Windows Phone : Autopsie d’un génie incompris


On entend souvent les passionnés de tech évoquer, avec une certaine nostalgie, cette époque bénie où le Windows Phone représentait ce que la modernité pouvait offrir de plus élégant. Une interface futuriste, fluide, minimaliste. Une UX pensée avec soin. Quelque chose qu’on n’avait jamais vu, et qu’on n’a toujours pas revu. À côté, Android semblait brouillon, iOS un peu rigide.

Mais alors, si c’était si bien… pourquoi ce système d’exploitation a-t-il disparu ? Pourquoi Microsoft, géant parmi les géants, fort d’un budget colossal, s’est-il planté aussi violemment avec un produit aussi prometteur ?
L’histoire du Windows Phone, c’est celle d’une vision brillante, et d’une exécution sabordée.

Le monde d’avant : quand le smartphone n’avait pas encore ce nom

Avant 2007, le terme “smartphone” n’était pas encore dans toutes les bouches. On parlait de PDA, de Palm Pilot, de BlackBerry… Et depuis 1996, Microsoft dominait ce marché naissant avec ses PC de poche sous Windows CE, devenu Windows Mobile. C’était puissant, mais complexe, et surtout pensé pour les pros.

Puis, en 2007, arrive l’iPhone. Un choc esthétique et fonctionnel. Une interface tactile, épurée, pensée pour le grand public. Un vrai basculement. Chez Microsoft, on rit jaune. La célèbre sortie de Steve Ballmer – hilare face au concept d’un smartphone sans clavier et vendu à prix d’or – est aujourd’hui un classique du bêtisier tech.

Android : la tempête open source

Google, plus discret, mais tout aussi attentif, réagit vite. Android, racheté en 2005, change de cap. Tout tactile. Et surtout : gratuit. Tous les constructeurs peuvent s’en emparer. Résultat ? Un raz-de-marée de smartphones abordables, souvent moyens au début… mais qui s’améliorent vite.

Microsoft, piqué au vif, refond tout. Deux ans de développement plus tard, sort Windows Phone 7 en 2010. Une petite révolution : interface radicale nommée Modern UI, flat design, tuiles dynamiques, lisibilité absolue. L’ergonomie inspirée de la signalétique des transports publics donne un OS clair, élégant, cohérent.

Un bel écrin, mais vide…

Un OS, aussi élégant soit-il, ne peut pas vivre sans écosystème. Et c’est là que le bât blesse. Le manque d’applications se fait vite sentir. Instagram ? 2013. Gmail ou YouTube ? Mal supportés. Certains développeurs portaient leurs apps… mais à minima, sans mises à jour. Et les utilisateurs, eux, ne pouvaient pas faire ce que les autres faisaient sur Android ou iOS.

Pire encore : dès 2012, Microsoft annonce Windows Phone 8, basé sur un nouveau noyau (Windows NT). Résultat : incompatibilité totale avec les Windows Phone 7. Deux ans après son lancement, l’OS devient obsolète. De quoi frustrer les premiers adoptants.

Un rachat pour sauver les meubles

Microsoft tente alors le tout pour le tout. En 2013, rachat de la division mobile de Nokia pour 7,2 milliards de dollars. Une somme colossale, même pour un géant. Nokia, de son côté, ne s’en sort plus avec Symbian. C’est un pari risqué, mais logique.

Et en Europe, le pari semble porter ses fruits : 10,8 % de part de marché en France, un record. Certains modèles comme le Lumia 520 ou le 920 deviennent cultes. On apprécie leur singularité, leur qualité photo, leur design. En France, on aime bien les rebelles, les alternatives. Un smartphone ni Android, ni Apple ? Séduisant.

Mais à l’international, la machine patine. Les États-Unis et la Chine, deux marchés essentiels, boudent Windows Phone. Et les tensions s’accumulent : fragmentation des versions, manque d’apps, stratégie hybride mal comprise.

L’ultime acte : Windows 10 Mobile

En 2015, Microsoft joue sa dernière carte : Windows 10 Mobile. Objectif : unifier l’écosystème PC, tablette et smartphone. Sur le papier, l’idée est brillante. Mais l’exécution manque de souffle. Et surtout, on sent bien que l’énergie est ailleurs : les efforts de communication sont concentrés sur la gamme Surface, qui séduit déjà davantage.

La suite ? Une lente agonie. En 2019, fin officielle du support. Le Windows Phone Store ferme ses portes. Fin de l’histoire.


Quatre leçons d’un échec brillant

  1. Arriver trop tard, même avec de bonnes idées. Trois ans après l’iPhone, l’écosystème iOS était en place. Android s’était imposé. Être bon ne suffit pas : il faut être dans le bon tempo.
  2. Un manque cruel d’applications-clés. Pas de YouTube, pas de Gmail, un Instagram limité… difficile de convaincre l’utilisateur moyen.
  3. Une fragmentation brutale. Le passage de Windows Phone 7 à 8 a laissé sur le carreau trop d’utilisateurs. Une fracture qui a sapé la confiance.
  4. Une vision mobile trop tardive. Microsoft, longtemps concentré sur le PC, n’a pas vu à temps que le smartphone allait devenir le terminal principal. Une erreur stratégique majeure.

Aujourd’hui, Microsoft a changé de stratégie : ses applications sont parmi les meilleures sur iOS et Android. Outlook, Office, OneDrive, Teams… on retrouve l’écosystème Microsoft, mais au sein des systèmes concurrents.

Reste une question en suspens : avec l’essor de l’IA, des objets connectés, et leur partenariat avec OpenAI… Microsoft pourrait-il revenir sur le marché mobile ?
La tech nous a appris une chose : rien n’est jamais vraiment fini.

Et vous ? Est-ce que vous utilisez encore une app Microsoft au quotidien ? Outlook ? OneNote ? Word ?
Et surtout : vous souvenez-vous de votre tout premier Lumia ?

Cet article s’inspire de la vidéo proposée par la chaine High Tech


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