La mer et ses vagues, une histoire sur des thématiques universelles, cristallisée par la poésie et le chant


Le duo de cinéaste franco-libanais Liana et Renaud nous offre un film surprenant et audacieux. La Mer et ses vagues, leur premier long-métrage, est une œuvre courageuse qui sort des frontières du cinéma conventionnel. Sélectionné à l’ACID Cannes 2023, est une odyssée poétique qui nous plonge dans les profondeurs de Beyrouth, une ville marquée par la crise et l’espoir.

L’intrigue se déploie en deux récits parallèles, tels deux courants marins qui s’entrechoquent. D’un côté, nous suivons Najwa et Mansour, jeunes amoureux en quête d’un meilleur avenir en Scandinavie. De l’autre, nous découvrons Selim, gardien d’un ancien phare, qui lutte pour ramener la lumière dans son quartier. Ces destins croisés tissent une toile complexe de désirs, de luttes et d’aspirations, reflétant la réalité d’un Liban en proie à de multiples défis.

Un film expérimental et poétique

Le style du film est résolument expérimental, mêlant avec audace le drame, le théâtre et la poésie. Les réalisateurs ont créé un langage cinématographique unique, où la musique et les chants jouent un rôle prépondérant. L’esthétique soignée, avec une attention particulière portée à la lumière et aux couleurs, transforme Beyrouth en un tableau vivant, oscillant entre beauté brute et désolation.

On a l’usage de filtre de couleur, qui vont venir apporter une dimension tragique au road trip des deux amoureux. Soulignant le côté insurmontable de la fuite. Usant sans cesse de la force des mots et de la musique, le duo de réalisateurs offre une dimension tragique au récit. Utilisant la poésie et le chant comme un outil cathartique et narratif, comme ils l’étaient déjà dans la tragédie gréco-romaine. Le couple d’amant devient des Roméo & Juliette cherchant un lieu pour vivre leur amour, tandis que Selim devient un Prométhée voulant offrir la lumière aux hommes.

Le thème universel de la fuite

La Mer et ses vagues traite des thèmes universels avec une sensibilité particulière. La fuite et l’espoir d’un ailleurs résonnent profondément dans un monde marqué par les migrations. La lutte pour la survie dans un pays en crise est dépeinte avec une justesse poignante. L’amour et la quête de l’accomplissement personnel s’entremêlent habilement avec la représentation d’une société où pauvreté et symboles du capitalisme coexistent de manière frappante.

Le contexte social et politique du Liban est omniprésent, sans pour autant verser dans le documentaire. L’inflation galopante, les problèmes politiques chroniques et les défaillances infrastructurelles sont autant d’éléments qui façonnent l’univers du film. Les réalisateurs parviennent à évoquer la réalité des migrations forcées et le rôle trouble des passeurs, tout en maintenant une approche poétique qui transcende le simple constat.

L’un des plus grands mérites de ce film réside dans sa capacité à fusionner différentes formes artistiques. Le cinéma, le théâtre, la littérature et la peinture s’entrechoquent pour créer une expérience sensorielle unique. Cette approche multidisciplinaire n’est pas gratuite : elle vise à éveiller les consciences, à pousser le spectateur à la réflexion sur des enjeux sociétaux cruciaux. On a aussi cette répétition du double et aussi des oppositions. La jeune femme découvre son double en pleine rue, symbolique de ce qu’elle tente de fuir dans ce monde en ruine.

Comment est né ce film ?

La genèse du film est elle-même une histoire de persévérance. Dix ans de maturation ont été nécessaires pour donner vie à ce projet ambitieux. Les difficultés de financement, dues à un synopsis peu conventionnel, témoignent des défis auxquels font face les cinéastes qui osent sortir des sentiers battus. Paradoxalement, la pandémie a offert aux réalisateurs une toile de fond inattendue : une ville vidée de ses habitants, créant une atmosphère onirique qui sert admirablement le propos du film.

Parfois, après quelques plans d’une ville quasi déserte, on découvre les blessures qu’on ne montre pas. Comme pour symboliser le non visible et pourtant très ancré en nous.

La Mer et ses vagues est une œuvre qui ne laissera personne indifférent. Sa sortie prévue en France le 29 janvier 2025, il offre un moment cinématographique. Liana et Renaud signent ici un premier long-métrage d’une maturité étonnante, qui ose prendre des risques artistiques tout en restant profondément ancré dans les réalités de notre époque. C’est un film qui nous rappelle que le cinéma, à son meilleur, peut être à la fois un miroir de notre société et une fenêtre ouverte sur de nouveaux horizons artistiques. Un cinéma qui ose sortir du conventionnel pour apporter un peu de lumière à l’humanité.

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Note : 3 sur 5.

29 janvier 2025 en salle | 1h 25min | Drame
De Liana & Renaud | 
Par Liana & Renaud
Avec Roger Assaf, Hanane Haji Ali, Mays Mustafa


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