On a vu pour vous Babygirl de Halina Reijn


Babygirl de la réalisatrice Halina Reijn peut se venter d’avoir réussi à mettre en place un film avec une tension durant l’ensemble du film avec des acteurs-actrices investis. Cependant, ce film se voulant moderne et féministe sur le désir, le plaisir et le droit à l’orgasme pour les femmes. En misant uniquement sur sa direction d’acteur et le sensationnel, il finit par se perdre sans chercher à sauver son héroïne du carcan de la société modèle américaine.

La prestation des acteurs -actrices sont surprenantes, contrairement à May-December, ici on va explorer le désir, l’attachement et la recherche de l’orgasme du point de vue de la femme.
Tout comme May December on a le regard de la société sur une relation vue comme malsaine, mais on y ajoute une dimension d’un jugement de déviance, de névroses féminine à vouloir assouvir des fantasmes de dominations. Nous sommes proches des théories régressistes de l’Hystérie.

Le terme féministe en lui-même est à prendre entre parenthèse, car le film dénonce et soumet l’héroïne à la fin. S’excuser ou demander pardon permet de relever ce qui cloche dans une relation tout en voulant soit changer les choses, soit revenir à l’état initial. Bien souvent, chercher à faire la paix permet de sauver les meubles en gardant l’eau du bain. Dans ces conditions-là, Babygirl devient un film antiféministe, car il cautionne le patriarcat étouffant.

Copyright Constantin Film / Niko Tavernise

Un film sur l’hypocrisie de l’ascension des femmes dans le monde des affaires

Dans un monde où le cinéma joue un rôle crucial dans la formation des perceptions sociales, il est regrettable que Babygirl se positionne comme un film faussement-féministe voir anti-féministe, renforçant involontairement les structures patriarcales qu’il prétend critiquer. Contrairement à May-December, qui ose explorer des relations non conventionnelles en défiant les normes sociales, Babygirl semble s’enliser dans les stéréotypes qu’il cherche à dénoncer.

Le film souffre principalement de sa représentation paradoxale de l’émancipation féminine. L’héroïne, qui se présente comme un modèle pour les jeunes femmes ambitieuses, finit par perpétuer les schémas de domination masculine dans le monde professionnel. En refusant la promotion à son assistante-collaboratrice, elle reproduit les comportements qu’elle prétend combattre, illustrant ainsi les contradictions inhérentes à un certain féminisme de façade qui ne remet pas en question les structures de pouvoir existantes.

Copyright Constantin Film / Niko Tavernise

L’hypocrisie apparente du film réside dans sa critique superficielle du statu quo, tout en réaffirmant constamment la soumission des femmes à l’ordre établi. L’héroïne, prisonnière de l’idéal américain traditionnel – famille parfaite, belle maison, apparence irréprochable – incarne finalement une « tradwife » déguisée en femme d’affaires. Cette représentation ambiguë renforce l’idée que le succès féminin passe nécessairement par l’adoption des codes masculins dominants, sans réellement remettre en question le système patriarcal sous-jacent.

Babygirl, sous la direction de Halina Reijn, promettait un regard féministe audacieux sur le désir et l’émancipation, mais s’égare dans des contradictions. En maintenant l’héroïne prisonnière des normes patriarcales, le film finit par perpétuer les schémas qu’il prétend dénoncer, laissant un goût d’inachevé. Malgré des performances convaincantes, Babygirl tombe dans l’écueil d’un féminisme de façade, où l’apparente quête de liberté se heurte à une soumission insidieuse aux attentes sociales. Plutôt que de briser les codes, le film semble les renforcer, diluant ainsi son message initial dans une vision régressive.

Notre contre-analyse : Romy une femme courageuse, car elle a su aller au bout de son désir, mais fini par choisir de sauver sa famille

La scène finale où Romy rampe devant son mari, suscite effectivement des réactions mitigées. D’un côté, on pourrait y voir une régression du personnage, une capitulation face aux normes sociales qu’elle avait osé défier. Cependant, cette action peut aussi être interprétée comme un choix conscient de Romy, reflétant la complexité de sa situation.

Il est crucial de considérer que si elle n’avait pas adopté cette posture, le risque aurait été grand de la rendre détestable aux yeux du spectateur. En effet, sans ce geste d’humilité, Romy aurait pu apparaître comme méprisant totalement son mari et sa famille au profit d’une simple aventure extraconjugale. En choisissant de la montrer dans cet état de vulnérabilité, le film lui confère une dimension plus nuancée, celle d’une femme « perdue » qui, dans un acte désespéré, s’abaisse et s’excuse dans l’espoir de préserver son foyer.

Choisir sa famille n’est pas humiliant mais noble

En s’humiliant ainsi, elle ne détruit pas nécessairement son personnage, mais révèle plutôt sa vulnérabilité et son désir de préserver sa famille. Cette interprétation offre une perspective plus équilibrée, permettant de ne pas réduire le film à un simple message anti-féministe. Au contraire, elle met en lumière les dilemmes moraux et émotionnels auxquels peuvent être confrontées les femmes, prises entre leurs désirs personnels et leurs responsabilités familiales.

Le geste de Romy peut être vu comme un acte de courage, reconnaissant ses erreurs tout en essayant de sauver ce qui lui est cher, ajoutant ainsi une dimension plus profonde et réaliste à son personnage. Cette nuance évite de réduire le film à une simple critique anti-féministe, en montrant les dilemmes auxquels font face les femmes qui cherchent à concilier leurs désirs personnels avec leurs responsabilités familiales, ajoutant ainsi une profondeur psychologique au personnage et à l’œuvre dans son ensemble. Elle devient véritablement une femme, pas une femme fatale, mais une femme qui a cédé à un désir et qui finit par l’assumer auprès de ce qui est le plus cher à ses yeux : sa famille et le projet de sa vie, incluant sa carrière.

N’oublions pas que l’image publique influence beaucoup les actionnaires et la vie d’une entreprise, il n’est donc pas inconcevable que Romy doit savoir sauver ce qui est sauvable tout en assumant ses erreurs. Partir en laissant tout en plan aurait fait d’elle quelqu’un certes d’entière, mais inconséquente et sans valeur morale. Quoi qu’il en soit, l’éthique et la morale sont souvent en proie à des dilemmes et paradoxes – choisir la raison ou le cœur ? – Qui sait et comment y répondre ? Le film prend une dimension plus profonde si on accepte qu’il dévoile la vie d’une femme ayant fauté contre ses valeurs et sa famille. Cependant, toute sa vie, elle a menti en faisant croire à son mari qu’elle prenait du plaisir avec lui. Cette situation montre à quel point la vie pour le bien de tous mène au mensonge : Refuser ses propres désirs est un mensonge à soi-même, mais perdurer le simulacre de coït à son époux pour lui faire plaisir ou avoir « la paix » est-il moral ? Voyez-vous, qui a déjà fauté par accumulation de frustration et d’auto-mensonge ? Notre société est un ensemble de conventions sociales paradoxales et l’éthique en soi est paradoxale, car dépend sans cesse de référentiels et de degré. Finalement, Romy est en quelque sorte une héroïne tragique comme l’état Antigone, perdu entre la morale et le désir d’honorer ce qui est charitable.

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Note : 3 sur 5.

15 janvier 2025 en salle | 1h 48min | Erotique, Thriller
De Halina Reijn | 
Par Halina Reijn
Avec Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas


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