Les Rayons Gamma, le nouveau film d’Henry Bernadet qui sera disponible le 13 janvier sur UniversCiné, offre un portrait saisissant et authentique de la jeunesse montréalaise contemporaine. Cette œuvre, à la fois intime et sensible, nous plonge au cœur de l’adolescence dans le quartier Saint-Michel, mêlant habilement fiction et documentaire.
Une fresque urbaine vivante
Le film nous présente trois histoires entrelacées : celle d’Abdel, dont la vie est bouleversée par l’arrivée de son cousin extraverti ; Fatima, qui cherche à s’éloigner de mauvaises fréquentations ; et Toussaint, qui découvre une mystérieuse bouteille échouée contenant un message. À travers ces récits, le réalisateur capture l’essence même de la jeunesse montréalaise, sans artifices ni embellissements.
La mise en scène, bien que ne cherchant pas explicitement à sublimer les lieux, parvient à révéler une beauté inattendue dans des endroits souvent considérés comme peu attrayants. Le réalisateur explique : « J’ai filmé ce quartier en essayant d’y trouver l’aspect poétique, le mystérieux.» Cette approche crée une forme de nostalgie immédiate, nous rappelant notre propre jeunesse tout en restant ancrée dans le présent.

Une exploration de l’identité
Un langage cru mais authentique
L’un des aspects les plus frappants du film est son utilisation d’un langage très actuel et parfois grossier. Bien que cela puisse initialement choquer, cette authenticité linguistique s’avère cruciale pour représenter fidèlement la réalité de ces jeunes. Ce choix audacieux met en lumière un paradoxe sociétal : alors que les adultes critiquent souvent la vulgarité de la jeunesse, les adolescents eux-mêmes sont déconcertés par l’agressivité et le stress omniprésents chez les adultes.
Le film aborde avec finesse des questions d’immigration, de racisme systémique, de violences ordinaires et de précarité économique, sans jamais tomber dans la caricature. On a ces différentes confrontations culturelles entre ceux jouant au Soccer et ceux parlant du Foot (us). L’amour pour des clubs français et européens. Le tout dans un contexte pro nord américain : le bal de fin d’année (des terminant), les prix de participations etc… Le film offre un espace de réflexion sur l’identité québécoise, révélant les complexités et les défis auxquels font face ces jeunes issus de l’immigration.
Une jeunesse qui se cherche dans un monde d’adultes perdus
En interview, Henry Bernadet souligne : « Je crois qu’on a beaucoup de chemin à faire, malheureusement, pour que plusieurs d’entre eux et elles se sentent québécois et québécoise. ». Cette exploration de l’identité ajoute une profondeur significative au film, le rendant à la fois pertinent et touchant. À croire que depuis les années 70 et Starmania, le monde ne peut trouver son équilibre, perdu entre les rêves d’exister et ceux de pouvoir trouver une identité racinaire.
Si le film fonctionne, c’est probablement grâce à sa méthode filmique, qui mêle documentaire et fiction, confère au film une authenticité rare. En travaillant étroitement avec de jeunes acteurs amateurs et en incorporant leurs expériences personnelles, le réalisateur parvient à capturer une vérité brute et émouvante. Cette approche permet aux spectateurs de s’immerger pleinement dans la réalité de ces jeunes, créant une connexion émotionnelle forte.
Ne pas savoir où aller et comment être au présent
Le film soulève des questions profondes sur la jeunesse contemporaine, notamment à travers le paradoxe du questionnement « où vous voyez-vous dans cinq ans ?» phrase sans cesse utilisée au cours des entretiens pour des jobs. Cette interrogation, souvent posée par les adultes, semble particulièrement absurde dans un contexte où les jeunes eux-mêmes peinent à définir leur présent. En effet, le film met en lumière une jeunesse qui navigue entre incertitudes et aspirations, tout en étant confrontée à un monde adulte qui ne sait pas mieux où il se dirige.
Au Québec, ce dilemme est exacerbé par un multiculturalisme complexe, où les tensions entre anglophones, francophones et immigrants créent un paysage social chargé de défis. Les personnages du film, tels qu’Abdel et Fatima, incarnent cette réalité, illustrant les luttes contre le racisme et l’isolement au sein de leur propre communauté. Leurs expériences révèlent un malaise partagé : alors que les adultes jugent la jeunesse comme vulgaire et désinvolte, ces derniers sont eux-mêmes déconcertés par le stress et la dépression qui caractérisent la vie des adultes. Chacun des membres de la société utilisent ses propres frustrations pour définir son rejet de l’autre, mais l’autre vis la même chose de manière analogue. Le film devient alors une réflexion poignante sur l’identité et l’appartenance dans une société en mutation.
Les Rayons Gamma se distingue comme une œuvre cinématographique qui saisit avec justesse l’essence de la jeunesse montréalaise contemporaine. En évitant les clichés et en embrassant la complexité de ses sujets, le film offre un regard honnête et empathique sur une génération en quête d’identité et de reconnaissance. Bien que le langage cru puisse initialement surprendre, il s’avère être un élément essentiel de l’authenticité du film.
Cette œuvre nous invite à redécouvrir Montréal à travers les yeux de sa jeunesse diverse, nous rappelant l’importance de l’empathie et de la compréhension intergénérationnelle. Les Rayons Gamma n’est pas seulement un film sur l’adolescence ; c’est un miroir tendu à notre société, nous incitant à réfléchir sur nos préjugés et nos responsabilités envers les générations futures.
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13 janvier 2025 en VOD | 1h 39min | Comédie dramatique, Documentaire
De Henry Bernadet |
Par Henry Bernadet, Isabelle Brouillette
Avec Chaïmaa Zineddine Elidrissi, Chris Kanyembuga, Yassine Jabrane
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Une réflexion sur “Les Rayons Gamma, une jeunesse se cherchant dans un monde d’adultes perdus”