Thierry de Peretti offre une adaptation du roman de Jérôme Ferrari. Un film compliqué, car il essaie de nous emporter dans la question de l’image journalistique, de la photographie témoignant d’une vérité.
Une ile, un pays, un peuple et des grandes idées
Le réalisateur corse dresse un portrait intime et sombre de la Corse à travers la vie d’Antonia, une photographe engagée. En suivant son parcours, le film explore les tensions politiques de l’île, notamment à travers son lien avec un militant nationaliste.
La caméra capte une Corse déchirée entre violence et quête d’identité, sans tomber dans le folklore ou l’exotisme. Antonia, en tant que photographe, incarne cette ambivalence, toujours en décalage avec son environnement, incapable de capturer la véritable essence de ce qu’elle voit. Ce décalage révèle une Corse complexe, où l’absence de tragédie palpable contraste avec une histoire marquée par le conflit.

La photographie pour témoigner du présent
On est emporté dans cette quête d’un idéal, mais la dureté du FLNC (Front de libération nationale corse) omniprésent dans le récit font qu’on est pris entre deux feux, l’attachement à l’héroïne et la détestation. Pourtant, il y a beaucoup de tendresse dans ce narrateur décrivant la vie d’Antonia, jeune photographe de Corse-Matin à Ajaccio.
Clara-Maria Laredo et Marc’Antonu Mozzicanacci (Borgo) sont les deux révélations de ce film. Clara-Maria apporte une intensité et une authenticité remarquables au personnage d’Antonia grâce à sa profonde imprégnation de la réalité contemporaine corse. Son interprétation capture la complexité d’Antonia, reflétant sa relation ambivalente et viscérale avec son territoire, ainsi que son regard critique et parfois cruel sur son environnement. Elle a besoin de partir, de voir le monde et faire quelque chose pour elle. Cependant, cet ailleurs ce n’est pas meilleur que la Corse. La photographie sert à beaucoup de choses : montrer, témoigner, garder une trace, une archive. On y voit une vérité, celle de l’opérateur, mais aussi celle de la limitation du champ. Le hors champ est une autre vérité, on peut la montrer ou la nier en la laissant sous silence.
Marc’Antonu Mozzicanacci incarne Simon, l’ami d’enfance et amoureux d’Antonia, et prête également sa voix à la narration du film. Cette voix off, issue de la perspective de Simon, enrichit la narration en offrant un point de vue intime et personnel sur la vie d’Antonia, renforçant ainsi l’émotion et la profondeur du récit. Ensemble, leurs performances confèrent au film une dimension humaine et culturelle profonde, rendant justice à la complexité des personnages et de l’histoire qu’ils représentent. La Corse est quelque chose de particulier ; on ne peut pas dire qu’ils sont français, on ne peut pas dire qu’ils sont italiens, ils sont simplement insulaires avec une philosophie, un mode de vie et aussi un amour pour leur ile.
Le film dépasse la simple chronique historique pour devenir une réflexion sur l’image, la mémoire, et le rapport critique d’Antonia à son propre milieu. Tout cela en offrant ainsi une vision à la fois critique et profondément ancrée dans la réalité corse.
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4 septembre 2024 en salle | 1h 53min | Drame
De Thierry de Peretti |
Par Thierry de Peretti, Jeanne Aptekman
Avec Clara-Maria Laredo, Marc’Antonu Mozziconacci, Louis Starace
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Une réflexion sur “À son image, loin des images d’Épinal, la Corse et son éternel paradoxe.”