Nosferatu – un retour aux sources des premiers mythes


C’est un monstre ! Les cinéphiles usés de voir des vampires qui brillent au soleil vont pouvoir se délecter d’un retour aux sources. Nous sommes proches du mythe folkorique de l’Europe de l’Est et nous avons quelques éléments qui rappellent les origines mythologiques de cette entité maléfique. Striges, Lamie, Empuses ou encore les ombres des revenants qui hantaient les vivants pour leur aspirer leur énergie. Les NOSFERATU ont évolué avec le temps, d’Anne Rice à Bram Stocker en passant par le petit écran avec Buffy Contre les Vampires. Jamais désuets, car éternellement nourris des crises et des passions de la société, ils fascinent toujours autant.

Nosferatu 2024 © Universal Pictures
Nosferatu 2024 © Universal Pictures

Un retour aux sources des NOSFERATU originels

Le réalisateur Robert Eggers dans son dernier film NOSFERATU propose un voyage dans nos peurs les plus profondes, celles qui hantent nos nuits, au point où l’on est plus apte à dissocier la folie du réel. Entre Remake et Hommage, le réalisateur de The Lighthouse et de The Witch prouve une fois de plus savoir jouer avec les clair-obscures et explorer la noirceur de l’âme humaine.

Un vrai monstre, qui n’a rien de séduisant, s’éloignant de la version baroque et romantique de Francis Ford Coppola. Et encore très éloigné en character design et profil psychologique par rapport au Nosferatu fantôme de la nuit de Herzog (1979), dans lequel il apparait très bavard, se lamentant sur sa condition lors de sa rencontre avec Lucy (Ellen, dans la version 2024). Nous sommes proches du roman, avec un monstre qui persécute une jeune femme, voulant la posséder et lui prendre tout.

Le dilemme sciences, religion (Possession vs Hystérie de conversion)

Une prestation exceptionnelle de Lily-Rose Depp dans son premier grand rôle au cinéma, face au maitre de la métamorphose Bill Skarsgård (Ça, The Crow). Elle se tord, se contorsionne et simule l’acte. Nous sommes dans une illustration de la grande Hystérie et la Mélancolie, tantôt possédée et tantôt hantée par cet être, cette voix venue de très loin.

Robert Eggers parvient à mettre en scène le combat entre la foi et la science à travers une approche gothique et psychologique. Le film explore la tension entre le rationnel et le surnaturel, incarnée par le personnage du Professeur Albin Eberhart Von Franz (Willem Dafoe), qui représente probablement la voix de la science face aux phénomènes inexpliqués. Cette dualité est renforcée par la présence du vampire Conte Orlok, symbole du paranormal et de l’irrationnel, dont l’existence même remet en question les fondements scientifiques de l’époque.

Nosferatu © Universal Pictures
Nosferatu © Universal Pictures

Le réalisateur utilise une esthétique visuelle hypnotique et une mise en scène imprégnée de « dread » pour créer une atmosphère où le normal et le paranormal s’entrechoquent. Cette approche permet d’explorer les limites de la compréhension humaine face à l’inexplicable, tout en questionnant la place de la foi et de la religion dans un monde en pleine mutation scientifique.

Le film est décrit par DiscussingFilm comme un cauchemar psychosexuel hypnotique, suggérant que le réalisateur utilise la sexualité et l’érotisme comme vecteurs pour explorer les tensions entre le sacré et le profane, le rationnel et l’irrationnel. Cette confrontation entre différentes visions du monde crée un terrain fertile pour examiner les conflits intérieurs des personnages face à des phénomènes qui défient leur compréhension du réel. Même lorsqu’il ne reste plus rien, on s’accroche à nos certitudes. La foi, la science, qu’importe, on essaie de s’y accrocher, car croire dans le Mal absolue revient à admettre que nous sommes seuls face à quelque chose de plus grand, voir trop grand !

Une femme a le pouvoir, le retour du consentement dans l’imagerie des vampires

Ellen est la seule pouvant détruire le Comte Orlock par le sacrifice de sa vie. Un sacrifice venant dans une dimension temporelle de 3 nuits, un peu à l’image des 3 jours de la résurrection du Christ. Pour obtenir sa liberté, Nosferatu doit recevoir ce sacrifice de la part d’une femme, et ce, de son plein gré. C’est une relecture intéressante du mythe, car cela permet d’insérer une notion de consentement, une chose qui est rarement présente dans le mythe de Dracula.

Nosferatu 2024 © Universal Pictures

Même dans l’œuvre romanesque, le mort-vivant ne fait que pourchasser Mina et a une relation de domination totale sur elle, l’agressant et la violant. Nous sommes loin de la relation dramatique et romantique imaginée par Francis Ford Coppola. Ici, nous avons une œuvre se voulant à la fois moderne pour sa manière de traiter le rapport Ellen/Orlock, mais également une leçon de technicité pour sa photographie travaillée. En mêlant plusieurs éléments inspirés de l’expressionniste dans le traitement de la lumière, des ombres, et aussi du romantisme dans ses décors, le réalisateur veut nous plaquer au sol. Voyez, il y a quelque chose de bien plus grand que Nosferatu, le cinéma de genre, celui qui ne ment pas, celui qui offre du spectacle !

Un personnage monstrueux, une voix qui sort des ténèbres, Bill Skarsgård aborde une moustache qui rappelle celle visible sur l’iconographie de Vlad Tapes. Un cadavre qui ne semble jamais reprendre du poil de la bête, un être à la croisée de Murnau et du Vourdalak d’Adrien Beau. Oubliez les vampires à paillettes, celui-ci n’a rien de séduisant, il est le mal incarné !

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Note : 5 sur 5.

25 décembre 2024 en salle | 2h 13min | Epouvante-horreur
De Robert Eggers | 
Par Robert Eggers
Avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe


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