Nörah ou le rêve d’une vie ailleurs


Un récit en lenteur porté par la musique mélancolique et enveloppante d’Omar Fadel. Le film est un songe, le rêve de fuir le village pour la ville, celle que l’on fantasme à travers des magazines. La réalisation est minimaliste, à l’image d’une vie sans joie où le quotidien est brimé et les rêves éteints. MARIA BAHRAWI porte le rôle de Nörah avec brio, face à YAQOUB ALFARHAN dans le rôle de Nader, un professeur et artiste, qui voit le monde à travers la lumière quand tant d’autres ne voient que l’obscurité.

Norah de Tawfik Alzaidi explore le thème de l’émancipation féminine dans le contexte conservateur de l’Arabie Saoudite des années 1990. L’histoire se concentre sur la relation secrète entre Norah, une jeune femme en quête de liberté, et Nader, un nouvel instituteur arrivé dans un village isolé. Cette relation, nourrie par l’art et la beauté, devient le catalyseur des aspirations de Norah à une vie plus libre, en contraste avec les traditions restrictives de son environnement.

NORAH © NOUR FILMS
NORAH ©NOUR FILMS

Un rêve d’émancipation sur un fond aussi sombre que la photographie du film

Le rêve d’émancipation de Norah se manifeste à travers son attrait pour les magazines féminins, qu’elle consulte en cachette. Ces publications, bien qu’interdites, offrent à Norah une fenêtre sur un monde différent, où les femmes jouissent de plus de libertés et d’opportunités. Les images et les articles de ces magazines alimentent son imagination et son désir d’une vie différente, représentant un idéal de féminité et d’indépendance qui contraste fortement avec sa réalité quotidienne. Une vie fantasmée, un rêve de liberté, mais la vie de ces magazines ne sont pas ceux réservés aux femmes de sa condition sociale.

Ce parallèle entre la quête de liberté de Norah et le rôle historique de la presse féminine est frappant. Depuis ses débuts au XVIIIe siècle, la presse féminine a joué un rôle crucial dans l’émancipation des femmes, offrant un espace d’expression et de revendication. Tout comme ces magazines ont historiquement servi de vecteurs d’idées progressistes et d’aspirations féminines. Ils représentent pour Norah un moyen d’évasion et une source d’inspiration pour imaginer une vie différente, malgré les risques et les interdits sociaux auxquels elle est confrontée.

Nous sommes surpris par les choix cinématographiques qui arrivent parfaitement à retranscrire la vie intérieure des personnages. Une photographie très sombre, souvent éclairée à la bougie, des grands espaces et souvent des lieux clos et vides. Tout cela pour souligner le vide dans l’existence des deux protagonistes. En lisant des interviews, on comprend que le cinéma du réalisateur est avant tout celui des émotions. On projette dans ce film nos insécurités, nos peurs et aussi nos envies de voir un monde différent. Pourtant, au-delà de la critique qu’on peut lire à travers la tentative d’émancipation, rien ne semble possible dans ce monde. Ce moment d’égarement est accompagné de la puissance musicale d’Omar Fadel, qui accompagne chaque image du début jusqu’à la fin du générique.

« L’histoire de Norah est une représentation de la vie telle qu’elle est […] Chaque spectateur est libre de comprendre le film à sa manière selon sa sensibilité et le rapport émotionnel qu’il entretient avec lui […] Le cinéma est comme la littérature, les romans, la musique […] Il véhicule d’abord des émotions. »

__________

Note : 4 sur 5.

16 octobre 2024 en salle | 1h 34min | Drame, Romance
De Tawfik Alzaidi | 
Par Tawfik Alzaidi, Stephen Strachan
Avec Yagoub Alfarhan, Maria Bahrawi, Aixa Kay


En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.