Lettres siciliennes de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza plonge dans les méandres de la mafia sicilienne à travers une correspondance toxique entre Catello, un politicien disgracié, et Matteo, son filleul devenu parrain en cavale. Inspiré de la traque réelle de Matteo Messina Denaro, le film explore les liens organiques entre crime organisé et pouvoir politique, mêlant réalisme noir et dialogues incisifs ponctués de références bibliques. Loin des clichés du thriller violent, il dépeint l’univers clos des clans familiaux, où la trahison se niche dans les silences et les pizzini.
Le casting et le jeu d’acteur
Porté par Toni Servillo et Elio Germano, le film repose sur une opposition magistrale. Servillo incarne Catello avec une ambiguïté calculée : son personnage, oscillant entre roublardise et vulnérabilité, devient un illusionniste dont chaque geste trahit un calcul. Elio Germano, en Matteo halluciné, captive par une intensité brute, mêlant fureur contenue et obsession pour les rites mafieux. Leur duo efficace est épaulé par Barbora Bobulova (Lucia), en complice manipulée, et Daniela Marra (Rita), incarnant une Sicilienne tiraillée entre loyauté et révolte. Les seconds rôles, comme Giuseppe Tantillo (Pino), ajoutent une gravité sobre à cette fresque où chaque regard porte le poids des non-dits.

Le clap final d’un triptyque
Lettres siciliennes clôt un triptyque entamé avec Salvo (2013) et Sicilian Ghost Story (2017), où Fabio Grassadonia et Piazza interrogent la mafia comme symptôme culturel. L’arrestation en 2023 de Messina Denaro, après 30 ans de cavale, a servi de catalyseur. Les réalisateurs se sont inspirés de ses pizzini, mais aussi de la relation symbiotique entre Cosa Nostra et l’État, soulignant comment le pouvoir institutionnel protège parfois le crime. Le scénario, nourri d’archives judiciaires, évite le docudrame pour privilégier une tension psychologique, où la Sicile elle-même devient personnage à travers les contrastes de lumière de Luca Bigazzi. Le titre original Iddu (« Lui » en sicilien), surnom du vrai parrain, reflète cette approche à la fois intime et mythologique.
Notre avis – Doit-on aller voir le film Lettres Siciliennes ?
Un film noir Italien, c’est peut-être comme ça que l’on pourrait qualifier le film Lettres Siciliennes de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza. L’intrigue est marquée plusieurs événements qui révèlent la noirceur de l’âme et de la société. Sur qui peut-on encore compter ? Chacun des protagonistes jouent avec les cartes reçues, mais certains joueurs cachent dans leur manche un 5e As.
Malgré quelques longueurs, le film arrive par ses différentes couches narratives à nous emporter dans les méandres du combat entre l’officieux et l’officiel, le public et le privé. On saluera la qualité du travail de Luca Bigazzi en tant que directeur de la photographie. Un film à voir si on aime le cinéma italien et les lourdes ambiances prenantes.

Un genre particulier – Entre Film Noir et Film polico-dramatique
Le film s’inscrit dans la tradition du film noir tout en proposant une relecture singulière, transposée dans une Sicile contemporaine marquée par la corruption et les non-dits. À travers la correspondance secrète entre un politicien corrompu et un parrain mafieux en cavale, le film déploie une ambiance de tension feutrée où les mots pèsent plus que les balles. Visuellement, il mêle contrastes méditerranéens et clairs-obscurs oppressants, convoquant l’esthétique noire malgré l’usage de la couleur. En évitant les figures classiques du détective et en proposant une femme fatale aux loyautés mouvantes, Lettres siciliennes préfère la suggestion au spectaculaire. La structure narrative complexe, nourrie de pizzini (Messages manuscrits codés utilisés par la mafia sicilienne. Ndlr) et de trahisons, illustre un fatalisme biblique et un regard désabusé sur le pouvoir. Ce film noir hybride mêle réalisme cru et fatalisme sicilien ouvrant l’œuvre à une redéfinition du genre.
À écouter – la chronique radiofrance.fr
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16 avril 2025 en salle | 2h 10min | Drame, Thriller
De Fabio Grassadonia, Antonio Piazza |
Par Fabio Grassadonia, Antonio Piazza
Avec Toni Servillo, Elio Germano, Daniela Marra
Titre original Iddu (Sicilian Letters)
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Une réflexion sur “Lettres siciliennes – Le film sur les noirceurs de l’âme de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza au pays des pizzini.”