Guy Maddin, fidèle à sa veine singulière, signe avec Rumours une satire politique étrange et feutrée, où des figures du G7 – incarnées par Cate Blanchett, Alicia Vikander, Charles Dance, Denis Ménochet et Roy Dupuis – se retrouvent égarées dans une forêt. Un décor volontairement absurde, pour mieux scruter les peurs, les automatismes, et la vacuité de ces sommets internationaux. Derrière le surréalisme assumé, une critique lucide : celle d’un pouvoir qui vacille dès qu’il perd ses repères protocolaires. Le casting international vient souligner la portée globale de cette fable froide et inquiétante. Guy Maddin co-réalise ce film avec Evan Johnson et Galen Johnson. Une nuit blanche horrifique et sans fin.

Les rois du monde plongés dans un schisme entre le réel et le fantastique.
La photographie se complait dans une facilité esthétique proposant quelques séquences de qualités puis plus rien (c’est bien dommage, car les quelques audaces finissent par perdre son intérêt quand elles finissent par perdurer trop longtemps).
Les acteurs et actrices sont malmenés pour un conte cauchemardesque aussi bien dans le font que dans la forme Et pourtant, certaines excursions dans le cinéma de genre permettent au film d’attirer notre attention. Mais l’effritement du réel et de la satire bloque la tonalité du film dans un flirt entre la série B et la critique du politique.
Dans son ensemble, il y a de bonnes idées, mais mise à mal par cette quête d’avant-gardisme. Tout cela est bien triste au vu des idées, du pitch et du casting de qualité. La lourdeur du propos et le ton un peu léger créent un décalage assumé, mais on finit par s’accrocher difficilement aux récits. Le côté fantastique cependant est mis en place de manière malicieuse et on aime ça !

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7 mai 2025 en salle | 1h 43min | Comédie, Drame
De Guy Maddin, Evan Johnson, Galen Johnson |
Par Guy Maddin, Evan Johnson
Avec Cate Blanchett, Roy Dupuis, Nikki Amuka-Bird
Titre original Rumours
Ce qu’il faut savoir sur Rumours
1. Qui sont les véritables maîtres d’œuvre de ce projet insolite ?
Trois têtes pensantes derrière la caméra : Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson. Une cellule créative autonome, rodée aux courts expérimentaux, qui signe ici un film à six mains, sans intervention extérieure ni compromis. Une œuvre collective, au sens strict, comme une déclaration G7 rédigée par des cinéastes en transe.
2. Quelle est l’idée de départ du film ?
Sept dirigeants mondiaux, perdus dans une forêt après la disparition de leur staff. Le prétexte est simple, le résultat bien plus ambigu. Pas tout à fait une comédie, pas tout à fait un film politique. Une fable nocturne et flottante sur l’incertitude, les relations humaines, et la chute des certitudes. Si satire il y a, elle n’est ni revendiquée ni frontale – elle vient malgré tout.
3. Pourquoi tant de gros plans ?
Parce que chaque dirigeant est une figure publique, habituée à être scrutée. Filmer leurs visages en gros plan devient ici un geste à la fois esthétique et politique. Cela remplace les longues répétitions par un travail chirurgical sur les regards, les silences et les ruptures d’intonation. Une mécanique millimétrée pour sculpter la tension, au cœur de la forêt et du pouvoir.
4. Une esthétique plus normale pour Guy Maddin ?
Oui et non. Rumours abandonne le grain fantomatique et les textures surannées de ses précédents films, mais pour mieux glisser vers un autre type de faux réalisme. L’image, nette et contemporaine, s’inspire de la neutralité glacée de CNN autant que des soap-operas. Le décor devient décor, volontairement artificiel. Et la nuit tombe comme un rideau de théâtre.
5. Une scène à retenir ?
Le Premier ministre canadien (Roy Dupuis) portant dans ses bras le président français (Denis Ménochet), tandis que ce dernier confie, d’une voix lasse, son désir de renoncer au pouvoir. Une scène suspendue, douce et étrange, à mi-chemin entre tendresse absurde et mélancolie politique. Les réalisateurs eux-mêmes y voient une parenté avec le cinéma d’Alexandre Sokourov – ce maître russe des ambiances lentes et flottantes, où le pouvoir vacille dans un murmure. Mais à Cannes, le public a ri énormément. Ce décalage entre intention et réception souligne à quel point Rumours échappe aux étiquettes : ni tout à fait comédie, ni tout à fait drame, il demeure insaisissable. Et c’est sans doute ce qui le rend si singulier.
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