LIRE LOLITA À TÉHÉRAN nous emporte dans une adaptation du roman d’Azar Nafisi par Eran Riklis. Un film avec une résonance plus qu’actuelle, montrant les dangers d’une pensée unique sans éclairage possible d’un fonctionnement critique. Le film met en lumière la résistance des femmes iraniennes face à l’oppression à travers la littérature. Malgré un casting prestigieux et une mise en scène soignée, le film peine à restituer la force et l’urgence du récit original. Plutôt qu’un cri de révolte, il propose une vision plus sage des injustices, là où les femmes en Iran bravent chaque jour l’interdit au péril de leur vie. Une œuvre importante, mais qui aurait mérité plus d’intensité.

Les risques d’un monde avec une pensée unique
On découvre par ce film l’importance de la littérature et des arts, la fois dans ces œuvres permettant de lutter contre la morosité du quotidien. Les mots interdits libèrent la pensée de l’asservissement. Finalement, ici, on prend conscience des paradoxes et de l’absurde, dans une société où toutes les femmes sont des Lolitas soumises à des pervers.
Lire Lolita à Téhéran ne se limite pas aux dangers d’une religion d’État et intégriste, mais également à la dérive d’une pensée dominante. Les œuvres que l’on décide d’exclure et de mettre sous silence sous prétexte qu’en les niant, on puisse les faire cesser d’exister. On pense beaucoup en regardant le débat sur les différences culturelles à celui de la Cancel Culture et l’affaire autour des romans remaniés comme Autant en emporte le vent. L’idéal ne serait-il pas de mettre des warnings et éduquer les lecteurs à chercher à comprendre les contextes historiques des œuvres plutôt que de les interdire ou de les modifier ?
On ne doit pas toucher une femme, mais la violer c’est ok ?
Toucher hors mariage une femme est interdit par la loi coranique, mais la violer ? Le viol est une arme pour priver une femme de ses droits (déjà si peu existant), l’exclure de la société et aussi lui interdire l’accès au paradis.
On a dans ce film une mise en avant des paradoxes de la religion : On parle de libres arbitres, mais sans cesse, on dit que Dieu est derrière toute chose, en définitive la pensée unique pousse à la division des choses. Le viol est-il le choix de Dieu ou des Hommes ?
Quoi qu’il en soit, on remarque que l’Amour n’est pas le sexe. Il y a des femmes pour le mariage et d’autres pour le sexe. Autre réflexion portée par ce film, la Religion n’est pas l’État, l’un devrait rester le domaine du droit et des institutions quant à l’autre rester le propre de la pensée intime et du culte.
En cas d’effondrements des idéaux imposés, le retour à la réalité est brutal, poussant certains au suicide. Il y a une prise de conscience violente et un écroulement des convictions. Est-ce du fatalisme, un cri du cœur ou un acte de lutte existentialiste ?

Un film de stars qui oublie la puissance originelle de l’œuvre.
Si le film porte plusieurs messages importants sur les dangers du totalitarisme théologique, économique, politique, sécuritaire et philosophique. Le casting avec toutes les stars iraniennes offre un défilé de people au détriment de la recherche d’une vraie émotion communicative. On se retrouve face à une adaptation fade qui n’arrive pas à jongler entre mission politico-sociale et mise en scène du romanesque. On sent que certaines figures du cinéma iranien sont là pour aider le film à justifier ses racines pour ne pas se perdre dans les méandres du cinéma américain victime de sa bonne morale. Pourtant, quand on a une brochette d’actrices et d’acteurs aussi talentueux, on peut s’offrir les plus scènes du monde… Mais il n’en est rien, on sent un message trop sage, là où l’Iran est le pays où les femmes se battent dans la rue en défiant l’autorité masculine et religieuse. On ne trouve pas cela, on voit simplement une longue liste de chose qui dérangent sans pour autant mettre en scène le combat. Certes, mettre en scène des femmes se faire battre et des manifestations étudiantes permettent de souligner le problème. Passer après Mon gâteau préféré, nécessite de savoir manier le sujet en montrant réellement la révolte des femmes en Iran pour ce qu’elle est.
Peut-être la jeunesse a compris le message et la chanson de Tom Odell demeure l’un des plus bels hymnes de soutien aux femmes iraniennes !
L’origine de l’adaptation
L’adaptation cinématographique de Lire Lolita à Téhéran, réalisée par Eran Riklis, est un projet attendu qui s’inscrit dans un contexte littéraire et politique fort. Basé sur le roman autobiographique acclamé d’Azar Nafisi, le film explore les thèmes de la liberté intellectuelle et de la résistance culturelle face à l’oppression. Le livre, publié en 2003, a rencontré un succès international en offrant un regard intime sur la vie des femmes en Iran après la révolution islamique. L’adaptation vise à transposer cette histoire poignante à l’écran, en recréant l’atmosphère étouffante de Téhéran dans les années 1970 et 1980. Le film, tourné entièrement en Italie pour reconstituer le Téhéran de la période révolutionnaire (1975-1980), il raconte l’histoire d’Azar Nafisi, une professeure qui réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime iranien. Cette adaptation se veut prôner le pouvoir libérateur de la littérature dans un contexte d’oppression croissante.
Le casting du film est composé exclusivement d’acteurs et actrices iraniens exilés, choisis pour leur authenticité et leur expérience personnelle. Golshifteh Farahani (Mensonges d’Etat) incarne Azar Nafisi, la protagoniste principale. Zar Amir Ebrahimi (Les Nuits de Mashhad) joue le rôle de Sanaz. Mina Kavani interprète Nassrin. Bahar Beihaghi est Mahshid. Arash Marandi incarne Bijan. Catayoune Ahmadi joue Mahtab. Sina Parvaneh joue Nyazi. Isabella Nefar est Manna. Lara Wolf incarne Azin. Shahbaz Noshir joue Le Magicien. Reza Diako interprète M. Bahri. Ash Goldeh est Nima et Arash Ashtiani incarne Le Gardien. Ensemble réunis pour tenter de donner vie à l’histoire de ces femmes qui trouvent refuge et liberté dans la littérature, malgré l’oppression du régime fondamentaliste. Bien que cette adaptation cherche à capturer l’essence du livre, célébrant le pouvoir libérateur de la littérature dans un contexte d’oppression croissante. Il semble être piégé dans son occidentalisation de l’œuvre.
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26 mars 2025 en salle | 1h 47min | Drame
De Eran Riklis |
Par Marjorie David
Avec Golshifteh Farahani, Zar Amir Ebrahimi, Mina Kavani
Titre original Reading Lolita in Tehran
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Une réflexion sur “Lire Lolita à Téhéran – Un film troublant et porté par un casting d’élite des meilleures actrices iraniennes.”