Ciudad Sin Sueño : Une jeunesse espagnole oubliée, filmée dans sa vérité nue


Présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2025 – Ciudad Sin Sueño, Guillermo Galoe offre un regard brut et poétique sur une jeunesse invisible. Celle coincée entre les ruines d’un monde, qui s’efface et l’illusion d’un avenir incertain. Un film qui parle sans discours, où chaque silence hurle plus fort que mille mots.

À l’image d’un pont tendu entre Skins et Capharnaüm, Ciudad Sin Sueño capte l’essence d’une jeunesse ibérique abandonnée aux marges, hors des radars de la société. Ici, pas de grandes envolées lyriques, mais des gestes simples, des regards fuyants et des silences éloquents. C’est dans ce non-dit, au cœur du bidonville de La Cañada Real, que naît une œuvre contemplative et bouleversante, portée par la caméra complice d’un téléphone portable et la poésie des instants volés.

Une jeunesse reléguée aux marges 

Loin des clichés d’une Espagne flamboyante, Guillermo Galoe donne voix à ceux qu’on ne voit jamais : les enfants des bidonvilles, issus des communautés roms et des populations migrantes. Ici, les rêves se heurtent à la tôle ondulée et au béton fissuré. Toni, 15 ans, vit entre l’attachement à son grand-père et l’appel d’un ailleurs incertain. Ce sont les séquences amateurs, captées à même le quotidien, qui dévoilent la pureté de ces moments volés à l’enfance. Des instants fugaces où les adolescents, malgré la dureté du réel, retrouvent le droit de simplement « être ».

Ciudad Sin Sueño © BTEAM PRODS
Ciudad Sin Sueño © BTEAM PRODS

Le silence comme langage universel 

La caméra de Guillermo Galoe évite l’écueil du misérabilisme. Elle capte les silences lourds, les regards qui en disent long sur une mélancolie sans issue. Le réel devient poésie visuelle : l’absence de dialogues laisse place aux gestes, aux paysages dévastés, à la lumière vacillante d’un feu de fortune. Le silence devient alors le médium privilégié pour explorer l’intimité émotionnelle de Toni, entre résignation et pulsion de vie.

Une narration portée par l’action plus que par le récit 

Plutôt qu’un scénario classique, Ciudad Sin Sueño préfère laisser parler l’action. Les décisions de Toni, ses hésitations, ses courses nocturnes entre les ruelles dévastées racontent plus que mille discours. On est dans une narration où chaque pas est une déclaration, chaque regard un manifeste silencieux face à un avenir dérobé.

Ciudad Sin Sueño © BTEAM PRODS
Ciudad Sin Sueño © BTEAM PRODS

Une Genèse profondément humaine 

Né d’une immersion de six années dans la communauté de La Cañada Real, le film est le fruit d’un véritable compagnonnage entre le réalisateur et ses habitants. Le cinéaste n’a pas filmé sur cette communauté, il a filmé avec elle. À travers des ateliers de cinéma, des images prises par les enfants eux-mêmes, le film s’est façonné organiquement, loin des artifices du cinéma traditionnel. Cette méthode confère à l’œuvre une authenticité et une tendresse rares.

 Avec Ciudad Sin Sueño, Guillermo Galoe signe un manifeste silencieux sur la fin d’un monde et l’éveil d’une jeunesse en quête de dignité. Un film où l’absence de rêves devient, paradoxalement, la plus poignante des aspirations. Un miroir tendu à une société qui préfère détourner le regard, mais où, dans l’ombre, la jeunesse continue de vibrer, d’aimer et d’espérer, même sans le dire.

__________

Note : 4 sur 5.

3 septembre 2025 en salle | 1h 37min | Drame
De Guillermo Galoe | 
Par Guillermo Galoe
Avec Fernández Gabarre, Bilal Sedraoui, Fernández Silva


En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.