, mais l’épreuve. Cet enfer détruit moralement et physiquement. Chaque silence, chaque absence dans ce monde suspendu agit comme une torture de l’âme. Peu à peu, son corps se courbe, sa voix se brise, son regard change. Il est défiguré et ses tourments intérieurs se reflètent sur son apparence physique, comme pour extraire la bête en lui et donner une représentation physique. Le film n’offre pas de rédemption facile : ce sont les stigmates mêmes de la honte et du deuil qui sculptent sa lente métamorphose. Grâce à la précision de Claudio Cataño, on voit naître une humanité nouvelle, douloureuse, mais sincère, arrachée à l’ombre par un lent chemin de dépouillement.

Horizonte est un film qui s’affronte plus qu’il ne se regarde. Une méditation cinématographique sur la violence, le remords et la difficile reconstruction de l’âme humaine. En nous confrontant à nos fantômes, Augusto Acevedo signe une œuvre à la fois poétique et vertigineuse, qui rappelle que même dans les ténèbres, il reste parfois une lumière.

Horizonte © Bobine Films
Horizonte © Bobine Films

Genèse et influences : un cri depuis les limbes

Né d’un désespoir face à l’échec du processus de paix en Colombie, Horizonte est un film-réflexion conçu comme un espace spirituel, presque un limbe, où se croisent les morts et les vivants. César Augusto Acevedo y interroge la perte d’empathie dans une société habituée à la mort. Inspiré par Dante, Tarkovski, Goya ou Friedrich, il construit un langage poétique et sensoriel, à la frontière du réel et du sacré. Tourné dans des zones marquées par la guerre, le film a vu le jour grâce à une coproduction ambitieuse entre la Colombie, la France, le Luxembourg, le Chili et l’Allemagne, avec l’aide de Ciné-Sud, Bobine Films, In Vivo et d’autres partenaires internationaux. Un projet exigeant, porté par la conviction que le cinéma peut encore faire dialoguer les âmes.

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Note : 3.5 sur 5.

4 juin 2025 en salle | 2h 05min | Drame, Fantastique
De César Acevedo | 
Par César Acevedo
Avec Claudio Cataño, Paulina García, Edgar Duran Galindo


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