ELSE : l’horreur métaphysique qui fait muter le cinéma français


Dans un paysage cinématographique hexagonal souvent cantonné aux drames sociaux et aux comédies de salon, Else débarque comme un organisme mutant, dérangeant, fascinant et totalement hors-cadre. Le réalisateur Thibault Emin signe un premier long-métrage qui fusionne l’intime et la science-fiction dans un huis clos déroutant, où les corps et les émotions se diluent dans l’espace et la matière. Si vous êtes du genre à désinfecter votre téléphone à l’alcool gel, ce film risque fort de vous coller une angoisse viscérale. Et c’est tant mieux.

Else prouve que le cinéma Français sait faire autre chose que des comédies et des drames ! 

Un film qui nous sort de notre zone de confort. Si vous avez peur des maladies, un peu paranoïaque sur les microbes : le métamorphisme va vous terrifier, provoquant une mutation de l’ADN et progressivement un changement d’état pour fusionner avec l’environnement.

Une reprise du phénomène de paréidolie et de la maladie dermatologique, les Ichtyoses. Tout en insérant la puissance des phobies les plus obscures ! Le film est minimaliste dans son concept, mais l’univers artistique offre un ensemble d’éléments convaiquants !

On reprend avec brio les codes de l’horreur asiatique (Japonais et Coréen) avec le regard, cet œil rond qui foudroie, on a une belle reprise des creepy pasta où l’on dit qu’on ne doit jamais croiser le regard du monstre. Ici, le croiser revient à être condamné à en devenir un. Après peut-on parler de monstre ? Car ce sont des humains et des animaux qui ont simplement muté.

Else
ELSE © UFO DISTRIBUTION

Une esthétique naïve au service du récit

Avec son esthétique presque naïve au départ — couleurs vives, détails du quotidien amplifiés — Else glisse lentement vers un cauchemar organique. Les influences de Cronenberg, Jodorowsky ou du cinéma asiatique se mêlent à une recherche artisanale : pas de storyboard figé, mais des trouvailles en direct, à base de peau-drap, textures granuleuses et maquillages mutants, nés de contraintes budgétaires sublimées en matière vivante.

On salue le choix d’exploration des genres de l’angoisse et de la SF. Le choix de basculer de la couleur au noir et blanc durant les 2 tiers du film est audacieux et très beau, car le travail de la photographie est spectaculaire !  Ce n’est pas juste un effet de style, mais un travail en profondeur. De l’esthétique et aussi du propos général du récit, proposant ainsi une entrée dans la peur du héros et ses traumatismes de la perte de sa mère dans la même pièce où va périr sa copine.

ELSE © UFO DISTRIBUTION
ELSE © UFO DISTRIBUTION

Le casting : chair, regards et fusion

Trouver les bons visages pour incarner une transformation aussi radicale relevait du défi. Thibault Emin a misé sur la puissance brute et l’engagement total de Matthieu Sampeur (Anx) et Edith Proust, pensionnaire de la Comédie Française (Cass), un duo encore peu connu mais d’une justesse bouleversante. Leur alchimie palpable donne toute sa force au film, et leur implication physique – notamment dans les séquences de fusion corporelle – force le respect. Mention spéciale au personnage de Setsuko, interprétée par Lika Minamoto, qui apporte une tension silencieuse, presque chamanique. Ce casting audacieux incarne à la perfection la ligne du film : déstabiliser sans jamais perdre en humanité.

Else n’est pas un simple film de genre : c’est une expérience sensorielle, philosophique et profondément émotionnelle. Thibault Emin y explore le deuil, la peur de l’autre et la dissolution de l’individu dans un monde en mutation. Une fable noire, organique, traversée d’éclats de beauté et d’effroi. Le choix du noir et blanc, les effets pratiques, l’ambition esthétique, tout concourt à un projet rare, précieux, qui prouve que le cinéma français peut encore surprendre. « Quelque chose d’autre » ? Else l’incarne pleinement.

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Note : 5 sur 5.

28 mai 2025 en salle | 1h 42min | Fantastique, Epouvante-horreur, Romance
De Thibault Emin | 
Par Thibault Emin, Alice Butaud
Avec Matthieu Sampeur, Edith Proust, Lika Minamoto


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