Quitter de la nuit, le parcours judiciaire long et déshumanisant des victimes de viol.


Delphine Girard ouvre son film en reprenant les ingrédients de l’excellent The Guilty (2018-Gustav Möller), mais arrive à nous faire rapidement basculer de l’autre côté. Et ce n’est peut-être pas plus mal ! Selma Alaoui est saisissante et bouleversante, face à l’actrice Veerle Baetens tenant le rôle d’opératrice téléphonique des Urgences de la police. Adèle Wismes incarne la sœur de la victime, une personne attentive et réagissant de manière exemplaire.

Un long parcours judiciaire et déshumanisant des victimes de viol

Nous ne sommes pas dans du hors champs total, mais dans le long processus de la justice et de l’enquête. Le film montre comment les victimes sont souvent en demande de soin, mais la justice dans ses besoins d’instructions impose des choses qui sont parfois compliquées à donner. On demande à quelqu’un de dire des choses et de décrire plusieurs fois une agression. On nierait presque l’état de sidération qui est pourtant régulièrement un élément décrit par les victimes et les professionnels de santé.

La sidération face à un traumatisme ou un évènement qui nous dépasse peut-être paralysante, rendant toute réaction ou défense impossible. Pour les victimes, expliquer cette inertie est très compliqué, et l’entourage indirect remet souvent en doute leur parole. Le jugement social teinté de scepticisme, s’interroge : « Pourquoi n’as-tu pas réagi ? Pourquoi n’as-tu pas cherché à te protéger ?« 

La sidération est une réponse instinctive du corps et de l’esprit face à une menace intense, créant une déconnexion entre la réalité et la capacité d’action. Cette immobilité est fréquemment incomprise et peut même être interprétée comme un consentement tacite. Et pourtant, la victime n’était pas consentante, elle ne dit rien, ne bouge pas et ne se débat pas…. La sidération n’est pas un choix, mais une réaction de survie face à l’inexplicable, à l’horreur. L’empathie et la compréhension sont essentielles pour soutenir les victimes et reconnaître la complexité de leurs expériences. Elles ont déconnecté leur cerveau par instinct de survie.

Quitter la nuit nous dévoile aussi un même récit du point de vue de la victime et de l’accusé. Puis vivre cette attente pour finalement obtenir quoi ? Des victimes avouent avoir longtemps attendu le jugement, qu’on leur rende justice, mais après leur blessure n’a pas changé. Dans ce long parcours de deux années mis en image par Delphine Girard , on ne sait jamais qui dit la vérité. Les proches de l’accusé veulent croire en lui. Le film nous offre l’occasion de voir un homme qui franchit la ligne, quelqu’un qui a pourtant voué sa vie à défendre le plus faible. Ici, la réalisatrice donne un visage de monsieur de tout le monde, car ceux qui peuvent passer à l’acte ne sont pas toujours des êtres difformes à l’allure démoniaque. Ils n’ont souvent rien prémédité et pourtant commettent l’irréparable. Quant à la victime, elle se tait et ne veut pas parler de cette nuit, elle désire l’oublier et la quitter.

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Note : 3 sur 5.

10 avril 2024 en salle | 1h 48min | Drame
De Delphine Girard | 
Par Delphine Girard
Avec Selma Alaoui, Veerle Baetens, Guillaume Duhesme, Adèle Wismes


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