Everybody Loves Touda de Nabil Ayouch, présenté au Festival de Cannes 2024, s’efforce de dépeindre une femme libérée et moderne dans un contexte marocain conservateur, mais cette tentative s’avère en grande partie vaine. Le film suit Touda, une chanteuse aspirant à devenir une « Cheikha », artiste traditionnelle marocaine, dans sa quête d’émancipation et de reconnaissance artistique. Malgré les intentions louables du réalisateur, le récit tombe dans les pièges du mélodrame classique, renforçant paradoxalement les stéréotypes qu’il cherche à combattre.
Un film d’ambiance avec une héroïne est intense et entière
Nisrin Erradi incarne brillament Touda, qui rêve de devenir une Cheikha. Le film dévoile la violence, le rapport à la sexualité et les femmes au Maroc. Il dévoile également comment les hommes voient les chanteuses comme des objets sexuels et des esclaves à la merci de leur désir.
Le regard d’un homme sur la société des Hommes et leur rapport avec les Femmes
Le réalisateur Nabil Ayouch arrive à faire le portrait d’une femme voulant devenir libre dans un pays où les Hommes ont le pouvoir sur l’Art, le cours de la pensée et imposent des règles. Un regard masculin sur la quête de liberté d’une femme, mais la manière de montrer les choses provoquent un certain malaise face à la société des Hommes qui utilisent toujours la force pour soumettre les Femmes.

Le film ressort rapidement comme une tentative de portrait d’une femme moderne et pleine d’espoir. La structure narrative du film, divisée en deux parties, expose d’abord la vie difficile de Touda dans sa petite ville, puis son aventure à Casablanca. Cette dichotomie simpliste entre la province oppressante et la grande ville supposément libératrice révèle une vision réductrice de l’émancipation féminine. De plus, l’accélération narrative dans la dernière partie du film nuit à la crédibilité du parcours de Touda, donnant l’impression d’une libération artificielle et précipitée.
Cette approche programmatique diminue la portée du message d’émancipation que le film tente de véhiculer. On a l’impression de voir une femme se berçant d’illusion sur ses capacités à devenir une artiste. Très rapidement, elle tombe dans le paradoxe de la sexualité. Nous montrant des rapports avec un officier, quant au reste du film, elle bat pour affirmer qu’une femme n’est pas un objet sexuel. Mais sa carrière n’étant pas encore au sommet, devant supporter les traumatismes d’un viol et les mains baladeuses incessantes des hommes présents dans les bars et restaurants.
Bien que porté par la performance remarquable de Nisrin Erradi, le film peine à transcender les clichés du genre. La représentation de Touda oscille entre victime et rebelle, sans parvenir à offrir une image nuancée d’une femme véritablement libre et moderne. Le traitement des thèmes de la liberté et de l’indépendance reste superficiel, se contentant souvent d’opposer de manière binaire tradition et modernité, sans explorer les complexités réelles de l’émancipation féminine dans une société conservatrice. Ainsi, malgré ses bonnes intentions, Everybody Loves Touda échoue à présenter une vision authentique et convaincante d’une femme libérée dans le contexte marocain contemporain. La prestation est prenante, la photographie sublime, mais on souffre autant que l’héroïne dans ses coups de poing dans le mur des mœurs. Le film se perd dans les rêves de son héroïne et le corps de Touda devient l’écran sur lequel se projettent les désirs masculins, aliénant ses propres désirs de liberté.
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18 décembre 2024 en salle | 1h 42min | Drame
De Nabil Ayouch |
Par Nabil Ayouch, Maryam Touzani
Avec Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalila Tlemsi
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Une réflexion sur “Everybody Loves Touda – Le portrait d’une femme moderne dans un Maroc conservateur”