Emmanuelle est devenue dans l’inconscient populaire un fantasme, et un fantasme est souvent décevant lorsqu’il se concrétise. Que vaut cette relecture du roman dans une époque contemporaine ?
Emmanuelle occupe une place particulière dans l’inconscient collectif français et international comme un symbole puissant du fantasme érotique. Ce personnage, né d’un roman d’Emmanuelle Arsan puis popularisé par le film culte de 1974 avec Sylvia Kristel, incarne une certaine vision de la libération sexuelle féminine. Emmanuelle représente une femme à la sexualité épanouie et sans tabous, explorant ses désirs dans des cadres exotiques.
Dans l’imaginaire populaire, Emmanuelle évoque immédiatement le cinéma érotique soft des années 70-80, avec ses codes esthétiques particuliers : sensualité suggestive plutôt que pornographie explicite, décors luxueux, exotisme. Le personnage est devenu synonyme d’un érotisme élégant et d’une certaine émancipation féminine par la sexualité.
Cependant, comme le souligne la réalisatrice Audrey Diwan, cette image d’Emmanuelle est aujourd’hui datée et chargée de clichés d’époque. Le défi de réinventer ce personnage en 2024 montre à quel point Emmanuelle reste ancrée dans l’inconscient collectif comme un fantasme à la fois attirant et potentiellement problématique, reflétant l’évolution des représentations de la sexualité féminine dans la société. Nous passons d’une femme libérée à une femme dominante, qui décide tout dans sa vie, son quotidien professionnel.

Une femme qui a tout et qui pourtant s’ennuie
Cocteau disait « À forces de plaisirs notre bonheur s’abîme » et cette Emmanuelle est lasse de sa vie, de voir la richesse sans réelle beauté, le plaisir sans le désir et le désir sans l’envie.
Une vie de code, de notation et une lente immersion dans la recherche d’un inconnu qui la subjugue.
Les scènes dans le taxi donne peut être la seule vraie poésie au film qui semble étouffer dans cette mélancolie gourmande.
La photographie est belle, l’actrice sublime et on cherche à montrer ce droit au plaisir du point de vue d’une femme qui domine, qui a tout et pourtant qui parait si malheureuse. Peut-être que l’abondance et la répétition des mêmes scènes l’usent ? « À force de plaisirs, le désir s’épuise » exprimait dans un poème Marceline Desbordes-Valmore. À force d’user des plaisirs de la vie, on finit par ne plus être capable de désirer. Pour devenir aussi fantomatique que cet inconnu qui n’a plus gout à rien à force de vivre dans l’excès, dans le toujours plus. Il ne dort plus, il ne mange plus, il est un fantôme, c’est cet attrait étrange et énigmatique qui va peu à peu donner un sens à la recherche absolue de l’héroïne.
L’héroïne s’ennuie et nous plonge dans la quête d’un idéal ineffable, à la croisée de la contemplation de sa part et la mise à distance du spectateur, sombrant lentement dans la spirale. Un film lent et qui tâtonne entre l’ennui et la recherche du désir perdu.
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25 septembre 2024 en salle | 1h 47min | Drame, Erotique
De Audrey Diwan |
Par Audrey Diwan, Rebecca Zlotowski
Avec Noémie Merlant, Will Sharpe, Naomi Watts
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