Les gens d’à côté, rêve d’une réconciliation entre les flics et leurs antis.


André Téchiné offre un film poignant sur les policiers exténués de leur fonction et les antiflics.
Entre les deux, il y a ces gens qui respectent les convictions, mais ces mêmes convictions sont à l’origine du fossé, faille de la rupture du lien de confiance. Le film arrive à montrer ces policiers à bout, ces familles détruites par un système qui n’a pas de respect pour l’individu. Certes, tant que l’outil fonctionne, on l’utilise, puis quand il n’est plus apte à être utilisé, on le jette.

À travers cette représentation, on a une dénonciation du comportement de l’état avec ses fonctionnaires. La profession de la voisine est institutrice ; elle a l’impression de ne pas être à la hauteur, du moins vit une dépréciation de soi, même si elle est bienveillante et investie dans son travail.

En face d’eux, il y a les antiflics. Ces gens qui veulent dénoncer l’abus du gouvernement et de l’état, mais va taper sur l’outil, sans prendre en compte qu’il ne réfléchit pas, mais ne fait que servir ! Ce récit est en soi un fantasme de réconciliation entre deux mondes qui vivent la même chose, mais qui est monté l’un contre l’autre.

André Téchiné par ce film arrive à entrelacer les aspects sociaux et intimes de manière subtile et nuancée. Il aborde des thèmes contemporains tels que les tensions sociales et les dilemmes moraux à travers des personnages complexes et réalistes. Jusqu’où pouvons-nous aller pour les gens que l’on aime ? Doit-on tout accepter quand l’État nous le demande ?

Le film démarre de manière audacieuse avec une manifestation policière, un choix qui pourrait sembler politiquement incorrect. Le réalisateur ne craint pas d’explorer cette facette sensible de la police républicaine, loin des clichés habituels, en montrant la vulnérabilité et les dilemmes moraux des agents. Cette ouverture introduit un cadre dans lequel la frontière entre le personnel et le politique s’estompe, permettant une exploration profonde des conflits intérieurs et des questions éthiques. Il y a un homme sous l’uniforme, un père de famille, un mari !

À l’écran, Isabelle Huppert face à Hafsia Herzi, un duo que l’on pourra également voir dans La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy. Les gens d’à côté est par ailleurs l’occasion de revoir l’acteur Nahuel Perez Biscayart. Explosif, touchant, un acteur tellement sous-estimé que l’on a pu voir briller dans Un an, une nuit d’Isaki Lacuesta.

Au cœur du récit se trouve Lucie, une policière établit au service technique incarnée par Isabelle Huppert, dont le parcours personnel se heurte à ses responsabilités professionnelles. Le réalisateur évite les stéréotypes en montrant des personnages comme Lucie et ses voisins, chacun portant des idéaux et des convictions qui semblent initialement inconciliables. Pourtant, à travers des interactions subtiles et des moments de grâce, le film explore comment les liens humains peuvent transcender les différences politiques et générationnelles.

Oui, même si nous sommes ici face à deux mondes différents, l’amitié va naitre. En privilégiant une approche minimaliste de l’intrigue, se concentrant sur les émotions brutes et les gestes du quotidien dans une banlieue ordinaire. Le réalisateur arrive à parler de sujet dur et complexe, mais sous une approche simpliste, réel et tellement humain ! Sans artifice, tout en laissant une place à l’émotion et à la réflexion du spectateur.

En quelques mots, ce film est porté par trois acteurs, ayant une force de jeu et profondeur marquée par leur sensibilité et leur engagement. Un film poignant, ancré dans la réalité contemporaine, offre une réflexion poétique sur la complexité des relations humaines et les défis moraux de notre époque.

Isabelle Huppert et les fantômes

Tout comme dans Sidonie au Japon, l’héroïne de ce film est visitée par le fantôme de son défunt mari. Ici, le réalisateur place cela dans un contexte chamanique. En Afrique, il existe une tradition dans laquelle certaines personnes sont visitées par les morts, une pratique profondément enracinée dans la spiritualité et les croyances ancestrales.

Ce phénomène, souvent vu comme une manifestation de respect ou une nécessité de transmission de connaissances et d’héritage spirituel, est considéré comme une interaction entre le monde des vivants et celui des ancêtres. Ces visites sont perçues comme des occasions de conseils, de guérison spirituelle et parfois même de réconciliation avec le passé. Ce n’est pas de la folie, mais l’illustration dont les cultures africaines honorent et maintiennent le lien avec les défunts au sein de leur communauté.

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Note : 5 sur 5.

10 juillet 2024 en salle | 1h 25min | Drame
De André Téchiné | 
Par André Téchiné, Régis de Martrin-Donos
Avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Nahuel Perez Biscayart


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