Un film sur une génération, une époque. Un film social sur la dureté de l’adolescence en Islande. On traite aussi bien de la violence physique, verbale, du viol ou du harcèlement scolaire. Puis brusquement, l’intrusion du fantastique permet de sortir des sentiers battus et propulse une simple histoire ordinaire en une véritable explosion artistique !

L’adolescence, la constante dualité entre sensibilité et violence
Guðmundur Arnar Guðmundsson livre une œuvre cinématographique saisissante qui plonge le spectateur dans l’univers brutal et paradoxalement insouciant de l’adolescence islandaise.
La réalisation est d’une puissance remarquable, alternant habilement entre des moments de tension palpable et des instants de tendresse cachée. La caméra, souvent portée à l’épaule, nous immerge dans l’intimité des personnages, créant une proximité troublante avec leur réalité crue. Cette technique renforce l’authenticité du récit et amplifie l’impact émotionnel des scènes les plus intenses.
Le réalisateur excelle dans sa capacité à dépeindre la dualité de l’adolescence : d’un côté, l’insouciance et la camaraderie, de l’autre, la violence et la brutalité. Les scènes de bagarres, de consommation de drogues et les allusions au viol sont traitées avec une franchise déconcertante, sans pour autant tomber dans le sensationnalisme. Guðmundur Arnar Guðmundsson parvient à maintenir un équilibre délicat entre la représentation de ces actes violents et l’exploration des liens d’amitié qui unissent les protagonistes.
L’adolescence, l’âge des amitiés indestructibles ou l’impression d’être immortel.
Balli est ce garçon isolé, livré à lui-même et souffre-douleur du collège. Progressivement, Addi va le prendre sous son aile et va l’intégrer au groupe. Si le film parle de l’adolescence et des sujets comme la sexualité, la recherche de soi, il traite également des grandes amitiés et ses limites.
La mise en scène est particulièrement efficace dans sa façon de transmettre les émotions fortes à travers de petites nuances. Les gestes d’affection échangés furtivement entre les personnages contrastent avec leur comportement de harceleurs ou de garçons vivant dans l’excès, révélant la complexité de leurs relations et de leurs personnalités en construction.

L’introduction du fantastique dans le récit
Guðmundur Arnar Guðmundsson intègre habilement des éléments fantastiques qui reflètent le contexte spirituel unique de l’Islande. Le film s’imprègne des croyances New Age et des traditions mystiques profondément ancrées dans la culture islandaise.
La mère clairvoyante d’Addi, capable de percevoir l’avenir dans ses rêves, incarne cette dimension surnaturelle. Les visions oniriques d’Addi, qui se développent au fil du récit, ajoutent une couche de réalisme magique à la narration, brouillant les frontières entre le tangible et l’invisible. Cette intégration du fantastique n’est pas un simple artifice narratif, mais plutôt un reflet authentique de la société islandaise, où il est courant et accepté de parler de rêves, de surnaturel et de divination. Le réalisateur utilise ces éléments pour explorer l’intuition et la guidance intérieure, suggérant que ces expériences mystiques peuvent offrir une voie vers la rédemption et la transformation personnelle dans un monde marqué par la violence et le désarroi adolescent. Ces rêves deviennent plus ou moins une forme explosion dans le réel du Surmoi du second topique de Freud. Tels des signaux d’alerte permettant à Addi d’éviter de sans cesse aller trop loin.
Les Belles Créatures est une œuvre puissante qui capture avec justesse la dualité de l’adolescence, oscillant entre brutalité et tendresse, violence et vulnérabilité. Le film livre un récit initiatique poignant, qui explore les thèmes de l’amitié, de la survie et de la dégradation morale avec une sensibilité et une précision remarquables.
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25 septembre 2024 en salle | 2h 03min | Drame
De Gudmundur Arnar Gudmundsson |
Par Gudmundur Arnar Gudmundsson
Avec Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason, Viktor Benóný Benediktsson
Titre original Berdreymi
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2 réflexions sur “Les Belles Créatures entre surnaturel et hyper-naturel.”