Bergers – Un publiciste québécois rêve de donner un sens à sa vie. Il lit beaucoup et écrit beaucoup, fantasmant le quotidien des bergers. Sophie Deraspe propose un film qui alterne douceur et clichés, comme pour montrer le regard d’un novice qui peu à peu se heurte à la réalité du terrain.

La réalisatrice dépeint le métier de berger à travers le parcours de Mathyas, un publicitaire montréalais qui quitte tout pour devenir berger en Provence. Le film suit son apprentissage, montrant les défis physiques et émotionnels qu’il affronte dans ce nouveau mode de vie. Cependant, la réalisatrice, tout comme son protagoniste, semble parfois se perdre dans une vision idéalisée du pastoralisme. Les paysages alpins magnifiques et l’attrait d’une vie plus simple sont mis en avant, créant une atmosphère presque onirique.
Cette rêverie est brutalement interrompue par l’entrée en scène du loup, symbole de la dure réalité du métier de berger. Cet événement rappelle les véritables dangers et difficultés auxquels font face les bergers, au-delà de l’image romantique présentée jusque-là. Le film bascule alors vers une représentation plus authentique des défis quotidiens, notamment la menace constante que représentent les prédateurs pour les troupeaux. Ce contraste soudain entre le rêve et la réalité souligne la complexité d’un métier ancestral confronté aux enjeux modernes.
L’éternelle opposition de l’Homme et la Nature
Ici, nous avons l’éternel dilemme entre la Nature et l’Homme, certains défendant le retour des loups et d’autres montrant les risques pour leurs troupeaux.
Le personnage du berger d’origine magrébine est affublée de tous les clichés qu’on trouve sur les hommes solitaires et rustres, le personnage contrastant fortement avec le protagoniste en quête existentiel.
Le film tape sur les différentes couches sociales : l’Onf que l’on accuse d’introduire le loup, les fonctionnaires planqués qui ne travaillent pas. Bref, si tout cela vient en pagailles se percuter sur le rêve candide de Mathyas, c’est peut-être pour mieux sublimer ce qui ne l’est pas. Les bergers travaillent dur et se tuent à la tâche, le côté bucolique n’existe pas.
Félix-Antoine Duval tient le rôle de Mathyas, il livre une performance singulière, incarnant avec justesse la transformation de son personnage face aux défis du pastoralisme. À ses côtés, Solène Rigot offre une interprétation troublante d’Élise, une jeune femme perdue dans un monde de réseaux sociaux et de factures, qui trouve un nouveau sens à sa vie lors d’une transhumance. Le casting comprend également Guilaine Londez et David Ayala dans des rôles de soutien. La distribution est complétée par Bruno Raffaelli, Véronique Ruggia, Younès Boucif et Michel Benizri, qui apportent de la profondeur à cette histoire de quête identitaire et de retour à la nature.

Un film sur le retour vers soi et l’essentiel
Le film Bergers est né de l’adaptation du roman autobiographique D’où viens-tu berger ? de Mathyas Lefebure, publié en 2006. Sophie Deraspe, la réalisatrice, a été séduite par ce récit initiatique et philosophique. Cette histoire de quête de sens et de retour à la nature l’a profondément inspirée. Pour l’adaptation, Mathyas Lefebure a co-scénarisé le film, apportant son expérience personnelle et son regard sur la vie de berger. Le résultat a été une fusion entre le naturalisme de l’expérience vécue et une dimension romanesque, créant une œuvre cinématographique qui dépasse le cadre du simple récit autobiographique.
La réalisatrice a beaucoup travaillé et a dépassé la simple adaptation. Entre pandémie, questionnement existentialiste et réflexions sur le climat, Bergers est brutal comme cet orage dans les hauteurs.
La réalisatrice confie avoir pris beaucoup de libertés en s’appropriant l’œuvre de Mathyas Lefebure. En peaufinant le scénario et après plusieurs voyages de repérage en Provence, elle a décidé de laisser davantage de place aux images qu’aux mots. « Le film est devenu autre chose par rapport au roman », explique-t-elle en interview*. Le projet a évolué, se distanciant progressivement du livre pour devenir une entité cinématographique autonome. Cette démarche a permis d’enrichir le film d’une réflexion poétique sur l’identité, la liberté et la réconciliation avec la nature, tout en préservant l’essence du voyage initiatique du protagoniste.
La réalisatrice souligne également l’impact des événements mondiaux sur sa vision du film. « Pendant la préparation du tournage, on a vécu une pandémie qui nous a fait réaliser que notre monde pouvait basculer d’un jour à l’autre. Puis, il y a eu des guerres et une crise climatique. » Ces bouleversements ont conduit la réalisatrice à se fixer une mission particulière pour le film : « Je me suis donné la mission de faire un film qui fait du bien. J’avais envie que les spectateurs soient transportés et vivent des choses parfois difficiles, parfois brutes, mais souvent sublimes. Je voulais qu’en sortant de la salle de cinéma, ils aient envie de vivre. » Ce désir de proposer une expérience cinématographique enrichissante, où les spectateurs peuvent réfléchir tout en étant touchés émotionnellement, a guidé la réalisation de Bergers.
*Source de l’interview Journal de Montréal
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9 avril 2025 en salle | 1h 53min | Comédie dramatique
De Sophie Deraspe |
Par Sophie Deraspe
Avec Félix-Antoine Duval, Solène Rigot, Guilaine Londez
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Une réflexion sur “Bergers – L’idéalisation de la Nature à travers les yeux d’un Montréalais perdu en Provence.”