Le dernier film de Naoko Ogigami, Le Jardin Zen, qui sortira le 29 janvier, est une œuvre qui défie les attentes et bouscule les conventions. Sous l’apparence trompeuse d’une quête de sérénité, le film dévoile une réalité bien plus complexe et troublante de la société japonaise contemporaine.
Le Japon et les sectes zen : une réalité préoccupante
Le film s’inscrit dans un contexte japonais où les sectes religieuses, notamment celles se réclamant du zen, occupent une place importante. Avec plus de 230 000 groupes religieux recensés, le Japon est un terreau fertile pour ces organisations qui promettent paix intérieure et sens à la vie. Le Jardin Zen aborde de front cette réalité, en mettant en scène Yoriko, une femme qui a trouvé refuge dans une secte vouée à l’eau après l’abandon de son mari.
Cette thématique fait écho à des événements récents qui ont secoué le Japon, comme l’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, lié à la controversée secte Moon. Le film soulève ainsi des questions cruciales sur la place de ces mouvements dans la société japonaise et leur impact sur les individus en quête de sens.

Une héroïne ambivalente : entre pureté et perversion
Au cœur du film se trouve Yoriko, un personnage complexe et fascinant. Sa quête de pureté spirituelle contraste fortement avec des tendances sadiques et perverses qui émergent au fil du récit. Cette dualité est magistralement incarnée par l’actrice Mariko Tsutsui, connue pour sa capacité à jouer des rôles nuancés et profonds.
Yoriko, initialement présentée comme une adepte fervente de la secte de l’eau, voit sa vie bouleversée par le retour inattendu de son mari. Ce retour agit comme un catalyseur, révélant les fissures dans sa façade de sérénité et déclenchant une spirale d’événements qui remettent en question sa foi et son identité. Progressivement, le calme apparent se dissipe peu à peu, laissant surgir les laves de sa colère.
Portrait de la solitude : une femme en quête d’elle-même
Ce film dresse un portrait saisissant de la solitude dans la société japonaise contemporaine. Yoriko incarne cette quête désespérée d’appartenance et de sens dans un monde où les apparences et les conventions sociales pèsent lourdement. Le film explore avec finesse les pressions silencieuses exercées sur les femmes japonaises pour qu’elles se conforment aux rôles d’épouses et de mères parfaites.
La réalisatrice Naoko Ogigami aborde ces thèmes avec un humour noir décapant, mettant en lumière l’absurdité de certaines situations tout en soulignant leur gravité. Elle déclare : « Je trouve étouffant d’être une femme au Japon et j’ai fait ce film dans l’espoir de changer cela« . Cette approche permet au film de transcender le simple commentaire social pour devenir une méditation profonde sur la nature humaine et la quête de sens.
Mariko Tsutsui : une performance saisissante
La performance de Mariko Tsutsui dans le rôle de Yoriko est l’un des points forts du film. Actrice polyvalente, Tsutsui apporte une profondeur remarquable à son personnage. Sa capacité à jongler entre la dévotion religieuse apparente et les tourments intérieurs de Yoriko est particulièrement impressionnante.
Tsutsui, qui a déjà brillé dans des films comme « Harmonium » et « A Girl Missing », confirme ici son statut d’actrice de premier plan du cinéma japonais contemporain. Sa performance dans « Le Jardin Zen » est d’autant plus remarquable qu’elle parvient à transmettre la complexité émotionnelle de Yoriko sans jamais tomber dans le cliché ou la caricature.
Une esthétique au service du propos
L’esthétique du film joue un rôle crucial dans la transmission de son message. Le travail subtil sur la lumière et la composition des plans crée une atmosphère qui, bien que paisible en apparence, est chargée de tensions sous-jacentes. Cette approche visuelle reflète parfaitement l’état d’esprit de Yoriko et la dualité de son monde intérieur.
Le jardin zen, élément central du film, devient une métaphore puissante de la vie de Yoriko. Soigneusement entretenu et ratissé, il représente la façade de perfection qu’elle s’efforce de maintenir. Cependant, comme le jardin perturbé par des intrusions extérieures, la vie ordonnée de Yoriko est bouleversée par le retour de son mari et les événements qui s’ensuivent.
Un film qui marque les esprits
Le Jardin Zen s’affirme comme une œuvre cinématographique importante, qui va bien au-delà d’une simple critique sociale. C’est un film qui interroge profondément sur la nature de la spiritualité, les mécanismes d’adaptation face à la solitude et les pressions sociétales. Naoko Ogigami réussit le tour de force de créer un film à la fois drôle, grinçant et profondément émouvant.
En abordant des thèmes aussi complexes que les dérives sectaires, la place des femmes dans la société japonaise et la quête de sens individuelle, ce film s’impose comme un film important du cinéma japonais contemporain. Il invite le spectateur à réfléchir sur ses propres croyances et sur la façon dont nous cherchons tous, à notre manière, à donner un sens à notre existence dans un monde souvent déroutant et aliénant.
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29 janvier 2025 en salle | 2h 00min | Comédie dramatique
De Naoko Ogigami
Avec Mariko Tsutsui, Hana Kino, Akira Emoto
Titre original Hamon
Le Jardin Zen de Naoko Ogigami, en salle le 29 janvier, explore avec finesse la quête de sens et les dérives sectaires dans la société japonaise. Suivant Yoriko, femme tiraillée entre foi et troubles intérieurs, le film mêle critique sociale, humour noir et esthétique poétique, porté par Mariko Tsutsui.
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Une réflexion sur “Le Jardin zen – Un film brutal malgré une image de plénitude”